La Norvège envisage de recourir à son fonds souverain pour accroître son soutien à l’Ukraine tandis que le contexte géopolitique laisse entrevoir un soutien militaire américain moindre.
L’Europe est désormais en mode crise après un âpre affrontement entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche vendredi dernier. Après ce dernier épisode, l’administration Trump pourrait envisager de couper toute aide militaire à l’Ukraine.
Mais le pays, envahi par la Russie il y a trois ans, pourrait bien s’appuyer sur la Norvège, qui dispose de 1 700 milliards d’euros dans le plus grand fonds souverain du monde, dont 109 milliards d’euros selon les estimations provenant des bénéfices liés à la guerre et de l’augmentation des prix du gaz en 2022 et 2023.
Le pays nordique a jusqu’à présent dépensé 3,35 milliards d’euros pour soutenir l’Ukraine, un montant qualifié de « pathétique » et de « répréhensible » jeudi dernier par les rédacteurs en chef des principaux journaux suédois et danois, dont les pays, selon les mêmes données, ont contribué respectivement à hauteur de 5,41 milliards d’euros et 8,05 milliards d’euros.
« La Norvège est l’un des rares pays qui dispose de sommes importantes, et nous devons donc immédiatement multiplier notre soutien à l’Ukraine », a justifié samedi le chef du Parti libéral, Guri Melby.
L’ancienne Première ministre conservatrice norvégienne, Erna Solberg, a estimé dans un communiqué que le soutien de la Norvège devrait être augmenté « de manière significative » et « rapidement ». « Le gouvernement peut supposer sans risque qu’il existe une volonté au parlement d’en donner davantage », a-t-elle écrit.
Le Parti libéral et le Parti socialiste de gauche ont demandé une session parlementaire d’urgence, mais Euractiv croit comprendre qu’ils attendent maintenant la proposition du gouvernement.
La Norvège devrait consacrer 3 % de son PIB à la défense, contre environ 2 % actuellement, d’ici 2030, a annoncé lundi Sylvi Listhaug, chef du Parti du progrès, le deuxième parti conservateur de Norvège selon les récents sondages.
Le chef des Verts, dont le mouvement recueille actuellement 2,7 % des voix, a réitéré la proposition selon laquelle la Norvège devrait s’engager à verser 85,5 milliards d’euros à l’Ukraine.
« La Norvège est l’un des principaux donateurs de l’Ukraine. Jusqu’à présent, nous avons engagé au moins 167 milliards de couronnes norvégiennes (ndlr 14,7 milliards d’euros) jusqu’en 2030 », a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Euractiv.
La nature à long terme des investissements est appréciée par l’Ukraine et les alliés de l’OTAN, a ajouté le porte-parole. « Pour 2025, sur la base d’un accord multipartite au parlement norvégien, nous avons jusqu’à présent promis et alloué 35 milliards de NOK (ndlr couronne norvégienne). »
« Nous présenterons bientôt au parlement une proposition visant à accroître le soutien à l’Ukraine », a promis le Premier ministre Jonas Gahr Støre, qui participera également à la réunion des dirigeants européens mardi à Londres.
Le moment est-il venu de faire appel à la banque ?
Depuis 2001, la Norvège suit scrupuleusement une règle budgétaire qui consiste à ne pas dépenser plus de 4 %, puis 3 % de son fonds souverain chaque année.
Cette disposition a été introduite par le premier cabinet de Jens Stoltenberg avec un large soutien multipartite. Ancien secrétaire général de l’OTAN, l’homme politique norvégien est aujourd’hui ministre des Finances de Norvège, au moment même où la règle budgétaire est examinée de près.
L’idée d’utiliser plus activement le fonds pour soutenir l’Ukraine et les dépenses européennes de défense gagne du terrain en Norvège.
L’une des hypothèses avancées consiste à convertir quelque 300 milliards d’euros des 450 milliards d’euros d’obligations liquides du fonds en obligations européennes de défense, à condition que l’argent soit utilisé exclusivement pour renforcer la défense de l’Europe.
Vendredi dernier, Jens Solberg a expliqué que la Norvège devait utiliser davantage « l’argent du pétrole » pour améliorer la défense du pays. Des membres haut placés de son parti avaient auparavant appelé à plus de restrictions sur la manière dont l’argent pouvait être dépensé.
Le ministre des Finances a mis en garde contre toute modification de la règle budgétaire. « C’est une idée dangereuse de rompre la règle budgétaire pour donner plus d’argent à l’Ukraine », a-t-il déclaré le 7 février.
Des chiffres ?
Même sans enfreindre la règle, la Norvège a les moyens de ses ambitions.
« Nous avons actuellement une proposition au Storting (ndlr l’organe législatif suprême de la Norvège) pour augmenter le soutien de 100 milliards de couronnes norvégiennes cette année », a rappelé Sveinung Rotevatn, vice-président et responsable de la politique financière du Parti libéral.
D’ici à 2025, cela permettrait de faire passer l’aide à l’Ukraine de 3 milliards d’euros à 11,5 milliards d’euros.
Le ministère norvégien des Affaires étrangères a refusé de commenter davantage le montant de l’augmentation de l’aide souhaitée, se référant plutôt à la déclaration de Jonas Gahr Støre.
« Il est devenu évident que l’Europe dans son ensemble doit changer de vitesse en matière de soutien et de politique envers l’Ukraine en vue d’assurer la sécurité sur le continent », a fait savoir Sveinung Rotevatn.
« Toutes les autres politiques que nous poursuivons supposent que nous sommes un pays libre et indépendant », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Espen Barth Eide.