Trois questions sur le décret signé par Donald Trump visant à supprimer le droit du sol aux Etats-Unis
Trois questions sur le décret signé par Donald Trump visant à supprimer le droit du sol aux Etats-Unis

Trois questions sur le décret signé par Donald Trump visant à supprimer le droit du sol aux Etats-Unis

22.01.2025
5 min de lecture

Le président américain a paraphé un texte revenant sur l’obtention automatique, pour toute personne née aux Etats-Unis, de la citoyenneté américaine. Ce droit est pourtant protégé par le 14e amendement de la Constitution.

Donald Trump a lancé son offensive contre les migrants. Le président républicain a signé des dizaines de décrets au premier jour de son mandat, lundi 20 janvier, dont une série de mesures contre l’immigration, légale comme illégale. L’un des textes prévoit notamment de supprimer le droit du sol, qui accorde la citoyenneté américaine à toute personne née sur le territoire américain. Franceinfo répond à trois questions sur cette décision, déjà attaquée en justice.

1 Que prévoit le décret signé par Donald Trump ?

Le texte signé par le président républicain précise que les Etats-Unis « ne reconnaîtront plus automatiquement la citoyenneté des enfants nés sur le territoire américain de parents immigrés entrés dans le pays illégalement, si aucun des parents n’est un citoyen américain ou détenteur d’une carte verte », détaille le Washington Post(Nouvelle fenêtre). Selon le quotidien américain, le décret supprime aussi la reconnaissance automatique de la citoyenneté pour tous les enfants nés de parents étrangers présents aux Etats-Unis avec un visa de travailleur temporaire, d’étudiant ou de touriste. Cette décision s’appliquera à toutes les naissances, à compter d’un mois après la signature du décret.

Concrètement, la nouvelle administration fédérale ne délivrera plus de passeports aux personnes qu’elle juge inéligibles à la citoyenneté et refusera aussi les documents délivrés par les Etats fédérés ou les autorités locales qui reconnaissent cette citoyenneté, poursuit le Washington Post. Ce décret revient donc à révoquer le droit du sol, un principe reconnu et protégé par la Constitution américaine depuis plus de cent cinquante ans.

2 Le président a-t-il le pouvoir de supprimer le droit du sol ?

Aux Etats-Unis, le droit du sol est encadré, rappelle NBC News,(Nouvelle fenêtre) par le 14e amendement de la Constitution. Ce dernier détermine que « toutes les personnes nées ou naturalisées aux Etats-Unis, et qui sont donc soumises à la juridiction [américaine], sont citoyens des Etats-Unis ». Comme le souligne le New York Times(Nouvelle fenêtre), le président américain n’a pas le pouvoir de modifier à lui seul la Constitution ou les amendements apportés à ce texte fondateur.

Le National Constitution Center(Nouvelle fenêtre) précise ainsi que les amendements à la Constitution peuvent être proposés par une majorité des deux tiers du Congrès, ou des deux tiers des 50 Etats américains. Les modifications de la Constitution doivent ensuite être approuvées par une majorité des trois quarts des Etats, soit 38 sur 50. Plusieurs associations de défense des migrants et des libertés civiques ont donc estimé, dès lundi, que le président républicain outrepassait son pouvoir en signant ce décret.

Dans ce document, Donald Trump s’appuie toutefois sur une interprétation différente du 14amendement. Pour lui, le texte ne s’applique pas aux enfants nés aux Etats-Unis de parents arrivés illégalement sur le territoire.

« Comme pour d’autres décrets signés par Donald Trump, celui-ci sera attaqué en justice et cela peut remonter jusqu’à la Cour suprême », estime Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. L’historien rappelle que le 14e amendement a été adopté en 1868, à la fin de la Guerre civile, « pour garantir aux esclaves et à leurs enfants l’accès à la citoyenneté ». Depuis plus d’un siècle, les juristes américains se sont largement accordés pour dire que sa formulation consacrait le caractère fondamental et universel du droit du sol.

« La Cour suprême actuelle, à majorité conservatrice, est originaliste : elle s’oppose aux interprétations de la Constitution qui dépassent la pensée de ses auteurs. (…) Or le 14e amendement ne porte pas sur des questions d’immigration. »Lauric Henneton, historien

à franceinfo

Comme le relève l’organisation non partisane Brennan Center for Justice(Nouvelle fenêtre), la Cour suprême américaine a déjà réaffirmé le droit du sol dans une décision rendue en 1898. A l’époque, les magistrats avaient jugé qu’un homme né en Californie de parents chinois avait bien la citoyenneté américaine, en s’appuyant notamment sur le 14e amendement. Le Brennan Center for Justice cite également une décision de 1982, confirmant que « les immigrés en situation irrégulière et leurs enfants bénéficient de toutes les protections prévues dans le 14e amendement ».

Ces précédents ne semblent toutefois pas être une préoccupation pour Donald Trump. Interrogé à ce sujet par les journalistes, lundi, le président républicain a reconnu que son décret « pourrait bien » être contraire à la Constitution. « Je crois que nous avons de bons arguments, mais vous avez peut-être raison. Nous verrons », a déclaré le milliardaire, cité par le Washington Post.

« Il y a quelque chose de performatif dans cette première journée de mandat : Donald Trump a signé beaucoup de mesures, à la Maison Blanche comme en public [à la Capital One Arena], et ça plaît à son électorat », décrypte Lauric Henneton. Pour l’historien, ce décret et les autres mesures anti-immigration adoptées lundi ont aussi « une vocation dissuasive ». « Cet effet d’annonce, très cérémoniel et massif, envoie un message symbolique, insiste Lauric Henneton. Donald Trump veut dire : ‘Durant ce mandat, l’immigration légale et illégale va être beaucoup plus compliquée que sous mon prédécesseur’. »

3 Quelles réactions le texte a-t-il suscitées ?

La réponse au décret de Donald Trump ne s’est pas fait attendre. Comme le rapporte Politico(Nouvelle fenêtre), les premiers recours en justice contre le texte ont été déposés moins de deux heures après sa signature. Des associations de défense des droits des migrants, dont la puissante American Civil Liberties Union (ACLU), ont contesté le décret devant un tribunal du New Hampshire, lundi soir. Cette plainte a été déposée « au nom d’un groupe représentant les immigrés indonésiens de cet Etat, ainsi que d’autres groupes représentant des Latinos et des Dreamers », surnom donné aux immigrés sans papiers arrivés aux Etats-Unis lorsqu’ils étaient enfants.

« Nous ne resterons pas sans rien faire face à cette attaque contre les nouveau-nés et les futures générations d’Américains », a dénoncé le directeur exécutif d’ACLU, Anthony D. Romero, dans un communiqué(Nouvelle fenêtre). Selon lui, la mesure est « si scandaleuse que nous n’avons aucun doute sur le fait que nous allons l’emporter ». Politico ajoute que des recours similaires sont attendus dans les Etats du Connecticut et de la Californie.

« Plusieurs Etats dirigés par les démocrates ont mis des fonds de côté pour avoir les moyens de résister à Donald Trump sur le plan juridique », souligne Lauric Henneton. C’est notamment le cas de la Californie, qui a déjà prévu 25 millions de dollars pour financer les litiges contre la nouvelle administration. « Donald Trump est davantage prêt qu’en 2017 à faire passer ses mesures, mais les démocrates sont aussi mieux préparés à y répondre », assure Lauric Henneton.

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