Cette année supplémentaire de stages doit être créée à la rentrée 2026, pour mieux préparer les étudiants et les attirer dans les déserts médicaux. Mais le cadre réglementaire se fait attendre et des syndicats craignent un manque de places dans les cabinets.
Ils dénoncent une réforme « bâclée » et « inapplicable » en l’état. Les internes en médecine générale sont appelés à la grève, mercredi 29 janvier, par l’Isnar-IMG, l’un des trois syndicats représentatifs, pour réclamer un report de la création d’une quatrième année d’internat dans leur spécialité. Ce prolongement de la dernière phase des études de médecine, durant laquelle l’essentiel du temps est consacré à des stages, porte à dix ans la durée totale de formation des futurs généralistes. Une évolution actée en 2022 par la loi de financement de la Sécurité sociale, qui doit servir d’une part à mieux préparer les étudiants à la réalité du métier et à l’installation en cabinet, d’autre part à envoyer ces futurs généralistes dans les déserts médicaux.
Mais, alors que la réforme doit entrer en application en novembre 2026, pour 3 700 étudiants ayant commencé leur internat en 2023, elle reste encore trop floue aux yeux des principaux intéressés. Hormis un arrêté d’août 2023(Nouvelle fenêtre) qui fixe un cadre général, les textes réglementaires ne sont en effet toujours pas parus, laissant les internes et leurs maîtres de stage dans l’incertitude sur les conditions dans lesquelles se fera cette quatrième année. « Cette absence d’organisation témoigne d’un manque de respect indiscutable », déplore l’Isnar-IMG, dans un communiqué commun(Nouvelle fenêtre) avec des syndicats de médecins libéraux.
La crainte d’être redirigés vers l’hôpital
Ils s’inquiètent en particulier d’un manque de cabinets de médecine générale disposés à accueillir les internes de quatrième année, et de professionnels volontaires pour les encadrer. « Sur l’Île-de-France, dans les meilleures estimations, on aurait 250 lieux de stage pour 600 internes. À Lyon, c’est 60 places pour un peu plus de 150 internes. À Dijon, c’est 40 pour 90 », s’alarme Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG, interrogé par L’Humanité(Nouvelle fenêtre).
Les syndicats signataires craignent que l’objectif pédagogique affiché de cette quatrième année au moment de son adoption – la « préparation à l’exercice ambulatoire sur le territoire » – soit dénaturé, faute de places. « La tentation d’une redirection par défaut vers des services hospitaliers doit être écartée clairement par le gouvernement », réclament-ils dans leur communiqué.
Ils s’inquiètent des conditions de rémunération de ces internes. L’Isnar-IMG demande à ce que ces futurs généralistes touchent une « rémunération mixte », associant un salaire de base et une part variable liée à l’activité. « Il paraît indispensable que leur rémunération se calque sur le même modèle que leurs aînés », revendique le communiqué. « Ce mode de rémunération novateur permet de garantir une stabilité sécurisante pour ces internes, tout en valorisant l’activité de soins qu’ils réalisent auprès de leurs patients. »
Des décrets promis « au printemps » par le ministre
En 2023, le ministre de la Santé d’alors, François Braun, avait annoncé que cette année supplémentaire en internat serait rémunérée de 32 000 euros brut par an, mais que ces étudiants pourraient aussi conserver 20% des honoraires de leurs consultations, et qu’une indemnité supplémentaire serait proposée à ceux qui choisiraient d’exercer dans une zone sous-dotée en médecins. Un cumul qui doit leur permettre de toucher « jusqu’à 4 500 euros net par mois ».
Mais depuis, ce discours ne s’est pas concrétisé, sur fond d’instabilité au ministère de la Santé. « Les arbitrages n’ont pas été pris, et ça nous met en difficulté », regrette auprès du Monde(Nouvelle fenêtre) Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants. « Si les textes officiels paraissent d’ici le mois de février 2025, on peut encore arriver à mettre en place cette réforme très importante », estime celui qui avait coécrit un rapport commandé par le ministère de la Santé sur la mise en œuvre de cette réforme, en 2023.
Lors d’un déplacement dans les Hauts-de-Seine lundi, l’actuel ministre de la Santé, Yannick Neuder, a tenté d’éteindre la colère. Il s’est engagé à publier les décrets « au printemps », idéalement en « avril-mai », et à valoriser financièrement la fonction de maître de stage pour en recruter rapidement davantage. Il a déclaré avoir missionné un ancien président du syndicat d’internes Isni, Guillaume Bailly, pour animer un « comité de suivi » de la mise en œuvre de la réforme. Après ce discours, les deux autres syndicats d’internes, l’Anemf et l’Isni, ont « suspendu » leur participation à la grève de mercredi, saluant dans un communiqué des « avancées ». Mais ils préviennent que la réforme reste « sous surveillance ».