Trois questions sur la dégradation de la note de la dette américaine par l'agence Moody's, de Aaa à Aa1
Trois questions sur la dégradation de la note de la dette américaine par l'agence Moody's, de Aaa à Aa1

Trois questions sur la dégradation de la note de la dette américaine par l’agence Moody’s, de Aaa à Aa1

17.05.2025
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L’agence de notation a abaissé la note américaine à cause de son endettement élevé et des difficultés des élus à améliorer la situation.

Moody’s secoue la Maison Blanche. Elle a abaissé la note de la dette américainevendredi 16 mai, rétrogradant la note du pays de « Aaa » à « Aa1 ». Elle était jusqu’à présent la dernière des trois grandes agences (avec Standard and Poor’s Global Ratings et Fitch) à laisser un triple A à la dette américaine. Franceinfo revient en trois questions sur cette décision.

Pourquoi la note a-t-elle été abaissée ?

Moody’s justifie sa décision par la hausse de l’endettement des Etats-Unis et de son coût pour le budget fédéral. Elle estime que l’endettement et les intérêts versés par le pays sont « significativement plus élevés » que d’autres dettes souveraines bénéficiant d’une note similaire. Concrètement, une note de la dette plus faible signifie que le pays est davantage susceptible de faire défaut sur sa dette souveraine qui s’élève à près de 36 000 milliards de dollars, selon le site Fiscal Data, qui dépend du Trésor américain. Cela implique des coûts d’emprunt plus élevés.

Dans un communiqué, l’agence de notation constate que « les gouvernements et élus successifs n’ont pas su s’entendre pour prendre les mesures permettant d’inverser la tendance conduisant à un déficit annuel important. » Par ailleurs, elle doute « que des réductions des dépenses et du déficit puissent être réalisées avec la proposition de loi budgétaire actuellement en discussion ».

Plusieurs élus républicains ont bloqué vendredi un vote important au Congrès, concernant un projet de loi visant à prolonger des réductions d’impôts décidées lors du premier mandat Trump, expirant à la fin de l’année, ainsi qu’à réduire le budget américain de 880 milliards de dollars sur dix ans. Ces coupes concernent notamment des programmes de santé pour 70 millions d’Américains à faibles revenus. Toutefois, le camp républicain est divisé : malgré plusieurs appels de Donald Trump sur Truth Social, cinq conservateurs se sont joints aux démocrates pour rejeter le projet, lors d’un vote en commission à la Chambre des représentants.

Quelles sont les réactions politiques aux Etats-Unis ?

Face à cette dégradation, la Maison Blanche a adopté un ton agressif en ciblant l’agence. « L’administration Trump et les républicains se concentrent sur la réparation du désordre de Biden » en adoptant le projet de loi sur le budget américain, a déclaré dans un communiqué Kush Desai, un porte-parole de la Maison blanche. « Si Moody’s avait eu la moindre crédibilité, ils ne seraient pas restés silencieux pendant que le désastre budgétaire des quatre dernières années se déroulait », a-t-il ajouté. « Personne ne prend son ‘analyse’ au sérieux. Il a été prouvé qu’il [Mark Zandi, économiste en chef chez Moody’s Analytics]avait tort à maintes reprises », a renchéri samedi Steven Cheung, directeur des communications de la Maison Blanche, sur X.

Pour le républicain French Hill, qui dirige la commission des services financiers à la Chambre des représentants, la décision de l’agence est « un rappel puissant que les choses ne sont pas dans l’ordre. Nous souhaitons réinstaurer la stabilité budgétaire et nous attaquer aux causes structurelles de notre dette », a-t-il fait savoir samedi sur X.

L’abaissement de la note « est un avertissement direct : nos perspectives budgétaires se détériorent, et les républicains de la Chambre des représentants sont déterminés à les aggraver », a accusé la veille, dans un communiqué, Brendan Boyle, élu démocrate et membre de la commission du budget. « La question est de savoir si les républicains sont prêts à se rendre compte des dégâts qu’ils sont en train de causer », a ajouté l’élu.

Quelles sont les perspectives économiques du pays à court terme ?

Moody’s anticipe « des déficits encore plus importants, avec une hausse des dépenses alors que les revenus resteront stables. Cela renforcera le poids de la dette sur les finances publiques », en cas de validation du projet de loi d’administration Trump, rapporte l’AFP. L’agence alerte sur le fait qu’« une détérioration plus rapide et importante des équilibres budgétaires » ou qu’un abandon par les investisseurs mondiaux du dollar comme monnaie de réserve pourrait peser très négativement, et provoquer « une hausse des taux d’intérêt, ce qui renchérirait le coût de la dette ». Moody’s reconnaît néanmoins que ce deuxième scénario est « peu probable dans la mesure où aucune alternative crédible au dollar en tant que monnaie de réserve n’a émergé ».

Pour autant, l’économie américaine reste « unique » du fait de « sa profondeur, les revenus élevés qu’elle génère, la forte croissance potentielle et sa capacité à innover et renforcer sa productivité », ce qui incite l’agence à maintenir ses perspectives stables dans l’immédiat. Elle appelle le gouvernement à « mettre en place les réformes fiscales permettant de ralentir significativement et même inverser la détérioration de la dette et des déficits publics, soit en augmentant les revenus, soit en réduisant les dépenses ».

Dans le Financial Times, Yesha Yadav, professeure à la Vanderbilt Law School spécialiste du marché du Trésorvoit dans l’abaissement de cette note « un choc assez brutal pour un marché, par ailleurs tendu, et une réprimande pour les décideurs politiques afin qu’ils se concentrent de toute urgence sur les réformes nécessaires pour garantir que le crédit américain conserve son prestige d’actif sans risque, essentiel au monde ».

« Des années de dysfonctionnement, de débâcles autour du plafond de la dette et d’imprudence budgétaire nous ont conduits à ce résultat », déplore Joe Brusuelas, économiste en chef du cabinet comptable américain RSM, auprès du New York Times. Il a averti que « tout ce qui est financé dans le secteur public ou privé sera désormais plus cher ».

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