Moqueries, comportements humiliants, mises à l’écart… Les attitudes négatives visant les plus de 65 ans inquiètent les Français, à commencer par les plus jeunes, plus sensibles aux questions de discriminations.
Notre pays manque-t-il de bienveillance à l’égard de ses aînés ? Deux Français sur trois (67%) estiment que la société « porte un regard négatif sur les personnes âgées » et fait preuve d’« âgisme » à leur égard, révèle une enquête d’opinion présentée vendredi 27 septembre au ministère des Solidarités. Un quart de la population (24%) reconnaît elle-même « se sentir âgiste » dans son regard et ses interactions avec les plus de 65 ans, âge perçu comme « le passage du côté des vieux », selon ce sondage inédit réalisé par Toluna-Harris interactive pour le Conseil de l’âge(Nouvelle fenêtre) (PDF).
Les comportements âgistes les plus fréquemment observés sont les plaisanteries ou les moqueries visant les séniors (28% des sondés disent en avoir été témoin ou victime), devant les limites d’âge pour exercer certaines fonctions (25%), les paroles ou comportements humiliants (23%) et les situations d’abus de pouvoir (21%). Viennent ensuite des comportements de mise à l’écart, des gestes agressifs et des refus de prise en charge.
Les jeunes plus sensibles à ces discriminations
Fait remarquable : ce sont les sondés les plus jeunes, âgés de 18 à 34 ans, qui font le plus état de situations discriminatoires visant leurs aînés. « D’autres travaux ont déjà permis de constater que ces franges de la population sont les plus sensibles à la question des discriminations », souligne Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d’Harris interactive.
A l’inverse, « cette sensibilité n’est pas encore très développée » chez les personnes âgées, qui « se résignent souvent à l’idée que la vieillesse s’accompagne d’une forme de dénigrement ou de maltraitance », alerte Jean-Philippe Vinquant, président du Conseil de l’âge, une instance placée sous l’autorité du Premier ministre.
Le concept même d’âgisme, qui désigne une forme de discrimination liée à l’âge, reste largement méconnu. Seul un sondé sur trois (35%) dit en avoir déjà entendu parler, et un sur dix (13%) affirme savoir ce qu’il désigne précisément. Là encore, les plus âgés sont les moins au fait de cette notion émergente, maîtrisée par 9% des plus de 70 ans, contre 19% des 25-34 ans.
Les femmes, premières affectées, mais dernières écoutées ?
Autre enseignement notable : les femmes sont plus nombreuses que les hommes à juger la société âgiste. Leur propre regard sur la vieillesse apparaît plus négatif, avec l’évocation de notions comme le déclin ou l’exclusion. « Les femmes, davantage victimes de discriminations au cours de leur vie, sont plus sensibles aux thématiques de santé et de dégradation des conditions de vie », analyse le sondeur Jean-Daniel Lévy. « Elles vivent moins bien le vieillissement et ressentent plus durement le regard des autres sur ce phénomène », constate Jean-Philippe Vinquant.
Soucieux de souligner la « dimension genrée du sujet », le président du Conseil de l’âge rappelle que les personnes très âgées sont le plus souvent des femmes, « aidées par leurs filles » et par « des professionnelles qui sont, presque toujours, des femmes ». Un désintérêt masculin qui se reflète, selon lui, jusque dans l’absence de « véritable politique publique » en faveur du secteur, qui attend depuis des années une loi ambitieuse sur le grand âge.
Le vieillissement, « une opportunité » pour la société
Derrière ce tableau d’« une France âgiste », l’enquête, dévoilée à l’approche de la Semaine bleue dédiée aux retraités et aux personnes âgées – du 30 septembre au 6 octobre –, présente aussi des résultats « plutôt rassurants ». Malgré un regard parfois sombre sur la vieillesse, « les gens ont plutôt une représentation positive du vieillissement de la société », relève Jean-Philippe Vinquant. Cette évolution démographique, marquée par l’allongement de l’espérance de vie, est majoritairement perçue comme « une opportunité » pour la société, y compris sur le plan économique.
Loin d’une « guerre des générations », toutes les tranches d’âge sondées s’accordent à reconnaître l’apport important des plus de 65 ans au sein de la société et à l’égard des plus jeunes. « Il n’y a pas de profond clivage dans la société française, qui exprime ici surtout une aspiration à des politiques de lutte contre l’âgisme », conclut Jean-Daniel Lévy.
* Sondage réalisé en ligne du 17 au 20 juin 2024 auprès d’un échantillon de 2 057 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus, constitué avec la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socio-professionnelle, région et taille d’agglomération).