Alors que les Français détiennent 20 milliards d’euros de cryptomonnaies, une proposition de loi déposée par l’Union des droites pour la République (UDR) à l’Assemblée nationale vise à intégrer ces fonds dans l’économie réelle, rapporte TopTribune.
La proposition de loi, présentée ce mardi, propose des mesures attrayantes pour l’écosystème crypto, telles que la création d’une réserve stratégique de bitcoins, la possibilité de payer ses impôts en bitcoins et des incitations au minage. L’objectif est de dynamiser ce secteur afin d’injecter de l’argent frais dans l’économie française.
« Cette loi permettra l’injection potentielle de milliards d’euros dans l’économie nationale, ce qui stimulera le PIB, l’emploi et les recettes fiscales, comme la TVA », souligne le texte. Les 20 milliards d’euros de cryptomonnaies en possession des 10 % de Français utilisateurs de cryptoactifs en 2025, selon l’Association pour le développement des actifs numériques, seront au cœur de cette initiative.
Des experts estiment que certaines mesures, comme la création d’une réserve nationale de bitcoins, inspirée du modèle américain, sont prometteuses. La France devrait établir un Établissement public administratif (EPA) pour accumuler jusqu’à 2 % de l’offre totale des bitcoins en circulation, soit 420 000 bitcoins, d’ici à 2032.
« En temps décalé »
« Constituer une réserve en bitcoin pour un pays qui connaît de l’inflation permettra de faire rentrer de l’argent dans l’économie réelle, en temps décalé, à moyen ou long terme. Après, il reste à savoir si ces bitcoins seront conservés ou utilisés pour financer des projets », explique l’expert en cryptomonnaies Renaud Lifchitz.
L’accumulation de bitcoins pourrait se faire via plusieurs méthodes : minage sur le marché primaire et acquisition sur le marché secondaire, y compris des saisies judiciaires et l’orientation de l’épargne des Français vers le bitcoin. Il est suggéré que 25 % des montants collectés sur le Livret A et le LDDS soient consacrés à l’achat de bitcoins, ce qui représenterait environ 15 millions d’euros par jour.
Cependant, la proposition de paiement des impôts en bitcoins pour alimenter la réserve suscite des doutes. « Je ne pense pas que beaucoup de bitcoiners feront cela, c’est comme payer ses impôts en or », note Lifchitz, affirmant que les utilisateurs de bitcoin préféreraient conserver leurs avoirs.
« Usine à gaz »
La proposition de loi vise également à résoudre le problème du paiement de services en cryptomonnaie, compliqué par la fiscalité en vigueur. En France, de nombreux commerçants acceptent le bitcoin, mais les utilisateurs doivent déclarer chaque achat, ce qui constitue un frein. Un Français peut bénéficier d’une exonération de la flat tax pour les paiements inférieurs à 305 euros par an, mais au-delà, la taxation est appliquée.
« La fiscalité applicable est uniforme, 30 %, et fonctionne en vase clos: lorsque l’investisseur tente de sortir une petite somme d’argent de ses comptes de cryptoactifs, l’administration fiscale attend de lui une évaluation complète de son patrimoine en cryptoactifs, avec estimation des plus-values à la date de l’opération », indique le texte.
Les députés soulignent que cette « usine à gaz » freine non seulement le développement des entreprises cryptos en France, mais également les flux économiques qui pourraient en découler.
Pour pallier cela, l’UDR propose d’autoriser les paiements en stablecoins euros jusqu’à 200 euros par jour, sans obligation fiscale, pour des achats auprès d’entreprises françaises. Même si cela dépasse le seuil de 305 euros échappant à la flat tax, cela reste insuffisant pour certains.
Renaud Lifchitz souligne que les stablecoins, bien qu’ils permettent un transfert de valeur, sont soumis à des restrictions et pourraient être gelés par leurs émetteurs, contrairement aux cryptomonnaies décentralisées comme le bitcoin.
« Permettre que l’argent cicule facilement »
L’expert propose d’autres pistes pour aller plus loin que cette proposition de loi : augmenter significativement le plafond de 305 euros annuels ou instituer un système d’absence de taxation sur les plus-values après un an de détention de cryptomonnaies, modèle établi dans des pays comme le Portugal ou l’Allemagne.
« Si l’on détient un actif financier pendant longtemps, régulé par l’État, l’État devrait favoriser le retour de cet actif dans l’économie, sans rendre son utilisation difficile par une taxe ou une obligation déclarative », conclut-il.
Ce modèle pourrait s’apparenter à certains mécanismes comme le Plan d’épargne en actions (PEA), permettant de débloquer des fonds après plusieurs années sans fiscalité. Lifchitz ajoute : « Aujourd’hui, on cherche de l’argent. On devrait chercher l’argent où il est et permettre que l’argent circule facilement, plutôt que de rendre compliqué l’usage des cryptomonnaies dans l’activité économique. »