Risquons-nous d'exploser en plein milieu d'une crise ?

Risquons-nous d’exploser en plein milieu d’une crise ?

08.09.2025 16:53
4 min de lecture

À l’approche d’une mobilisation singulière annoncée pour le 10 septembre, la question ne se limite plus au nombre de manifestants, mais s’élargit à l’évaluation des risques d’une convergence explosive des mécontentements dans un pays déjà largement fracturé., rapporte TopTribune.

Le 10 septembre se profile tel un orage qui approche, et les appels à « bloquer la France » résonnent dans le paysage numérique et au-delà, accompagnés d’une variété de voix disparates. Toutefois, derrière cette rhétorique émotive, se pose une interrogation pressante : jusqu’où cette nouvelle vague de contestation pourrait-elle nous entraîner ?

Pour bien comprendre ces enjeux, un retour sur les événements récents est nécessaire.

Les débuts imprévisibles du chaos

Le samedi 24 novembre 2018 est une date marquante, où les Champs-Élysées sont devenus le théâtre de violentes confrontations. Bien que le mouvement des Gilets jaunes prenait de l’ampleur sur les ronds-points, cette contestation semblait s’inscrire dans une dynamique classique, d’un mouvement horizontal et acéphale centré sur l’abrogation d’une taxe sur les carburants.

La préfecture de police de Paris avait restreint le rassemblement au Champ-de-Mars, ce qui minimisait la portée de cette rébellion naissante et sa tendance à l’insoumission.

En tant qu’observateur des dynamiques sécuritaires, j’étais présent dès 8 heures au café La Belle Ferronnière, dans le 8e arrondissement. Mon intuition me poussait à penser que ce mouvement inédit ne se plierait pas aux instructions préfectorales.

À 8h30, les premiers groupes se formaient discrètement. Une heure plus tard, un nombre croissant de manifestants investissait les rues du quartier, s’appropriant les Champs-Élysées. Les touristes étaient sidérés et les forces de l’ordre se trouvaient déconcertées, assistant, impuissantes, à cette occupation progressive de « la plus belle avenue du monde ». Les premiers incidents, les flammes, les destructions et les affrontements avec les CRS s’ensuivirent, et rapidement, les gaz lacrymogènes envahirent les lieux.

Cette journée inaugurait une longue série de violences à travers le pays.

Un mouvement miroir ?

La mobilisation du 10 septembre pourrait-elle ressembler à celle des Gilets jaunes ? Les similitudes sont difficilement négligeables.

Au cœur de cette nouvelle contestation se trouve un petit collectif du Nord, « Les Essentiels », dirigé par un certain Julien M. Depuis cet appel inaugural, le mot d’ordre s’est répandu dans une nébuleuse étonnamment hétéroclite : souverainistes, figures de toutes tendances politiques, résidus des Gilets jaunes, collectifs « antisystème », militants antivax et syndicalistes isolés…

Ce groupe disparates n’a pas de leadership identifiable ni de structure rigide. Seule la colère citoyenne, accentuée par le plan d’austérité de François Bayrou, les unit. De plus, certains murmures évoquent l’implication éventuelle de services de renseignement étrangers pour amplifier la portée de cette manifestation.

Les analogies avec les Gilets jaunes sont évidentes : un mouvement spontané, une horizontalité marquée et, surtout, une insaisissabilité totale. Cette contestation polymorphe puise sa force dans son désordre apparent et son imprévisibilité, des caractéristiques qui rendent fou les services de sécurité intérieure.

Devant cette effervescence, partis politiques et syndicats avancent prudemment, craignant avant tout les amalgames avec de potentiels débordements. Ainsi, l’intersyndicale a appelé à des manifestations de « rattrapage » le 18 septembre, une tentative de canalisation qui semble avouer leur impuissance.

Trois scénarios, trois France

Que pourrait-il se passer mercredi ? Plusieurs scénarios se dessinent.

Premier scénario : un feu de paille numérique. Des hashtags et des vidéos virales émergeraient, mais finalement, la colère resterait sans réelle traduction dans l’espace public, faisant de cette mobilisation un simple pétard mouillé.

Deuxième scénario : la mobilisation fragmentée. Ce scénario serait plus plausible, multipliant les barrages filtrants et les rassemblements éparpillés. Cela ne paralyserait pas le pays, mais instaurerait un climat de tension latente, un rappel symbolique que la colère demeure.

Troisième scénario : la convergence redoutée. Ce serait le cauchemar pour l’exécutif. Un moment où des groupes, initialement incompatibles, choisiraient de s’unir, motivés par un désir de confrontation. Dans cette situation, l’horizontalité serait une force et l’imprévisibilité, une arme. En ajoutant des éléments anarchistes déterminés à ce cocktail, la situation deviendrait véritablement explosive. Ce retour à l’imprévisible hante les décisions politiques.

Il convient de noter qu’aucun de ces scénarios n’est exclusif des autres. Un mouvement peut naître en ligne, se manifester de manière éparse dans les rues, puis s’enflammer suite à un événement déclencheur, comme une déclaration maladroite ou une bavure policière.

Les variables de l’équation

Autres facteurs influençant le résultat : le calendrier politique. La session cruciale du 8 septembre à l’Assemblée pourrait précipiter la chute du Premier ministre, impactant ainsi la perception de la mobilisation.

En outre, la récupération de cette date par La France insoumise pourrait freiner certains.

Enfin, le choix du mercredi a ses implications. Contrairement aux samedis des Gilets jaunes, cela pénalise les artisans et les commerces, rendant un blocage en semaine financièrement coûteux pour les travailleurs indépendants. Ce détail, bien que technique, pourrait s’avérer déterminant.

L’imprévisibilité comme seule certitude

Une réalité se dessine : la France est traversée par des fractures profondes, tant sociales que politiques et économiques. Ignorer ces signaux ou relativiser les mécontentements pourrait être une erreur. L’histoire récente le prouve : en France, la fragmentation rime avec imprévisibilité, laquelle reste synonyme de danger.

La poudrière sur laquelle nous sommes assis pourrait exploser à tout moment. Reste à savoir si cette étincelle éclatera le 10 septembre 2025.

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