L’Afrique du Sud enquête sur la présence de composants locaux dans des drones russes
L’Afrique du Sud enquête sur la présence de composants locaux dans des drones russes

L’Afrique du Sud enquête sur la présence de composants locaux dans des drones russes

10.10.2025 16:00
2 min de lecture

Les autorités sud-africaines ont ouvert une enquête après la découverte de matériel électronique fabriqué dans le pays à l’intérieur de drones russes utilisés lors d’attaques contre l’Ukraine. Le dispositif concerné est un télémètre laser produit par Lightware Optoelectronics Ltd., une entreprise située à la périphérie de Pretoria. Selon Vladyslav Vlasiuk, envoyé spécial ukrainien pour les sanctions, cet équipement peut servir à mesurer des distances et à déclencher une détonation.

Un composant civil au cœur d’une controverse militaire

Lightware affirme qu’il est impossible de savoir comment la Russie a obtenu ces télémètres, destinés exclusivement à un usage civil. L’entreprise évoque des acheteurs « peu scrupuleux » qui auraient acquis les capteurs par des canaux détournés. Les services de renseignement ukrainiens ont identifié ce composant dans des drones russes du type Garpiya-A1, un appareil longue portée à charge explosive.

La législation sud-africaine interdit toute exportation d’armes ou de technologies à double usage vers des pays engagés dans un conflit armé sans autorisation du National Conventional Arms Control Committee (NCACC). « L’entité concernée n’est pas enregistrée pour le commerce d’armes ou de technologies à double usage », a déclaré Sipho Mashaba, directeur par intérim du NCACC, précisant qu’une inspection aura lieu dans les locaux de Lightware afin d’évaluer la nature exacte de ses activités.

Des capteurs civils détournés à des fins militaires

Les capteurs développés par Lightware sont utilisés dans divers domaines civils — véhicules autonomes, exploitation minière, ou encore suivi de la faune menacée. Leur miniaturisation les rend toutefois facilement adaptables à des systèmes de drones. Le modèle retrouvé dans le drone russe, un SF-20/B, a pourtant été retiré du marché en 2020, selon Nadia Nilsen, directrice générale de Lightware. Le modèle actuellement commercialisé, le SF-20/C, est vendu pour environ 279 dollars.

Lightware souligne qu’aucun permis d’exportation n’était requis, ses produits n’étant pas considérés comme du matériel militaire. L’entreprise précise qu’elle ne vend pas à des pays sous embargo et que la Russie comme l’Ukraine figurent sur sa liste noire depuis 2022. Toutefois, une fois les capteurs revendus par des distributeurs, leur utilisation finale échappe à tout contrôle. « Nous exigeons des déclarations d’utilisateur final, mais il nous est impossible de réguler l’usage en aval », a déclaré Nilsen.

Un embarras diplomatique croissant pour Pretoria

L’affaire intervient alors que le président Cyril Ramaphosa poursuit ses efforts de médiation entre Moscou et Kyiv. Pretoria tente également d’apaiser ses relations avec Washington, fragilisées depuis les exercices militaires conjoints avec la marine russe en 2023 et les accusations — non étayées — d’exportation d’armes vers la Russie.

Les tensions se sont aggravées lorsque le président Trump a accusé l’Afrique du Sud de commettre un « génocide contre les populations blanches », entraînant des droits de douane de 30 % sur plusieurs importations sud-africaines, la réduction de l’aide américaine et un boycott partiel de réunions du G20 organisées par Pretoria.

Une affaire embarrassante pour les investisseurs

Lightware, fondée en 2011, compte parmi ses investisseurs Sanari Capital Ltd., société de capital-investissement basée à Johannesburg qui y a injecté 25 millions de rands en 2020. Sa directrice générale, Samantha Pokroy, s’est dite « profondément choquée d’apprendre que l’une des technologies que nous soutenons a été utilisée dans une telle application ». Elle a ajouté qu’il est « malheureusement très difficile pour les fabricants de composants de suivre avec précision la destination finale de leurs produits ».

La découverte de ce composant sud-africain dans un drone russe place Pretoria dans une position diplomatique délicate, entre son engagement pour la neutralité et la pression internationale accrue autour du respect des sanctions contre Moscou.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Dernières nouvelles

À NE PAS MANQUER