"Quel est le lieu de naissance de vos parents ?" : pourquoi cette question sera désormais posée lors du recensement
"Quel est le lieu de naissance de vos parents ?" : pourquoi cette question sera désormais posée lors du recensement

« Quel est le lieu de naissance de vos parents ? » : pourquoi cette question sera désormais posée lors du recensement

16.01.2025
4 min de lecture

Dès jeudi, 9 millions de Français seront invités à répondre à la campagne annuelle du recensement. Trois nouvelles questions leur seront posées, dont une sur l’origine géographique des parents. Craignant une utilisation politique, des associations et des syndicats appellent à ne pas y répondre.

Age, profession, logement… Entre le 16 janvier et le 8 mars, 9 millions de Français tirés au sort seront invités à participer au recensement annuel mené par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et les communes. Objectif : connaître la répartition de la population et ses caractéristiques, afin d’affiner les politiques publiques déployées dans les territoires.

Pour cette campagne, trois nouvelles entrées font leur apparition dans le questionnaire,(Nouvelle fenêtre) qui en compte une trentaine : fréquence du télétravail, existence d’un handicap et lieu de naissance de la mère et du père. Mais l’introduction de ce dernier item divise les acteurs de la lutte contre les discriminations.

Mieux documenter les discriminations

L’Insee, mais aussi la Défenseure des droits, Claire Hédon, estiment que cette question est nécessaire afin « de mettre en évidence des types de ségrégation ou d’inégalités de situation » liées à l’origine des parents, explique à franceinfo Muriel Barlet, cheffe du département de la démographie à l’Insee. Cette information est utile aux décideurs publics, mais aussi aux chercheurs ou aux enseignants, ajoute l’équipe de la Défenseure des droits, sollicitée par franceinfo.

« Cela permettra au débat public de se faire sur des bases éclairées et non, comme c’est trop souvent le cas, sur des approximations, des raccourcis ou des stéréotypes. »L’équipe de la Défenseure des droits

à franceinfo

De l’autre côté, la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) et trois syndicats (CGT, FSU et Solidaires) s’inquiètent des « dangers » que présente, selon eux, cette nouveauté. « Le recensement est un bien public (…), nous appelons à ne pas répondre à cette nouvelle question », lancent-ils dans une pétition(Nouvelle fenêtre).

Une information « inutile » et « dangereuse »

« Il est nécessaire que des questionnaires posent la question des inégalités résultant de discriminations liées à la couleur de peau, à la religion supposée ou à l’origine géographique », assure à franceinfo Jan Robert Suesser, membre du bureau national de la LDH. En France, l’usage des statistiques ethniques(Nouvelle fenêtre) est ainsi autorisé à de rares exceptions(Nouvelle fenêtre), notamment pour la recherche scientifique. A ce titre, plusieurs travaux comme l’enquête Trajectoires et origines(Nouvelle fenêtre) de l’Insee et de l’Ined recueillent déjà des données comme la couleur de la peau ou l’origine des parents.

Pour le responsable associatif, le recensement n’est néanmoins pas le bon outil pour mettre en lumière ces discriminations.

« La question de l’origine géographique des parents est inutile dans le recensement, car elle n’est pas justifiée par le déploiement d’une politique publique. »Jan Robert Suesser, membre du bureau national de la LDH

à franceinfo

Jan Robert Suesser estime que les responsables politiques disposent de suffisamment d’informations sur le sujet. Sans compter les études intégrant déjà ce type de questions, la version précédente du recensement demande au répondant son lieu de naissance et sa date d’arrivée en France, s’il est né à l’étranger.

Pire, cette nouveauté est même « dangereuse », selon Jan Robert Suesser. « La seule chose supplémentaire qu’apporte la question sur l’origine des parents, c’est une connaissance très fine de la répartition géographique des personnes » descendantes de l’immigration, et pas seulement des immigrés eux-mêmes. Or, ce comptage pourrait ouvrir la voie à des inégalités de traitement de la part « d’acteurs qui n’ont rien à voir avec la lutte contre les discriminations », pointe-t-il, alors que la préférence nationale figure toujours dans le programme du Rassemblement national.

« Le comptage des origines étrangères de la population à des échelons territoriaux fins n’aurait pour premiers usages que de permettre d’en cibler les populations, de chercher à attiser des peurs, à manipuler l’opinion à l’occasion de ‘faits divers’ qui se prêteraient aux discours de rejet et d’exclusion », s’alarment aussi la LDH et la CGT dans une tribune publiée par Libération(Nouvelle fenêtre).

Un ajout validé par un « long processus de concertation »

En réponse à ces inquiétudes, l’Insee souligne que le recensement offre un effectif très important de répondants, permettant notamment de pouvoir « zoomer » sur des situations d’inégalités très particulières, par exemple dans un bassin d’emplois donné, ou en fonction d’une vague d’immigration précise.

L’organisme rappelle également que « les données du recensement sont confidentielles et ne sont pas transmises à d’autres administrations ». Ni ces dernières, ni le grand public n’auront donc accès à des données individuelles. Par ailleurs, aucune donnée incluant l’origine des parents ne sera publiée pour des zones « de moins de 5 000 habitants », afin de préserver cet anonymat. Les questions sur le handicap et l’origine des parents seront d’ailleurs facultatives, rappelle l’Insee, contrairement au reste du questionnaire.

L’institut souligne enfin que l’ajout des nouvelles questions a fait l’objet d’un « long processus de concertation », durant lequel un échantillon de la population, mais aussi le Conseil d’Etat et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)(Nouvelle fenêtre) ont été sollicités. Cette dernière a estimé que l’introduction de la question sur l’origine des parents était « possible dès lors que toutes les précautions méthodologiques ont été prises pour garantir la protection des données et que l’acceptabilité de cette question a été préalablement testée ».

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Dernières nouvelles