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Qui n’a pas déjà rédigé son CV ou sa lettre de motivation avec l’aide de l’intelligence artificielle ? Thomas*, la trentaine, cadre dans la finance, le reconnait et l’assume pleinement : Chat GPT lui a permis de trouver son emploi actuel. Et depuis un an, « c’est l’amour continu » entre lui et la machine. Cette IA générative est devenue son coach,« son assistant ». « Premièrement, c’est pour le CV ou le profil LinkedIn, explique-t-il. Je lui raconte, par exemple, mes expériences et il me permet de me présenter d’une manière à laquelle je n’avais pas nécessairement pensé, d’utiliser certains mots-clés qui ne m’étaient pas naturellement venus à l’esprit.«
Quand Thomas est contacté par une chasseuse de têtes, il demande à Chat GPT de décoder l’offre d’emploi. « Je lui dis : ‘lis entre les lignes sans blabla’« . La réponse de l’IA arrive quelques secondes plus tard. « Ils veulent un profil opérationnel, affirme Chat GPT. Il y aura certainement une équipe un peu junior » . « Donc ça, déjà, c’est quelque chose d’intéressant« , réagit Thomas.
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Ensuite, l’IA l’avertit d’une « probable forte charge de travail ». « En es-tu sûr ? Qu’est-ce qui te le fait penser ?« , relance le cadre. Réponse : « Le périmètre de responsabilités est large et même si c’est une équipe, tu es le cerveau et le pont pour tout ce qui est dans ce domaine-là ». Peser le pour et le contre avant d’accepter une offre, Thomas pourrait le faire avec un collègue ou un ami. La différence, dit-il, c’est que Chat GPT a un « champ de compétences large » et qu’il est « toujours disponible« .
L’IA pour « mieux filtrer » les candidatures
Albane Armand, directrice régionale chez Robert Half, l’un des plus gros cabinets de recrutement en France, n’a aucun problème avec Chat GPT. D’ailleurs, ses équipes, installées dans le quartier des affaires de la Défense, près de Paris, utilisent « RH GPT« . « C’est une arborescence de Chat GPT, mais déployée et développée pour Robert Half « , précise-t-elle. C’est cette IA qui rédige de A à Z les messages que le cabinet envoie, par exemple, à des cadres supérieurs repérés sur le réseau LinkedIn.
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« Ça nous permet de personnaliser au maximum le message qui va être envoyé, assure la directrice régionale. Il n’y a rien de pire, quand vous êtes candidat aujourd’hui, que d’avoir l’impression d’être le numéro 267. Vous avez des gens qui peuvent penser que l’intelligence artificielle, c’est finalement standardiser, globaliser. Je le vois plutôt à l’inverse. Ça nous permet de faire du sur-mesure.«
Et ça ne s’arrête pas là. Depuis un an, le cabinet de recrutement utilise un tout nouvel outil pour filtrer les candidatures, baptisé ART (Artificial recommended talent).
« On rentre des mots-clés, quelles typologies de profils on peut rechercher et il va les générer avec des algorithmes etc. Il va nous pousser des candidatures qu’on n’aurait pas eues en premier niveau de recherche. »
L’avantage, selon elle, c’est que cette IA analyse tout ce que les candidats ont écrit ou dit, à toutes les étapes du recrutement. « C’est-à-dire pas uniquement le CV, mais les notes d’entretiens que le consultant va avoir notées sur la fiche de ce candidat. Pour moi, ça permet de plus filtrer, mieux filtrer en ayant élargi le champ des possibles sur les candidats « , dit-elle. Mais à l’arrivée, insiste la recruteuse, c’est bien le cabinet qui choisit. C’est, dit Albane Armand, « notre patte humaine« .
D’ailleurs cette intervention humaine est légalement obligatoire. En France, un processus de recrutement ne peut pas reposer uniquement sur programme automatisé. C’est ce qu’a rappelé la CNIL, dès 2002.
Un cadre législatif à respecter en France et en Europe
Cela n’empêche cependant pas certaines sociétés d’imaginer des entretiens d’embauche menés par une IA. Des candidats seuls face à un ordinateur, c’est le genre de proposition que reçoit Frédéric Béziers, le directeur général du groupe de recrutement Hays. « C’est une intelligence artificielle qui ressemble à une personne qui va vous poser des questions comme si elle venait en entretien, décrit-il. Et donc toutes les réponses sont retenues, enregistrées, codées. La machine après peut tout à fait faire des scénarios prédictifs en disant : ‘Au regard des questions et des réponses que j’ai eues avec cette personne-là, il semblerait que l’adéquation de ce profil avec votre besoin soit de l’ordre de…’ Et ça peut être un score, ça peut être un pourcentage« .
Une innovation qui ne l’a pas convaincu, pour le moment. Elle risque de toute façon de se heurter à la nouvelle législation européenne. L’Artificial Intelligence Act, adoptée l’année dernière, interdit l’analyse des émotions par une IA. Le langage corporel, comme disent les recruteurs, c’est ce qui permet souvent à un candidat ou une candidate de se démarquer.