Commandes de repas a minima, surbooking… Deux salariées témoignent des méthodes low-cost d'une crèche privée à Aix-en-Provence
Commandes de repas a minima, surbooking… Deux salariées témoignent des méthodes low-cost d'une crèche privée à Aix-en-Provence

Commandes de repas a minima, surbooking… Deux salariées témoignent des méthodes low-cost d’une crèche privée à Aix-en-Provence

18.09.2024
3 min de lecture

Le modèle low-cost s’est largement répandu dans les crèches privées, selon le livre-enquête du journaliste Victor Castanet qui paraît mercredi. Au prix du bien-être des enfants, comme le racontent deux salariées du groupe Les petits chaperons rouges, que franceinfo a rencontrées.

Des repas rationnés et des berceaux surbookés. Le modèle low-cost s’est imposé dans les crèches confiées par les mairies aux groupes privés. C’est ce que révèle le nouveau livre-enquête de Victor Castanet, Les Ogres (Flammarion), qui parait mercredi 18 septembre.

Deux ans après le scandale Orpéa, le journaliste consacre cette fois un ouvrage au business qui entoure les plus petits. Il cite notamment le cas d’une crèche d’Aix-en-Provence, gérée par l’un des géants de la petite enfance, Les petits chaperons rouges. Ce groupe a obtenu la gestion des 20 établissements de la ville. Deux salariées que franceinfo a pu rencontrer dénoncent des méthodes low-cost.

Cette auxiliaire de puériculture qui préfère rester anonyme a constaté ces méthodes dès son arrivée dans l’une des crèches Les petits chaperons rouges d’Aix-en-Provence, en délégation de service public. À commencer par les repas distribués aux enfants. « Les directrices avaient pour consigne de faire les commandes de repas a minima, c’est-à-dire que quand on a 15 grands, on va commander 14 voire 13 repas, à chaque fois. »

Le principe pour faire des économies, c’est de commander moins, pour anticiper les absences, précise cette éducatrice de jeunes enfants, qui travaille dans une autre crèche aixoise du même groupe. « Il n’y a pas toujours des absents, donc j’ai eu à couper les portions de protéines », raconte-t-elle. Des portions de protéines coupées en deux et des enfants qui rentrent à la maison affamés, raconte l’auxiliaire de puériculture : « Régulièrement, des parents nous disaient : ‘il n’a pas mangé hier ? À la maison, il se met devant le frigidaire et il pleure pour manger’. »

Des « consignes » pour faire du surbooking

Contacté, le groupe dément. Les salariées affirment, elles, que si les portions manquent encore parfois, la situation s’est améliorée depuis que des parents ont porté plainte l’an passé contre une crèche Les petits chaperons rouges de Vitrolles, la commune voisine. Mais il y a d’autres preuves du low-cost selon elles, comme la stratégie du surbooking. « On a pour consigne d’appeler les familles pour faire du surbooking. Par exemple, on a une section qui accueille dix enfants, on va avoir 12 inscrits. Quand il y a un absent, on appelle les deux inscrits en surbooking », détaille la première auxiliaire. « Ce sont des enfants qui viennent au coup par coup. Il est où le bien-être de l’enfant ? », s’étrangle la seconde.

« C’est scandaleux de mettre des contrats comme ça dans la petite enfance. On ne parle pas de places dans un avion. »Une salariée d’une crèche Les petits chaperons rouges

à franceinfo

Là encore, le groupe Les petits chaperons rouges réfute toute stratégie de surbooking, et parle « d’accueil occasionnel », « légal » et « contrôlé ». Cette stratégie low cost, que le groupe Les petits chaperons rouges conteste, pèse sur le moral des salariés. Ceux que franceinfo a rencontré, racontent les démissions en cascade de collègues et les burn out des directrices. Deux sont actuellement en arret maladie sur les 20 créches aixoises, précise le groupe Les petits chaperons rouges.

« Ce n’est pas du travail de qualité »

Le personnel est à bout affirme cette auxiliaire de puériculture : « Ils partent ou ils ne tiennent pas ! Parce que payés comme on est payés pour le travail qu’on nous demande de fournir… En plus ce n’est pas du travail de qualité. Moi, je suis en train de réfléchir à me reconvertir jusqu’à ma retraite. J’ai connu la crèche il y a 30 ans et la crèche aujourd’hui ; ce n’est pas possible.« 

« On en est réduit à faire du gardiennage, sans avoir les moyens de faire de l’éducatif », dit elle. Sa collègue, éducatrice dans une autre crèche du meme groupe, en veut à cette politique qui a permis aux mairies de confier leur crèche aux entreprises privées : « Ils ont ouvert la boite de pandore en autorisant les entreprises privées à se placer sur ce marché. C’est devenu un marché. Ca a été du pain béni pour les entrepreuneurs privés : l’opportunité de développer une activité subventionnée. »

De son côté, Les petits chaperons rouges indique que 90% de ses délégations de service public sont renouvelées, preuve de la satisfaction des collectivités. Voilà 15 ans maintenant que la mairie d’Aix-en-Provence a remis les clés de ses 20 crèches municipales, aux Petits chaperons rouges. La mairie n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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