Décès de Raila Odinga : un tournant politique majeur pour le Kenya
Kenya a perdu l’une des figures les plus influentes de son histoire récente avec le décès de l’ancien Premier ministre Raila Odinga, défenseur de la démocratie multipartite et leader de l’opposition, survenu le 15 octobre. Son engagement en faveur de la démocratie et des réformes politiques, qui lui a valu de purger des peines de prison, a joué un rôle crucial dans l’élaboration de la constitution actuelle du pays, remplaçant une charte héritée de l’époque coloniale, qui impose des limites plus claires au pouvoir présidentiel. Malgré cinq tentatives infructueuses pour accéder à la présidence, il a remporté la majorité des voix dans presque toutes les régions lors des élections de 2022, grâce à sa capacité à rassembler un large soutien au-delà de sa base ethnique Luo, rapporte TopTribune.
Odinga ne se contentait pas d’être une icône du passé. Sa capacité à maintenir la loyauté de l’un des plus grands et des plus diversifiés blocs électoraux du Kenya, à unifier le Mouvement Démocratique Orange (ODM) et à organiser des manifestations pour obtenir des concessions du gouvernement, lui a assuré une position centrale dans le paysage politique. Sa récente coalition avec le président William Ruto a contribué à la stabilité en des temps où un retour à la violence politique semblait possible. Son décès laisse cependant Ruto dans une position plus vulnérable, alors que l’ODM détient la deuxième plus grande part de sièges au parlement et qu’Odinga décidait de la plupart des politiques législatives du parti.
La réaction de Ruto à la mort d’Odinga a été de déclarer une période de « deuil et de réflexion profonde » d’une semaine en l’honneur de « la contribution extraordinaire d’Odinga à notre pays ». L’absence d’Odinga crée un vide politique important. Leader de l’ODM depuis sa création en 2005, il avait été le candidat à la présidence lors de chaque élection générale. Cependant, des membres senior de l’ODM s’étaient opposés à son alliance avec Ruto, continuant à critiquer le président, même en rejoignant son cabinet élargi.
La jeunesse de l’ODM, qui avait organisé les importantes manifestations de la génération Z l’année dernière, a dénoncé la coopération d’Odinga avec Ruto comme un acte de trahison politique. Ces jeunes manifestants s’opposent au gouvernement Ruto en raison des conditions de vie, d’une corruption gouvernementale souvent flagrante et de la répression des manifestants. Le décès d’Odinga ouvre également un débat intense au sein de l’ODM sur l’abandon éventuel de Ruto avant l’élection présidentielle de 2027.
Le 16 octobre, le parti a choisi le frère d’Odinga, âgé de 82 ans, comme leader intérimaire, mais aucune figure unique ne semble capable d’unir les membres autour d’une stratégie politique forte. La situation est d’autant plus complexe que d’autres prétendants à la présidence savent que leur succès lors des élections de 2027 dépendra de la capacité à séduire les partisans d’Odinga. Ruto espérait que le soutien d’Odinga à sa candidature pour un second mandat l’aiderait à sécuriser sa réélection, mais l’absence d’une figure unificatrice au sein de l’ODM pourrait fragmenter cette base de soutien dans un conflit de leadership amer.
Bien que la situation actuelle semble relativement stable et que des tensions aient été remarquées lors des funérailles d’Odinga, avec quatre personnes tuées par les forces de sécurité à Nairobi, la nécessité pour Ruto de conserver l’ODM au sein de la coalition gouvernementale pourrait réduire le risque d’affrontements à grande échelle entre les forces de police et les membres en deuil. Cependant, l’avenir politique du Kenya parait maintenant plus incertain, alors que la lutte pour gagner le soutien des partisans d’Odinga s’intensifiera dans les mois à venir. Le décès d’Odinga constitue sans conteste une perte marquante dans un continent où les gouvernements sont souvent dirigés par des figures autoritaires.