L’effet est inattendu. Le vaccin à ARN messager contre le Covid-19 pourrait avoir un impact sur les cancers. Des chercheurs ont observé que les patients atteints de cancer avancé de la peau ou des poumons, ayant reçu un vaccin dans les 100 jours suivant le début de leur traitement par immunothérapie, ont survécu plus longtemps que ceux qui n’étaient pas vaccinés, rapporte TopTribune.
En moyenne, ces premiers étaient deux fois plus susceptibles d’être en vie trois ans après le traitement par rapport aux seconds. Les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire, des anticorps monoclonaux, sont conçus pour bloquer des protéines spécifiques et inciter le système immunitaire à attaquer les cellules cancéreuses.
Ces résultats, présentés lors du congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO) à Berlin le 19 octobre et publiés dans la revue Nature, nécessitent encore une validation par un essai randomisé de phase III. L’objectif est d’évaluer si les vaccins à ARNm devraient être intégrés dans les soins standards pour les patients sous traitement par inhibiteurs des points de contrôle.
Le système immunitaire entraîné à éliminer le cancer
Les chercheurs de l’Université de Floride et du MD Anderson Cancer Center ont analysé les dossiers de plus de 1 000 patients, traités entre août 2019 et août 2023. Parmi eux, 180 patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules avancé ayant reçu le vaccin ont eu une survie médiane de 37,33 mois, contre 20,6 mois pour 704 patients non vaccinés.
Dans une autre cohorte, 167 patients atteints d’un mélanome métastatique non vaccinés ont présenté une survie médiane de 26,67 mois, tandis que 43 patients vaccinés n’avaient pas encore atteint cette survie, suggérant une amélioration significative (plus de la moitié du groupe demeurait encore en vie).
« Cette étude démontre que les vaccins à ARNm contre le Covid-19 peuvent entraîner le système immunitaire des patients à éliminer le cancer », a déclaré le Dr Adam Grippin, oncologue et premier auteur de l’étude. « Combinés à des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, ces vaccins produisent de puissantes réponses immunitaires antitumorales, associées à des améliorations considérables de la survie des patients atteints de cancer. »
Dans des recherches antérieures sur des vaccins anticancéreux à ARNm ciblant les tumeurs cérébrales, le Dr Grippin a découvert, au sein du laboratoire du Dr Sayour, co-auteur de l’étude, que les vaccins à ARNm agissaient comme de puissants activateurs immunitaires, entraînant le système immunitaire à cibler les cellules cancéreuses même sans un ciblage direct des tumeurs.
Les chercheurs ont donc émis l’hypothèse que d’autres types de vaccins ARNm pourraient avoir un effet similaire. L’avènement des vaccins à ARNm, en réponse à la pandémie de SARS-CoV-2, a permis de le vérifier.
Un vaccin anti-cancer ?
Pour comprendre les mécanismes en jeu, les chercheurs ont étudié l’action des vaccins à ARNm sur des modèles précliniques. Ils ont découvert que ces vaccins opèrent comme une alarme, provoquant un état d’alerte maximal du système immunitaire pour identifier et attaquer les cellules cancéreuses.
Les cellules cancéreuses produisent une protéine de point de contrôle, PD-L1, mais les inhibiteurs permettent de bloquer cette protéine, facilitant les conditions nécessaires à l’activation du système immunitaire contre le cancer.
Ce mécanisme a également été observé lors d’études cliniques. « Les chercheurs ont découvert des mécanismes similaires, notamment une activation immunitaire chez des volontaires sains et une expression accrue de PD-L1 sur les tumeurs chez les patients ayant reçu des vaccins à ARNm contre le COVID », indique le MD Anderson Cancer Center dans un communiqué.
Ce centre précise que les patients réagissant le moins bien à l’immunothérapie semblent bénéficier davantage de l’association immunothérapie-vaccin. Chez ces individus peu réceptifs, le taux de survie était près de cinq fois plus élevé que chez les personnes non vaccinées.
Si ces résultats se confirment lors de l’essai clinique, les chercheurs estiment qu’un vaccin universel non spécifique, encore plus performant, pourrait être conçu. Pour les patients atteints de cancers avancés, un tel vaccin pourrait significativement augmenter la survie.