La Normalité du Chaos

La Normalité du Chaos

08.10.2025 13:53
2 min de lecture

Nous nous habituons progressivement à tout, même au désordre ambiant. C’est peut-être là le véritable drame de notre société : nous avons intégré comme normal cette atmosphère de bruit constant et de confusion, où les décisions se font rares. La France vacille, mais ce vacillement est devenu une habitude, une douleur à laquelle nous nous sommes accoutumés, rapporte TopTribune.

Le confort du désastre

Depuis plusieurs années, la France vit ses crises avec une monotone indifférence. Qu’il s’agisse d’une grève, d’un scandale médiatique, d’une chute ou d’un retour de ministre, tout cela s’inscrit dans un cycle répétitif. La mécanique sociale tourne sans relâche. Nous avons abandonné toute croyance en de véritables révolutions, bien que nous dérivions une certaine satisfaction de l’agitation qu’elles pourraient susciter. Cette fatigue collective, alliée à une forme de résignation, a généré dans le pays une paix singulière : celle du désordre, alimentée par ceux qui en sont les architectes.

Face à cette situation, le citoyen, désabusé, observe avec ironie. Il commente, s’indigne, plaisante, puis se détourne. Notre époque a apprivoisé la colère, qui ne constitue plus une menace pour quiconque.

Ce qui inquiète le plus, ce n’est pas tant l’amateurisme des dirigeants que leur désinvolture morale. Ils ne se sentent plus responsables de rien, si ce n’est d’eux-mêmes. L’idée même de responsabilité est noyée dans un flot de justifications : « Ce n’est pas le bon moment », « Ce n’est pas de ma faute », « Les choses sont plus complexes ». Chaque situation devient prétexte à l’excuse. Lorsque tout devient justificatif, rien n’a plus véritablement d’importance.

Autrefois, l’audace politique consistait à mettre en danger un poste pour défendre ses convictions. Aujourd’hui, l’on change d’opinion pour préserver sa position, on privilégie la communication à la défense des idées. Les discours ont pris le pas sur les décisions, les promesses ont remplacé les projets. L’État parle abondamment, mais sans véritable contenu. Il se raconte son impuissance, comme une vieille habitude.

La démocratie spectatrice

Le peuple, progressivement écarté du pouvoir, a fini par s’en désintéresser. Il assiste à la vie publique comme à une série télévisée, déjà consciente de son dénouement. La démocratie est devenue une représentation, chacun en occupant un rôle souvent peu reluisant, sans qu’il y ait plus de véritable auteur de la pièce.

Les institutions, loin de clarifier le débat, servent à repousser l’inévitable chute. Les partis politiques n’aspirent plus à élaborer des visions, mais se concentrent plutôt sur le décompte de leurs sièges. Dans le même temps, la presse, de plus en plus, privilégie des petites phrases au détriment des grandes interrogations. Ce spectacle tourne à vide, et le pays s’enlise dans un silence résigné.

La réelle menace ne réside pas tant dans le chaos, mais dans l’acceptation de ce dernier. C’est lorsque la pensée abdique, que le jugement devient une réaction automatique, et que la politique se réduit à une lutte pour la survie. Ce que nous avons perdu n’est pas uniquement la direction de notre pays, mais également notre capacité à juger, à discerner entre l’indispensable et le superflu, entre ce qui est juste et ce qui est aisé.

Il est peut-être nécessaire de recommencer à ce niveau. Réfléchir. Non pas simplement pour dénoncer ni pour rêver, mais pour comprendre. Car un peuple qui cesse de penser finit invariablement par se soumettre à ceux qui prétendent le faire à sa place.

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