Union européenne : quels enseignements peut-on tirer de la composition de la nouvelle Commission d'Ursula von der Leyen ?
Union européenne : quels enseignements peut-on tirer de la composition de la nouvelle Commission d'Ursula von der Leyen ?

Union européenne : quels enseignements peut-on tirer de la composition de la nouvelle Commission d’Ursula von der Leyen ?

18.09.2024
5 min de lecture

Après des semaines de tractations, la présidente de la Commission européenne a dévoilé mardi sa nouvelle équipe de commissaires.

Une équipe « plus fluide, plus connectée et plus coordonnée ». C’est la promesse qu’a faite la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de la présentation de sa nouvelle équipe mardi 17 septembre, en conférence de presse à Strasbourg (Bas-Rhin). La dirigeante allemande, réélue pour un deuxième mandat en juillet, a détaillé les noms et les attributions des 27 commissaires (un par Etat membre de l’Union européenne, dont elle comprise).

L’annonce de l’architecture de l’exécutif européen était très attendue, après deux mois de tractations et la démission surprise du commissaire français Thierry Breton lundi – et son remplacement par Stéphane Séjourné. Les commissaires ne seront investis qu’une fois validés par les députés européens dans les prochaines semaines. Voici ce qu’il faut retenir de cette présentation.

Les grands pays de l’UE (dont la France) en force

La construction d’une nouvelle commission est toujours un casse-tête : l’équipe doit respecter les équilibres politiques, mais aussi géographiques de l’UE. Ursula von der Leyen a fait le choix de donner d’importants portefeuilles aux pays les plus importants de l’Union. La France, l’Espagne et l’Italie disposeront toutes trois d’un poste de vice-président exécutif, tandis que la Pologne récupère l’important poste de commissaire au Budget. Le ministre démissionnaire des Affaires étrangères français, Stéphane Séjourné, fait ainsi figure de « gagnant », avec son poste à la Prospérité et la stratégie industrielle, juge Thierry Chopin, conseiller spécial de l’Institut Jacques Delors, auprès de franceinfo.

L’organisation de la future commission met également en lumière des changements géopolitiques en Europe. « Des portefeuilles importants ont été accordés à l’Europe du Nord et aux pays baltes, dans le sillage de la désignation de l’Estonienne Kaja Kallas comme haute représentante aux Affaires étrangères », souligne le spécialiste. Une preuve que la guerre en Ukraine a profondément transformé l’UE depuis son déclenchement par la Russie en 2022. Si certains pays, comme l’Irlande, récupèrent un poste moins prestigieux qu’en 2019, Ursula von der Leyen a rappelé qu’une « vingtaine d’Etats membres souhaitait un portefeuille économique, ce qui n’est pas possible ».

Une organisation plus lisible qu’en 2019

Au revoir les titres fantaisistes de la précédente Commission – comme l’ancien commissaire à la Promotion du mode de vie européen – et son organisation complexe. Ursula von der Leyen a privilégié les titres de portefeuilles simples, tels que « Prospérité et stratégie industrielle » ou « Affaires internes et migration », et une hiérarchie claire. La présidente sera épaulée par six vice-présidents exécutifs, dont Stéphane Séjourné, qui chapeauteront l’action des 20 commissaires. De quoi s’assurer que tous les membres du collège parlent d’une seule voix. « Nous aurons des débats (…), mais nous devrons assumer ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord en tant que collège », a prévenu la présidente. Une façon de tourner la page après les rapports conflictuels qu’elle entretenait avec l’ex-commissaire français très médiatique Thierry Breton.

« Il y a un équilibre assez grand entre les différents portefeuilles, ce qui n’était pas du tout le cas lors de son précédent mandat », souligne Sophia Russack, chercheuse au Centre for European Policy Studies à Bruxelles. Thierry Chopin note, lui, « l’importance des liens tissés entre les différents sujets », comme « sur la sécurité qui se retrouve dans plusieurs portefeuilles, notamment sur les questions de technologie ».

