Aires marines protégées, pollution plastique, pêche au chalut… Quel est le bilan de l'Unoc, le sommet de l'océan organisé à Nice ?
Aires marines protégées, pollution plastique, pêche au chalut… Quel est le bilan de l'Unoc, le sommet de l'océan organisé à Nice ?

Aires marines protégées, pollution plastique, pêche au chalut… Quel est le bilan de l’Unoc, le sommet de l’océan organisé à Nice ?

13.06.2025
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De nombreux pays ont pris des engagements sur la protection de l’océan lors de cette conférence des Nations unies. Mais ces avancées doivent encore se concrétiser en actes lors de prochaines rencontres.

Le monde entier (ou presque) a fait escale à Nice. A l’occasion de la conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc-3), qui se termine vendredi 13 juin, plusieurs dizaines de délégations internationales ont annoncé de nouveaux engagements sur les aires marines protégées, la pollution plastique ou encore la sauvegarde d’espèces menacées. Pour autant, ces déclarations devront encore se traduire en actes concrets dans les prochains mois, alors que plusieurs sommets décisifs pour la protection des océans sont prévus.

Ce rendez-vous niçois a donc permis aux Etats et aux acteurs de la diplomatie de rappeler leur attachement à une collaboration internationale pour relever un défi sans commune mesure : protéger des océans surchauffés, surexploités et pollués, dont dépend la santé de la planète et de l’humanité. Voici ce qu’il faut en retenir.

Un traité pour protéger la haute mer (bientôt) mis en œuvre

« Le 23 septembre 2025, il y a aura la cérémonie officielle [au siège des Nations Unies] à New York de ce que nous appelons déjà ‘le traité de Nice' », a annoncé l’envoyé spécial de la France pour l’Unoc-3, Olivier Poivre d’Arvor, avant la clôture du sommet, vendredi. Malgré l’annonce de la ratification du texte (appelé « BBNJ », son acronyme anglais) par une vingtaine de pays, le compteur affichait encore 51 ratifications vendredi matin, tout proche du seuil nécessaire des 60 pour que le traité entre en vigueur. « Quatorze pays supplémentaires l’auront ratifié avant le 23 septembre », a continué Olivier Poivre d’Arvor, saluant l’effort diplomatique de la France pour accélérer la mise en œuvre de ce texte portant sur les zones marines ne relevant d’aucune juridiction nationale (ce qui représente 65% de la surface océanique mondiale). 

L’ensemble de ces engagements assure ainsi l’entrée en vigueur ce traité, qui régule 64% de l’océan et donc 50% de la surface du globe, au plus tard en janvier 2026, précise le texte.

Une fois le traité entré en vigueur, les pays qui l’ont ratifié se réuniront chaque année à l’occasion d’une COP (conférence des parties). Ils « pourront notamment décider de créer des aires marines protégées en haute mer et ce à la majorité des trois quarts », explique Julien Rochette, directeur du programme Océans de l’Institut du développement durable et des relations internationales. « C’est une avancée juridique très importante », très attendue par les associations environnementales, analyse-t-il

Des nouvelles aires marines protégées déjà critiquées

La France a profité de ce rendez-vous pour hausser ses ambitions en matière d’aires marines protégées, ces zones délimitées où les activités humaines sont réglementées pour préserver la biodiversité marine, les écosystèmes et les ressources naturelles. Avant ce sommet, « on était à 33% [des eaux françaises protégées]. Avec ce qu’on a annoncé, on passe à 78% », a affirmé Emmanuel Macron sur France 2, mardi 10 juin. Il s’est notamment félicité de la création de la plus grande aire marine protégée du monde en Polynésie française. Une « avancée majeure », saluée par de nombreuses associations environnementales, dont la LPO et le WWF.

Cependant, cette protection reste en réalité très variable et particulièrement réduite autour de l’Hexagone. Aujourd’hui, seules 0,1% des eaux métropolitaines sont ainsi placées « sous protection forte », a reconnu la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui veut faire passer ce chiffre à 4% « d’ici à la fin de 2026 »

Un signal « en demi-teinte », selon les associations environnementales, car « ces zones ne répondent pas aux critères de protection stricte définis par la Commission européenne », écrivent-t-elles dans une déclaration commune. Bloom et Greenpeace dénoncent aussi le fait que ces nouvelles zones de protection forte se recoupent avec celles où le chalutage de fond – critiqué pour ses conséquences sur les fonds marins – est déjà interdit.

D’autres pays que la France ont annoncé de nouvelles aires marines protégées, comme la Tanzanie, Samoa ou les îles Salomon. Le Royaume-Uni a également dévoilé un plan pour étendre l’interdiction du chalutage de fond à plus de la moitié des aires marines protégées anglaises. 

« Au niveau mondial, nous étions à 8,4% d’aires marines protégées, [à l’issue de l’Unoc-3], nous ne serons pas loin de 11% », a déclaré en clôture Olivier Poivre d’Arvor, rappelant qu’il reste cinq ans à la communauté internationale pour atteindre son objectif de protéger 30% des océans d’ici à 2030. « Maintenant, la question reste celle de la mise en œuvre » de ces mesures de protection, souligne toutefois Julien Rochette.

