Après les révélations sur l’utilisation non déclarée de filtres par le groupe Nestlé, la consommation de Perrier, notamment, plonge, marquant une rupture de confiance avec les Français. De leur côté, les distributeurs adoptent de nouvelles stratégies.
Perrier paye le prix fort. Révélé par Radio France et Le Monde, le scandale des eaux Nestlé, dont les filtres utilisés n’ont pas été déclarés, a des conséquences dans les rayons. L’affaire, qualifiée, lundi 19 mai dernier, de « dissimulation d’État » par une commission d’enquête sénatoriale, provoque une baisse des ventes. La consommation de Perrier s’effondre de 14% depuis le début de l’année, comparé à 2024.
1 Comment réagit le secteur ?
La dégringolade s’accélère, les ventes de Perrier chutent de 23 % en avril, selon les chiffres du cabinet Circana, expert des produits de consommation. Mais ce n’est vrai que pour une seule marque car, globalement, les ventes sont en hausse pour le marché de l’eau en bouteille de +2,5 % ces derniers mois.
« Le désaveu ne touche pas l’ensemble du secteur et c’est important pour les professionnels que je représente, souligne Christophe Lekieffre, délégué général du syndicat des eaux de source et des eaux minérales naturelles. Si vous avez une baisse d’un côté pour une marque, mais sur un marché global en croissance, ça veut dire que le marché s’est reporté sur d’autres marques. Je ne souhaite d’ailleurs pas de mal à la marque Perrier, mais le côté ‘tous punis’ est visiblement évité et tant mieux. Mais on va rester modeste parce qu’on attendra les prochains chiffres », précise l’expert.
2 Comment réagissent les consommateurs ?
Il n’y a donc pas, à première vue, d’effet sur la consommation générale d’eau en bouteille, notamment grâce à la force des habitudes des consommateurs, qui commencent très tôt. Selon les acteurs du marché, il y a en effet les familles « carafe » et les familles « bouteille ». Dans les faits, un Français sur deux boit de l’eau en bouteille tous les jours ou presque.
« J’habite dans l’Ouest, je ne fais pas confiance à l’eau du robinet, explique Charline. J’ai toujours vu de l’eau de bouteille chez mes parents, donc je reste sur mes habitudes que j’ai gardées depuis l’enfance », glisse-t-elle. Pour Émilie, c’est différent : « Je ne consomme pas vraiment d’eau en bouteille, sauf de l’eau gazeuse. On continue à en consommer quand même, on se dit : ‘bon allez, on prend le risque !' »
La France est l’un des cinq gros marchés européens d’eau en bouteille. Et quand l’affaire Perrier a été révélée en 2024, les ventes ont baissé de 3,3 % par rapport à 2023. Pour le syndicat professionnel du secteur, cela s’explique, officiellement, par la météo : l’été 2024 a été exécrable et les Français n’ont pas eu soif.
3 Comment réagissent les distributeurs ?
La grande distribution a de nouvelles exigences. Il n’est plus question de se fournir les yeux fermés et l’appellation « eau minérale naturelle », pourtant délivrée par les préfets, donc l’État, ne suffit plus. C’est le cas de Bonneval, une jeune marque d’eau en Savoie, dirigée par David Merle : « Tous les distributeurs avec lesquels on travaille nous ont demandé de valider le fait que nous n’utilisions pas de filtration pour traiter nos eaux et les rendre consommables, que nous n’avions pas de problèmes microbiologiques avec nos eaux. Nous avons dû faire ces déclarations signées et ça nous a donné accès à un marché auquel on n’aurait pas accès. Donc montrer patte blanche, c’était plus que stratégique, c’était vital. »
Le ministère de la Santé ordonne une inspection de toutes les usines de conditionnement d’eau en France d’ici fin 2026, avec à la clé, si besoin, l’interdiction d’afficher la dénomination « eau minérale naturelle », voire des fermetures d’usines.