Présidentielle américaine 2024 : En choisissant de communiquer sur TikTok, Donald Trump ne se trompe pas

21.07.2024
3 min de lecture

Le réseau social est un terrain propice pour l’ancien chef d’Etat américain, candidat à un nouveau mandat, habitué du buzz

Une excursion à une soirée MMA, une courte vidéo avec l’influenceur Logan Paul. « Je vais sauver TikTok ! », s’exclame même Donald Trump. Doucement, début juin, l’ancien président américain candidat à un nouveau mandat s’est lancé sur le réseau social. Malgré une activité assez faible, son compte est suivi par 8,6 millions de personnes, et sa première vidéo affiche 157,2 millions de vues. The Donald, le nouveau tiktokeur à suivre.

Le candidat républicain a même l’air de préférer ce réseau social chinois à Meta, le géant américain. « Si vous n’avez pas TikTok, vous avez Facebook et Instagram, et donc, vous le savez, vous avez [Mark] Zuckerberg », a-t-il défendu dans une interview accordée à Bloomberg. Un tacle en deux temps au créateur de Facebook, qui aurait fait passer Donald Trump « de numéro 1 à rien » en le bannissant de ses plateformes en 2021, après l’assaut du Capitole.

Une perche géopolitique

En 2020, pourtant, Donald Trump a tenté de faire interdire TikTok, invoquant des raisons de sécurité nationale. Ce revirement s’explique de deux façons, avance Alexandre Eyries, enseignant-chercheur HDR en sciences de l’information et de la communication à l’université catholique de l’Ouest. « A l’époque de son slogan « America First », un réseau social chinois, ce n’était pas possible, explique d’abord l’expert. Aujourd’hui, Xi Jinping figure parmi ses principaux alliés politiques, donc ce n’est plus un problème. »

« Géopolitiquement, sa politique est prise dans une tenaille, juge Olivier Alexandre, docteur en sociologie, chargé de recherche au CNRS, membre du centre Internet et société. Il prône un isolement des Etats-Unis mais, en même temps, le pays est dans une position de guerre commerciale avec la Chine, où la tech est un enjeu central. Il a rassuré les investisseurs en disant qu’il fallait s’occuper de l’IA avant la Chine, là où l’administration Biden voulait réguler ou taxer. »

Toucher un nouveau public

De plus, ce nouveau réseau social lui permet de conquérir de nouveaux électeurs. Il faut dire que le terreau est plutôt fertile. L’application affiche plus de 120 millions d’utilisateurs aux Etats-Unis. Et, chez eux, les publications liées à Donald Trump n’ont pas attendu l’arrivée officielle du candidat pour cartonner. Le hashtag #trump, par exemple, totalise 7,3 millions de publications (contre 2,1 millions pour #biden).

« Cela lui permet de toucher un public déçu des réseaux sociaux classiques, qui ont quitté Facebook ou Twitter », avance Alexandre Eyries. Parmi eux se trouvent des jeunes américains qui ne votent pas, mais pourraient s’intéresser à la politique. L’expert poursuit : « Pas sûr que cela touche des votants directement, mais, par effet de transmission, les internautes peuvent devenir des relais de communication et le discours peut se diffuser. À leur famille par exemple. »

« Déjà un tiktokeur en puissance »

Les codes qui fonctionnent sur la plateforme sont des ressorts déjà bien connus du candidat républicain. « La vidéo courte et percutante, le buzz, se faire remarquer, tout ça c’est déjà l’ADN de la communication de Trump, reprend Alexandre Eyries. Il a déjà compris que, dans la communication politique, le contenu passait au second plan, après la visibilité à peu de frais. C’est déjà un tiktokeur en puissance. »

Les algorithmes des réseaux sociaux facilitent aussi la propagation de discours radicaux. Comme YouTube et Twitter, TikTok favorise les bulles de filtre, avec des flux personnalisés pour correspondre à ce qui plaît déjà à ses utilisateurs. Autre avantage : « Choisir de ne toucher que ses abonnés », estime Alexandre Eyries. Avec des millions de vidéos par jour, le flot est tel qu’« une vidéo ouvertement alt-right, avec des propos très durs, ne va pas forcément attirer l’attention ». Une bonne manière de radicaliser une partie des spectateurs sans attirer trop d’attention ou de polémique.

Le phénomène est comparable avec la dynamique d’autres personnalités d’extrême-droite, comme Jordan Bardella, sur les réseaux sociaux. « Il y a une logique partagée de représentation et de culte de l’homme présidentiel », explique Alexandre Eyries. Attention, toutefois, tout n’est pas transposable, à cause des « singularités de la vie politique américaine, comme le système de grands électeurs », prévient l’enseignant-chercheur. « Il ne faut pas oublier que sur les réseaux sociaux, les contenus les plus vus sont ceux diffusés par des médias, comme Fox News, tempère aussi Olivier Alexandre. Et c’est là où il a son ancrage. Les gens qui votent, aux Etats-Unis, ce ne sont pas les jeunes. » S’il veut les motiver en s’appuyant sur la plateforme chinoise, Donald Trump devra aussi être plus régulier : sa dernière vidéo date du 23 juin.

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