Alors que le débat autour du financement de l’industrie d’armement ukrainien est au cœur de nombreux débats, des questions quant à la nature même de ce « trésor de guerre » subsistent.
La France va mobiliser, grâce aux intérêts des avoirs russes gelés, « une nouvelle enveloppe de 195 millions d’euros » pour aider l’Ukraine sur le plan militaire, a déclaré samedi 8 mars le ministre français des Armées Sébastien Lecornu. Cette somme « permettra de livrer des obus de 155 mm ainsi que des bombes planantes AASM qui arment les Mirage 2000 ukrainiens« , a expliqué Sébastien Lecornu au site internet du journal La Tribune Dimanche(Nouvelle fenêtre), évoquant aussi l’accélération des cessions de matériels anciens, « notamment de chars AMX-10RC et de véhicules de l’avant blindé (VAB)« .
Cette somme n’est toujours qu’une infime partie des intérêts des désormais célèbres avoirs russes gelés. Or, en France, ces derniers sont de plus en plus présentés comme la solution pour financer à peu de frais la défense et la reconstruction de l’Ukraine. Des économistes, des Nobel, des politiques plaident de plus en fort pour la saisie pure et simple des avoirs russes qui sont gelés en Europe depuis le début de la guerre en 2022. Mais de quoi parle-t-on ?
Des « titres financiers » avant tout
L’un des plus beaux yachts du monde Amore Vero, propriété d’Igor Setchine, PDG du géant pétrolier russe Rosneft et très proche de Vladimir Poutine, symbole de la mobilisation européenne contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine, ne fait pas partie du véritable « trésor de guerre ». Du haut de ses quatre ponts, de sa longueur de 86 mètres et, surtout, d’une valeur de 120 millions d’euros, le navire avait été saisi par les autorités à La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône, où il effectuait des réparations.
« Il y a une partie, pas des montagnes de billets, je pense que c’est plutôt des types de placements, précise Nathalie Jansson, professeure associée à la Neoma Business School. Ce sont des actions, des obligations, des bons du trésor… Tout ça, ce sont des titres financiers« . Ces avoirs appartiennent en réalité à la banque centrale de Russie : ils sont retenus en Belgique, derrière les vitres d’une chambre de compensation de l’organisation Euroclear, dont les responsables sont aujourd’hui sous protection.
« Aujourd’hui, le blocage est de nature politique »
Au total, 210 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale de Russie sont bloqués et 24,9 milliards d’euros d’avoirs privés sont gelés dans l’UE. L’Europe se sert des intérêts qu’ils génèrent, mais elle refuse de puiser dans le capital. « C’est regrettable », selon le député du groupe Liot, Laurent Mazaury, rapporteur d’une proposition de résolution qui sera débattue mercredi 12 mars à l’Assemblée nationale pour pousser à la saisie des fonds. « Aujourd’hui, le blocage est de nature politique, il n’est pas juridique. On a un long catalogue de cas où cela a déjà été fait et cela n’a pas posé de problème. Ça a d’ailleurs été particulièrement efficace dans le cadre de négociations« , avant l’élu des Yvelines.
En France le débat s’intensifie : en 2023, le magot russe a rapporté presque 4 milliards et demi d’euros, qui ont été reversés aux Ukrainiens.