Le géant français de la distribution de brochures publicitaires Milee, ex-Adrexo, a été placé en liquidation judiciaire et n’a pas de repreneur. Après plusieurs vagues de licenciements en 2024, les 5.000 employés restants vont, eux aussi, perdre leur travail. Au lendemain de l’annonce, les salariés du centre Milee de Metz, en Moselle, s’inquiètent pour leur avenir.
La société spécialisée dans la distribution de brochures publicitaires et de courrier professionnel ferme définitivement ses portes. L’entreprise Milee (anciennement Société de distribution et de promotion, puis Adrexo) comptait au total 10.000 employés à temps plein ou partiel en France, jusqu’en juillet dernier. Elle était en redressement judiciaire depuis le 30 mai 2024, pour une durée de six mois. Lundi 9 septembre 2024, la société a finalement été placée en liquidation judiciaire, par le tribunal de commerce de Marseille, avec arrêt immédiat de l’activité et sans repreneur. Dans le Grand Est, des centaines de personnes sont concernées. Au lendemain de l’annonce, les salariés du centre Milee de Metz (Moselle) sont inquiets pour leur avenir.
Nos salaires du mois d’août n’ont toujours pas été payés
Malgré un secteur en crise et des conditions de travail précaires, les salariés de Milee étaient loin de s’attendre à une liquidation aussi rapide. « Aujourd’hui, des milliers de personnes se retrouvent au chômage et nos salaires du mois d’août n’ont toujours pas été payés, faute de trésorerie. L’entreprise était composée, grosso modo, d’un tiers de salariés précaires, d’un tiers de retraités, et le tiers restant était constitué d’employés à temps partiel avec une autre activité à temps plein. Je pense surtout à ceux qui n’avaient que ça », soupire Sébastien Bernard, le délégué syndical central CGT Milee.
Je ne suis pas mécontent que ça se soit arrêté, même si j’ai peur de l’avenirEmmanuel Risch, distributeur Milee depuis 19 ans à Metz
À Metz (Moselle), Emmanuel Risch, 49 ans, parcourait parfois plus de 20 kilomètres à pied chaque jour pour Milee. « Finalement, je ne suis pas mécontent que ça se soit arrêté, même si j’ai peur de l’avenir. Ce sont les profils les plus précaires qui acceptent de travailler ici. Le commun des mortels reste trois jours et arrête ce genre de boulot sous-payé et fatigant. En moyenne, je faisais une vingtaine de kilomètres à pied par jour, et plusieurs kilomètres en voiture, avec mon propre véhicule et des frais de déplacement au minimum légal. Nous étions payés au Smic horaire, avec des temps impartis, et une quantité intenable de courriers et de publicités à distribuer », confie le distributeur, également délégué syndical CGT, qui travaillait depuis 19 ans au centre messin de Milee.
J’ai connu une époque où on mettait 32 publicités différentes dans la même boîte aux lettres par semaineYasmina Saccouccio, 57 ans, distributrice Milee depuis 27 ans à Metz
Yasmina Saccouccio, 57 ans, était elle aussi salariée au centre Millee de Metz depuis 27 ans. Elle a assisté au lent déclin de la société. « On s’y attendait un peu car depuis quelques années la société connaissait des difficultés et nos conditions de travail empiraient, on nous demandait de distribuer 150 courriers par heure. On subissait de plus en plus de pression, mais c’était ça ou la porte. Au fond, on gardait toujours un peu espoir. Il y a 15 ans, il y avait bien plus de publicités papier et on était payé à la pesée, donc mieux rémunéré. J’ai connu une époque où on mettait 32 publicités différentes dans la même boîte aux lettres par semaine. Sur la fin, on ne distribuait plus qu’une à quatre publicités et quelques courriers professionnels d’entreprises par boîte aux lettres », se rappelle la distributrice.
Un secteur en souffrance et aucun repreneur
Après plusieurs vagues de licenciements, entamées en mai 2024, la société avait déjà divisé ses effectifs par deux. « C’est le plus gros licenciement en France depuis les années 80. De 10.000 employés en France, nous sommes passés à 5.000 en juillet 2024. Nous avons appris il y a quelques jours que les 5.000 employés restants n’allaient pas être sauvés. Le seul repreneur potentiel n’avait pas les fonds suffisants. Le tribunal de commerce de Marseille a estimé que ça n’était pas viable. Jusqu’à cet été, Milee comptait près de 250 centres partout en France, environ 170 depuis juillet. Lundi 9 septembre, tout a fermé, Milee cesse toute activité », indique Sébastien Bernard, délégué syndical central CGT de l’entreprise et salarié depuis 19 ans.
Quand Cora et E. Leclerc ont arrêté de travailler avec Milee, ça nous a mis un gros coupEmmanuel Risch, distributeur depuis 19 ans au centre Milee de Metz
Depuis plusieurs mois déjà, les salariés du centre Milee de Metz s’inquiétaient pour le futur de l’entreprise et leurs emplois. « Ces derniers temps, le climat était devenu invivable, la masse de travail s’amenuisait. Quand Cora et E. Leclerc ont arrêté de travailler avec Milee, ça nous a mis un gros coup. Début 2024, nous étions un millier d’employés dans le Grand Est, et plusieurs centaines en Lorraine. Puis, il y a eu plusieurs vagues de licenciements. De 104 distributeurs à Metz en début d’année, nous sommes passés à 40, puis à une quinzaine. Là, nous allons tous être au chômage », déplore Emmanuel Risch, distributeur à Metz.
Milee a profité d’un personnel corvéable à merci et à moindre coût, qui se retrouve aujourd’hui à la porteSébastien Bernard, délégué syndical central CGT Milee
Dans un communiqué, la direction de l’entreprise justifie son déclin par l’accumulation de facteurs comme le Covid, l’inflation et un secteur de la distribution d’imprimés publicitaires en « grande souffrance ». Pour le syndicaliste Sébastien Bernard, les causes de la fin de Milee sont plus compliquées : « Plusieurs grandes surfaces ont cessé de distribuer leurs catalogues papier dans les boîtes aux lettres. Mais il y a aussi eu un manque d’investissements de la part des actionnaires et pas assez d’anticipation au sein de la direction de l’entreprise. Milee a profité d’un personnel corvéable à merci et à moindre coût, qui se retrouve aujourd’hui à la porte », lâche Sébastien Bernard, délégué syndical central CGT Milee.
Fondée en 1979, Milee était le premier opérateur privé de la distribution d’imprimés publicitaires physiques et numériques en France.