Une centaine de pays engagés « symboliquement » contre la pollution plastique

Chaque année, des millions de tonnes de plastique s’infiltrent, sous forme de microplastique, dans les océans, les nappes d’eau, les aliments, et même le corps humain. C’est donc naturellement au sommet de l’ONU sur l’océan que 96 pays, dont la France, ont signé un appel « pour un traité ambitieux » contre la pollution plastique. « Nous demandons l’adoption d’un objectif mondial visant à réduire la production et la consommation de polymères plastiques primaires à des niveaux durables », assurent les signataires de ce texte.

Cette déclaration symbolique intervient quelques semaines avant la reprise de pourparlers sur cette question prévus à Genève (Suisse) en août. Elle vise donc à mettre la pression sur les pays opposés à toute limitation de la production mondiale (Arabie saoudite, Russie, Iran), essentiellement des producteurs de pétrole. 

« Un certain nombre de pays essayent de nous faire croire que c’est en agissant sur la collecte, le tri et le recyclage que nous allons mettre un terme à la pollution classique. Ceci est un mensonge. Nous ne pouvons pas le soutenir », a déclaré la ministre de la Transition énergétique, mercredi. « D’ici 2060, on va tripler la production de plastique et donc tripler ces déchets qui vont nous submerger si nous n’agissons pas », a-t-elle rappelé. 

De nouveaux Etats s’opposent à l’exploitation minière des grands fonds marins 

En 2022, à l’occasion de l’Unoc-2, à Lisbonne (Portugal) une poignée de pays insulaires du Pacifique avaient adopté un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins. Ceci, afin d’approfondir les connaissances scientifiques sur ces profondeurs convoitées pour leurs minerais et leurs métaux rares. Trois ans plus tard, cette coalition compte 37 Etats. Après que Donald Trump, grand absent de l’Unoc, a ouvert la voie par décret à l’extraction de minerais à grande échelle dans les fonds marins, y compris dans les eaux internationales, les chefs d’Etat et de gouvernement ont condamné cette décision unilatérale.

« Les grands fonds marins ne peuvent pas devenir un far west », a mis en garde le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, tandis que Lula, le président brésilien, a appelé la communauté internationale à mettre fin à cette « course prédatrice » aux métaux sous-marins. Alors que l’organe des Nations Unies chargé d’élaborer un code minier pour encadrer cette activité se réunit en juillet, à Kingston (Jamaïque), les Etats signataires du moratoire ont profité de l’Unoc pour affûter leur stratégie en vue de ces nouvelles discussions. 

Des avancées pour mieux protéger certaines espèces menacées

Plus d’une quinzaine de pays ont lancé, mercredi, une coalition pour stopper l’extinction des requins et des raies, sous l’égide d’ONG et d’organismes internationaux. La population de ces animaux majestueux, mais aux cycles de reproduction lents a réduit de moitié depuis 1970 et 37,5% des 1 200 espèces sont considérées comme menacées d’extinction, selon une étude publiée fin 2024 dans la revue Science. C’est le cas de l’ange de mer, un requin aux faux airs de raie, autrefois répandu au large de Nice, au point de donner son nom à la Baie des Anges, mais qui a désormais quasiment disparu de Méditerranée.

Ce n’est pas tout : la France a annoncé qu’elle allait également accentuer la protection de plusieurs espèces menacées. « Nous saluons l’annonce d’un plan de sortie de flotte pour la pêche à l’anguille et à la civelle », se sont félicitées plusieurs associations environnementales. Elles réclament également la mise sous protection de nouvelles espèces de poissons, invertébrés et végétaux.

Une trentaine de pays engagés en faveur d’un « océan silencieux »

Une pollution à bas bruit. Une coalition de 37 pays, menée par le Panama et le Canada, s’est engagée, lundi 9 juin, à combattre une menace majeure mais invisible : la pollution sonore du transport maritime, qui nuit à de nombreuses espèces sous-marines. Les membres de la coalition pour un « océan silencieux », où figure la France, s’engagent à faire progresser la conception et l’exploitation de navires plus silencieux au sein de l’Organisation maritime internationale.

Les membres de la coalition s’engagent également à intégrer les mesures de réduction du bruit dans la création et la gestion de leurs aires marines protégées, et à mettre en œuvre des solutions pour réduire le bruit des navires afin de protéger la vie marine.

Une déclaration finale qui déçoit sur les énergies fossiles

Principales causes du réchauffement climatique, les énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon) ne sont pas mentionnées dans le projet de déclaration finale adopté vendredi en clôture de la conférence. Le texte dénonce « les effets néfastes du changement climatique » pour l’océan et ses écosystèmes, sans pour autant plaider en faveur d’une « transition » vers l’abandon des énergies fossiles, comme lors de la COP28 de Dubaï en 2023.

« C’est la principale cause de la détérioration des océans, et nous n’en parlons pas assez : c’est regrettable », a estimé Ralph Regenvanu, ministre de l’Environnement de l’archipel volcanique du Vanuatu, dans le Pacifique. Venus en nombre à l’Unoc-3, les petits états insulaires ont alerté sur la nécessité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. La montée des eaux menace ces territoires, condamnés à disparaître si la hausse des températures mondiales n’est pas limitée à 1,5°C d’ici à la fin du siècle. 

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