"Il redevient une figure de rassemblement" : Emmanuel Macron de nouveau au centre du jeu à la faveur de la crise ukrainienne
"Il redevient une figure de rassemblement" : Emmanuel Macron de nouveau au centre du jeu à la faveur de la crise ukrainienne

« Il redevient une figure de rassemblement » : Emmanuel Macron de nouveau au centre du jeu à la faveur de la crise ukrainienne

05.03.2025
7 min de lecture

A Washington, Londres ou Paris, le chef de l’Etat s’active pour tenter de résoudre la crise ukrainienne face au retournement stratégique de Donald Trump. En difficulté sur la scène nationale, le président français, qui prendra la parole mercredi soir, semble bénéficier d’un timide regain de popularité.

Le revoilà sur toutes les chaînes d’information et à la une des journaux. Il sera même dans la salle à manger des Français, mercredi 5 mars, avec une allocution télévisée prévue à 20 heures. Depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron se démultiplie dans un dossier ukrainien de plus en plus critique, alors qu’un responsable de la Maison Blanche a annoncé mardi 4 mars la suspension temporaire de l’aide militaire à Kiev. Une décision qui intervient quelques jours seulement après l’altercation historique survenue vendredi, dans le Bureau ovale, entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump.

Avant cet échange invraisemblable, le président de la République était à Washington, lundi 24 février, pour tenter de convaincre l’allié américain de ne pas défendre un accord de paix trop favorable à la Russie. Dimanche, comme une réponse à l’attitude hostile de Donald Trump, il s’est fièrement affiché aux côtés du président ukrainien, au premier rang des alliés de Kiev lors du sommet de Londres consacré à ce pays en guerre depuis plus de trois ans. 

Un « effet drapeau », comme au début de la guerre ?

Au milieu de ce bouleversement de l’ordre mondial, un sondage est apparu comme un petit coin de ciel bleu au-dessus de l’avion présidentiel qui transporte le chef de l’Etat. Selon le baromètre mensuel Toluna Harris Interactive pour LCI(Nouvelle fenêtre), publié vendredi, la cote de confiance d’Emmanuel Macron a progressé de six points, pour s’établir à 37%. Pour la première fois depuis décembre 2023, la courbe est repartie à la hausse.

Le chiffre tranche avec l’impopularité qui semble toucher l’Elysée depuis de long mois. D’après une enquête Odoxa Mascaret pour Public Sénat et la presse régionale(Nouvelle fenêtre) publiée mi-février, Emmanuel Macron était considéré comme un « bon président de la République » par seulement 25% des Français. Un creux avant le rebond ? « C’est un sans-faute pour lui en termes d’image, il a repris la main sur la scène internationale, assure Philippe Moreau Chevrolet, spécialiste de la communication politique. Le président de la République redevient une figure de rassemblement et de protection. »

Ce regain de popularité, lié à la guerre en Ukraine, n’est pas une première pour le chef de l’Etat. Déjà, au déclenchement de l’invasion russe, en février 2022, il avait profité pendant plusieurs semaines d’un véritable « effet drapeau », avec une campagne présidentielle écrasée par ce thème et un président-candidat en surplomb de ses rivaux. Sa popularité avait grimpé de plusieurs points, lui permettant de dominer le premier tour et de battre Marine Le Pen au second.

Les soutiens d’Emmanuel Macron savourent ce moment. S’ils récusent toute volonté du président de la République d’utiliser cette crise pour regagner la confiance des Français dans une année sans élection, pour eux le chef de l’Etat a vu juste, et depuis longtemps. « Je me souviens du discours de La Sorbonne, en septembre 2017, évoque un proche de François Bayrou. A l’époque, tout le monde s’était moqué de lui » lorsqu’il alertait sur « un désengagement progressif et inéluctable des Etats-Unis » et la nécessité d’une Europe « autonome » en complément à l’Otan.

La « concorde politique » espérée par le camp présidentiel

Un peu plus de sept ans plus tard, les décisions et les attitudes brutales de Donald Trump sonnent pour le camp présidentiel comme une validation des intuitions du passé. « Les faits viennent lui donner raison », se félicite le député Pieyre-Alexandre Anglade. « Les études d’opinion ont l’air de démontrer qu’il y gagne des points. Et je crois que c’est bien en lien avec sa capacité à tenir tête aux Etats-Unis et à remettre la France au centre du jeu », appuie le député Ludovic Mendes, rejoint par l’un de ses collègues, encore plus catégorique.

« C’est une victoire idéologique. »Un député Ensemble pour la République

« Je pense que le président fait preuve de leadership dans ces moments graves et inédits. Ça sera évidemment mis à son crédit », assure l’ancien ministre et député Ensemble pour la République (EPR) Franck Riester. « Basiquement, les Français ont compris que tout ce qu’il pousse depuis de nombreuses années se concrétise, prolonge une source au Quai d’Orsay, et la concorde politique le prouve. » Depuis quelques jours, le feu nourri des critiques venues de l’opposition a en effet baissé en intensité, dans l’hémicycle et dans les médias. Sur franceinfo, lundi, le patron du PS, Olivier Faure, s’est même dit « en accord avec ce que fait le président de la République » sur la situation en Ukraine. 

