Le président de la République s’apprête à annoncer son choix pour le poste de Premier ministre ce vendredi 10 octobre, selon les engagements pris par l’Élysée après l’interview de Sébastien Lecornu sur France 2 mercredi. « Le président de la République a pris connaissance des conclusions de ce dernier : majorité de députés contre la dissolution, existence d’une plateforme de stabilité, chemin possible pour adopter un budget d’ici le 31 décembre », a précisé le palais présidentiel. Malgré une cérémonie en hommage à Robert Badinter et des réceptions diplomatiques, Emmanuel Macron prend le temps de peser tous les scénarios afin de garantir un budget pour la France en 2026, rapporte TopTribune.
Un Premier ministre issu de la gauche
Trois partis de gauche – le PS, Les Écologistes et le Parti communiste – revendiquent le poste de Premier ministre et proposent un gouvernement de cohabitation. Emmanuel Macron accèdera-t-il à leur demande ? « J’y crois toujours parce que j’ai le sentiment que la tonalité du débat global c’est que c’est la seule manière d’arracher une stabilité pour doter la France d’un budget », a affirmé Pierre Jouvet, n°2 du PS. Un autre cadre du parti, plus pessimiste, témoigne : « On sent que ça ne viendra pas. On n’a pas de contact du tout avec Emmanuel Macron. »
Un Premier ministre de gauche pourrait-il garantir l’adoption d’un budget ? Cela nécessiterait que le gouvernement ne soit pas censuré. En évinçant toute alliance avec La France insoumise et en promettant de ne pas recourir au 49-3, la direction du PS espère bénéficier de la neutralité des députés macronistes. Ces derniers n’ayant aucun intérêt à une dissolution ou à de nouvelles élections législatives, que des sondages prédisent désastreuses pour eux.
“On a essayé la droite, on a essayé le centre, alors pourquoi ne pas essayer la gauche ? » a déclaré Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique démissionnaire, et rare voix de l’aile gauche au sein de l’exécutif. Cette position, cependant, ne fait pas consensus au sein du groupe Renaissance, où les macronistes se divisent entre tendances de gauche et de droite, en réaction à la proposition d’Élisabeth Borne de suspendre la réforme des retraites.
Les Républicains ont, de leur côté, décidé qu’un tel scénario entraînerait “une censure totale et automatique”, selon un participant. Même sans les Insoumis, un gouvernement de gauche ne bénéficierait donc pas d’une assurance totale contre un renversement.
Un Premier ministre issu de la « plateforme de stabilité »
Le socle commun a disparu, place à la “plateforme de stabilité”. C’est ainsi que Sébastien Lecornu a désigné les 207 députés de l’ancien bloc central. Peut-il renaître sous ce nouveau nom, malgré des échecs successifs avec Michel Barnier, François Bayrou et Sébastien Lecornu ? « Le socle commun, fracturé de partout, n’a plus de réalité. Mais sur le papier, il peut exister deux mois pour avoir un budget », a témoigné une parlementaire LR.
Considérant la fragilité de cette alliance, certains estiment qu’il est crucial d’inclure le PS dans la démarche. « Ce qu’on pourrait tenter, c’est de regarder si avec la gauche et la droite républicaine, il y a une plateforme commune possible pour s’entendre sur un budget », a déclaré Marc Fesneau, président des députés MoDem.
Cependant, cela ne semble pas être le souhait des socialistes. « Nous réclamons une cohabitation, pas d’être dans un soutien sans participation, et encore moins d’être dans une coalition », a déclaré Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat. En coulisses, des élus socialistes suggèrent qu’un accord de non-censure serait possible avec un locataire de Matignon issu de l’ancien bloc central, sous certaines conditions, notamment pas de 49.3, hausse de la fiscalité pour les plus riches, suspension de la réforme des retraites, et exclusion de profils LR irritants.
Les Républicains sembleraient prêts à faire des concessions sur la suspension de la réforme des retraites, à condition d’obtenir des « gains politiques » sur des sujets tels que la sécurité ou l’immigration. « Le but est d’éviter la dissolution coûte que coûte », observe un parlementaire.
Mercredi, Sébastien Lecornu a exprimé son « optimisme » quant à la possibilité d’une non-censure par des députés « qui ne veulent pas d’une dissolution ». Pourrait-il être reconduit si cela se concrétise ? « J’aimerais bien. Il a été excellent au ’20 Heures' », a déclaré une députée EPR. Cependant, il a souligné que sa mission était terminée et qu’il ne « courait pas après le job », sauf s’il devait revenir en tant que “moine soldat”.
Un Premier ministre issu de la société civile
C’est peut-être une personnalité extérieure à la politique que souhaite Sébastien Lecornu, selon ses propos lors de son interview de mercredi. « L’équipe qui devra prendre les responsabilités, quelle qu’elle soit, devra être complètement déconnectée des ambitions présidentielles pour 2027 », a-t-il déclaré. Un gouvernement technique, composé de hauts fonctionnaires, ambassadeurs, académiciens ou militaires, pourrait être une solution, selon lui.
Cette hypothèse récolte un bon soutien dans les sondages, obtenant 35% d’opinions favorables, avec notamment une approbation significative parmi les sympathisants des principaux partis. « Là, on est dans un niveau de ressentiment assez élevé vis-à-vis des politiques. Il y a un constat d’échec », note Emmanuel Rivière, consultant.
En revanche, les critiques fusent de la part de certains responsables politiques. “Un Premier ministre ou des ministres techniques, ça ne marche jamais, surtout dans un moment où le pouvoir sera au Parlement”, tempête un lieutenant d’Olivier Faure.
L’hypothèse Jean-Louis Borloo
Le nom de Jean-Louis Borloo, ancien ministre ayant une expérience politique, est à nouveau évoqué comme un compromis potentiel. L’ancien maire de Valenciennes pourrait discuter avec la gauche. « Chiche », s’est exclamé le socialiste Patrick Kanner, avant de qualifier ses propres mots de « boutade ».
« Jean-Louis Borloo, il a le talent et la créativité », a déclaré un ancien compagnon du centre. Cependant, l’expérience avec Michel Barnier illustre qu’il faut une personne ancrée dans le jeu actuel. Borloo, qui n’est pas proche de Macron, a déjà fait face à des problèmes de reconnaissance face à ses projets passés. « Il y a trop de contentieux entre les deux. Ça ne serait pas bon d’avoir cette seule grille de lecture », juge un député. Le principal intéressé a affirmé qu’il n’a « absolument aucun » contact avec l’entourage du président.