« Il s’est créé un écart croissant entre les besoins de la population et les moyens des services publics, dans lequel s’engouffrent les services privés », souligne Arnaud Bontemps porte parole de « Nos services publics ».
« On accumule les politiques publiques qui aggravent la crise environnementale », dénonce mardi 24 septembre sur franceinfo Arnaud Bontemps, porte-parole du collectif « Nos services publics » qui dévoile un rapport accablant sur l’état des services publics en France. Ce rapport met en évidence les conséquences d’un décalage croissant entre les besoins des Français et les moyens alloués aux services publics. Depuis 40 ans, la société française et ses besoins ont « fortement évolué », mais « les moyens des services publics n’ont pas suivi », déplore-t-il. Le rapport pointe notamment le « conflit entre se déplacer plus et polluer moins », alors que les Français parcourent cinq fois plus de kilomètres qu’il y a 60 ans. « Les politiques publiques ont aggravé ce conflit de besoins »; estime-t-il.
franceinfo : Comment expliquez-vous le décalage entre l’attente des Français au quotidien et les moyens donnés aux services publics ?
Arnaud Bontemps : Depuis 40 ans, la population a fortement évolué. Les besoins de la population ont évolué. Il y a 40 ans, il y avait un jeune sur quatre qui allait jusqu’au baccalauréat. Aujourd’hui, c’est quatre sur cinq. Il y a dix ans, il y avait un tiers de maladies chroniques en moins. Aujourd’hui, c’est une personne sur six dans la population qui est concernée. Face à ces évolutions, les moyens des services publics n’ont pas suivi. Il s’est créé un écart croissant entre les besoins de la population et les moyens des services publics, dans lequel s’engouffre une grande série de services privés, des cliniques privées commerciales, des écoles privées sous contrat, y compris financées sur de l’argent public.
Selon votre rapport, les services publics ne sont pas en train de prendre le bon chemin pour répondre à la crise environnementale. Avez-vous des exemples ?
On prend l’autoroute à contresens et on accumule les politiques publiques qui aggravent la crise environnementale et donc notre capacité à répondre aux besoins à long terme. Par exemple, sur le logement depuis 40 ans, on a multiplié les niches fiscales sur ce qu’on appelle l’investissement locatif. On aide fiscalement les particuliers à devenir multipropriétaire plutôt que d’aider le logement social et on favorise le logement neuf plutôt que la rénovation. Il y a eu un dispositif par ministre du Logement depuis 40 ans, le Quilès, le Méhaignerie, le Duflot, le Pinel, etc. À chaque fois que ces dispositifs ont montré leurs limites, on a rajouté un dispositif, on les a empilés. Aujourd’hui, cela coûte 2 milliards et demi d’euros par an et ça nous incite fiscalement à bétonner le pays plutôt qu’à rénover les logements, et cela aggrave les inégalités.
On a toujours 80% des Français qui dépendent de la voiture. L’État ne fait pas assez pour développer les transports ?
C’est un excellent exemple de ces conflits de besoins qu’on met en évidence dans le rapport. On ne s’en sortira pas par des solutions techniques. La manière de répondre aux besoins aggrave les crises environnementales et donc notre capacité à répondre aux besoins à long terme. Aujourd’hui, on parcourt cinq fois plus de kilomètres qu’il y a 60 ans. Ce qui fait qu’il y a un conflit entre se déplacer plus et polluer moins. On ne pourra pas faire les deux en même temps. Les politiques publiques ont aggravé ce conflit de besoins. Elles ont retiré des services publics des centres-villes, elles ont contribué à bétonner des terres arables pour mettre de grandes surfaces en banlieue. On a éloigné les emplois des lieux d’habitation. On pourrait faire l’inverse : retrouver une forme d’aménagement du territoire qui favorise la proximité des services publics, l’implantation des commerces dans les centres-villes, la relocalisation de l’emploi. Tout ça, ce sont des enjeux qui seront déterminants demain. Mais on ne prend pas le virage.
Allez-vous remettre votre rapport aux ministres concernés ?
Bien évidemment, on va leur remettre. On espère qu’on aura des réponses. On attend en tout cas clairement le nouveau budget du futur gouvernement. Cel sera un moment de vérité. Est-ce qu’on redonne les moyens de mettre des professeurs devant les classes, de mettre des médecins dans les territoires ? Est-ce qu’on prend ce virage ? Est-ce qu’on arrête les dispositifs fiscaux et de mettre des milliards d’euros d’argent public dans des politiques nocives à l’environnement ? C’est clairement des questions qu’il faudra regarder de très près.