Le débat sans vote à l’Assemblée nationale qui a suivi, lundi après-midi, a confirmé la retenue des socialistes, des écologistes ou des Républicains dans leurs reproches, plutôt mesurés. Sur le terrain, les critiques auraient même laissé place à une forme de reconnaissance, vantent certains élus. « Dans ma circonscription, qui est à droite, les habitants sont inquiets de la situation internationale et me disent maintenant qu’on a de la chance d’avoir Macron », assure la députée EPR Brigitte Klinkert.

Les voix discordantes de LFI et du RN

A gauche, La France insoumise n’a, en revanche, pas atténué ses attaques à l’égard d’Emmanuel Macron. Vendredi, Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de LFI, a profilté de l’altercation entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump pour souligner la faiblesse du président de la République. « En humiliant Zelensky, Trump prouve qu’il n’a rien à faire du soi-disant accord avec Macron », a-t-il fustigé sur X(Nouvelle fenêtre). Lundi, lors du débat à l’Assemblée nationale sur la situation en Ukraine, c’est le député LFI Aurélien Saintoul qui a pris le relais à la tribune(Nouvelle fenêtre). « M. Macron a saboté l’appareil diplomatique et depuis trois ans, la liste des gesticulations sans effet est hélas bien longue », a-t-il dénoncé.

Devant la presse, les cadres insoumis disent ne pas être dupes de la tentative d’Emmanuel Macron d’anesthésier les critiques de l’opposition. « C’est l’objectif qu’il recherche et il compte dessus, car cela lui permet de mettre en avant sa fonction régalienne », assure le président LFI de la commission des finances, Eric Coquerel. 

Du côté du RN, c’est d’abord un silence embarrassé qui a prévalu pendant un moment après la scène du Bureau ovale. Le parti d’extrême droite se retrouve en porte-à-faux après ses déclarations passées pro-Trump ou pro-Poutine. Marine Le Pen s’est finalement exprimée, samedi, en marge du Salon de l’agriculture, pour réprouver les propos d’Emmanuel Macron sur la dissuasion nucléaire, estimant qu’elle devait rester « française ». La patronne des députés RN a exprimé à cet égard sa « tristesse de l’absence d’une voix forte et indépendante qui devrait être celle de la France »

Des propos qui lui ont valu les récriminations d’Emmanuel Macron, de retour de Londres. « Ces sujets ne souffrent pas d’amateurisme. Mme Le Pen n’est pas sérieuse. Sinon, elle ou M. Bardella seraient venus à la réunion au format Saint-Denis que j’ai faite la semaine dernière avec les partis. L’un était à Washington pour découvrir que M. Steve Bannon faisait des saluts nazis. Quant à Mme Le Pen, je comprends qu’elle était en vacances… », a-t-il taclé dimanche dans Le Figaro(Nouvelle fenêtre).

« Bien trop tôt » pour tirer des conséquences en France

Le RN campe sur son opposition frontale à Emmanuel Macron et affiche sa confiance. « Je ne suis pas sûr que les Français imaginent trouver en Emmanuel Macron celui qui peut améliorer la situation », relève un proche de Marine Le Pen. Pour Philippe Moreau Chevrolet, en revanche, la situation actuelle « devrait affaiblir l’extrême droite, que ce soit le RN ou Reconquête, qui ont du mal à se positionner ». Le communicant voit même déjà des conséquences à plus long terme sur la politique nationale française : « Ce qui se joue, c’est la présidentielle de 2027. La leçon de cette histoire, c’est qu’être proche de Macron en 2027 ne sera pas un handicap s’il se maintient comme ça. Les populistes français vont se radicaliser et être mis de côté », prédit-il. 

« Emmanuel Macron a trouvé un rôle à sa mesure, idéal pour une fin de mandat. Les enjeux nationaux sont marginalisés. »Philippe Moreau Chevrolet, communicant

D’autres sont bien plus prudents. « Il est bien trop tôt pour dire quelles seront les conséquences sur le plan national », estime un proche de François Bayrou. « Nous ne sommes pas dans la situation canadienne, où Donald Trump s’en est pris très violemment à Justin Trudeau, ce qui a fait s’envoler les intentions de vote pour son parti en vue des prochaines élections, décrypte Mathieu Gallard, directeur de recherche à l’institut Ipsos. (…) Il faudrait vraiment des frictions très fortes entre les deux hommes pour qu’Emmanuel Macron puisse échapper durablement à la dégradation de son image chez les Français. »

Sur le plan international, Emmanuel Macron risque aussi de se retrouver en concurrence pour le leadership européen : le Britannique Keir Starmer, l’Italienne Giorgia Meloni, le Polonais Donald Tusk ou encore l’Allemand Friedrich Merz comptent aussi jouer les premiers rôles, chacun à sa manière. Mais le chef de l’Etat français revendique des atouts singuliers en Europe : son expérience politique, sa relation avec Donald Trump et les capacités militaires et nucléaires de la France. Le 2 octobre 2024, il déclarait à Berlin qu’il entendait désormais consacrer « beaucoup d’énergie » aux réformes à « l’échelle européenne ». Faute de marge de manœuvre sur la politique intérieure, c’est désormais son terrain de jeu favori.

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