L’économie comme priorité, le Pacte vert sur un fil

Les priorités, « prospérité, sécurité et démocratie », comme l’a détaillé la présidente de la Commission, se retrouvent dans la distribution des postes. Ursula von der Leyen a visiblement entendu les conclusions du récent rapport de l’Italien Mario Draghi sur les difficultés économiques de l’UE. « L’organisation dit beaucoup de l’importance mise sur les enjeux de compétitivité et d’économie », relève Thierry Chopin. Une façon de « respecter les nouveaux équilibres politiques », selon le spécialiste et de satisfaire la droite européenne, arrivée première lors des élections européennes du 9 juin.

Les écologistes, grands perdants du dernier scrutin, et la gauche s’inquiètent en outre que l’UE revoit à la baisse ses ambitions climatiques. La mise en place du Pacte vert, qui vise la neutralité carbone en 2050, faisait partie des priorités de la précédente Commission et a été durement critiqué par la droite et l’extrême droite. L’eurodéputée verte Marie Toussaint a ainsi dénoncé « un coup de frein brutal pour la transition écologique et la justice sociale », dans un communiqué. « Fini le Green Deal », s’est même indigné l’eurodéputé LFI Damien Carême sur X.

La charge de mener ces sujets reviendra à la ministre de l’Ecologie espagnole, Teresa Ribera, nommée vice-présidente chargée de la transition « juste, propre et compétitive ». La socialiste fait figure d’experte sur ces thématiques. « Les questions climatiques ne sont pas abandonnées, la phase d’implémentation est terminée et maintenant, il faut mettre les choses en pratique. Les problématiques vertes sont toujours là », nuance Sophia Russack.

Une commission non paritaire, malgré les promesses

Ursula von der Leyen affichait l’objectif d’une commission paritaire. Mais les Etats membres n’ont pas écouté la présidente, qui leur avait demandé de lui soumettre deux noms, un homme et une femme. Résultat, seules 11 femmes (sur 27) feront partie du prochain exécutif, moins qu’en 2019. « C’est 40% du collège », a admis la dirigeante, soulignant que « lorsqu’[elle a] reçu les premières nominations » le nombre femmes « était à 22% ». Un chiffre « insupportable » qui a poussé la présidente de la Commission « à travailler avec les Etats membres » pour le faire remonter.

L’Allemande s’est par ailleurs félicitée d’avoir mis en place « la parité en haut » en nommant quatre vice-présidentes sur six. « La barre a été plutôt bien redressée sur ce sujet », estime auprès de franceinfo une eurodéputée macroniste, dénonçant tout de même « un problème de fond causé par les Etats membres » qui n’ont pas respecté les demandes de parité. « En vérité, je ne sais même pas comment elle a réussi à imposer la parité lors de son premier mandat, je pense que c’était en partie dû à de la chance », s’étonne Sophia Russack.

L’extrême droite obtient une place de vice-président

Sujet inflammable, l’Italien Raffaele Fitto, membre du gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni, a obtenu un titre de vice-président à la Cohésion. L’Italie « retrouve son rôle central » dans l’UE, a immédiatement réagi sur X la dirigeante italienne, alors que la gauche et le centre au Parlement européen avaient multiplié les mises en garde contre cette nomination. Ursula von der Leyen a défendu son choix en mettant en avant le poids du pays dans l’Union et sa place « de membre fondateur ». Surtout, Ursula von der Leyen a eu beau jeu de pointer du doigt la présence de deux vice-présidents issus de l’extrême droite de Giorgia Meloni au Parlement européen.

La Première ministre italienne, qui n’avait pas soutenu la réélection d’Ursula von der Leyen, a-t-elle quand même été récompensée ? « En réalité, même s’il est vice-président, Raffaele Fitto n’a pas réussi à obtenir un portefeuille économique. La cohésion, même si c’est un sujet important, est peut-être un lot de consolation », estime Thierry Chopin. Pas de quoi rassurer une partie des eurodéputés, qui entendront les commissaires putatifs dans les prochaines semaines, avant de valider leur nomination. Celle de l’Italien pourrait-elle être bloquée ? « Nous mènerons le combat », promet Marie Toussaint à franceinfo. « Cela me paraît difficile, parce que c’est n’est pas tant son nom qui est mis en cause que ses attributions », tempère néanmoins une eurodéputée centriste.

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