Le 14 décembre 2025 marquera la fin des trains de nuit reliant Paris à Berlin et Vienne. Annoncée par la SNCF et ses partenaires, cette décision fait suite à l’annulation d’une subvention annuelle de 10 millions d’euros. Bien que le taux de remplissage atteigne 70 %, les liaisons n’ont jamais réussi à atteindre un équilibre financier, révélant ainsi la vulnérabilité du système ferroviaire international sans soutien gouvernemental, rapporte TopTribune.
Un modèle structurellement déficitaire
L’exploitation des trains de nuit a rapidement mis en évidence ses limites. Selon SNCF Voyageurs, « même avec des prévisions de trafic optimistes, il est impossible d’atteindre un équilibre économique ». Les frais élevés liés à la maintenance, aux sillons transfrontaliers et aux salaires ont aggravé la distance entre les revenus et les dépenses. L’élimination de la subvention de l’État français a accéléré la situation, posant la question cruciale : est-il nécessaire de subventionner le ferroviaire international de manière durable pour rivaliser avec l’aviation ?
Le modèle français contraste avec celui de l’Autriche. ÖBB, partenaire du projet, a exprimé son engagement envers le développement du réseau nocturne européen, déplorant que, suite au retrait de leurs partenaires français, les deux lignes de trains de nuit ne puissent plus être maintenues. Cette divergence stratégique souligne deux visions distinctes : celle d’un transport public considéré comme un bien commun et celle d’un service devant être rentable.
Arbitrages budgétaires et priorités de la SNCF
La décision d’arrêter les trains de nuit s’inscrit dans un contexte économique difficile pour la SNCF, qui fait face à une dette de plus de 20 milliards d’euros et doit concentrer ses fonds sur des segments prioritaires tels que les TGV, TER et Intercités. Dans cette optique, subventionner des liaisons internationales déficitaires, sans contrat avec l’État, semblait être une impasse stratégique.
Les critiques à l’égard de l’État français vont au-delà des coûts. Les autorités rappellent que la promesse de services quotidiens n’a pas été respectée, en raison de travaux en France et en Allemagne. Cette instabilité a fragilisé la fréquentation, malgré un taux de remplissage acceptable. Les associations d’usagers soulignent également le manque de clarté sur SNCF Connect, qui est perçu comme un frein délibéré à la commercialisation.
Une décision aux conséquences européennes
La fin de ces liaisons a des implications qui vont au-delà des frontières françaises. Cela soulève des questions concernant la compétitivité en Europe face aux compagnies aériennes à bas coût. Dans une optique de transition écologique, l’abandon de trains de nuit entre des capitales majeures comme Paris, Berlin et Vienne représente un signal négatif. Alors que Bruxelles promeut une réduction des émissions liées au transport aérien, la France envoie le message inverse en négligeant un outil ferroviaire transnational.
Cette décision met également en lumière le manque d’harmonisation du financement du rail en Europe. Dans certains pays, les entreprises ferroviaires opèrent des investissements considérables, tandis que d’autres restent coincées dans des modèles anciens et coûteux. Les approches diffèrent et la continuité des services nocturnes reste précaire.
Comment les trains de nuit peuvent-ils fonctionner ailleurs en Europe
L’Autriche, qui continue d’investir dans ses services Nightjet, prouve qu’un modèle durable est réalisable. Ces trains, modernisés et intégrés dans les stratégies nationales, reçoivent des subventions ciblées et bénéficient d’un marketing solide. En Allemagne, Deutsche Bahn a abandonné ses propres trains de nuit en 2016 pour des motifs de rentabilité, mais a depuis choisi de collaborer avec ÖBB pour tirer profit de leur expertise. En se retirant, la France illustre une tendance au désengagement plutôt qu’une dynamique de revitalisation.
Cette décision soulève également des questions sur l’industrie ferroviaire française. L’arrêt de ces liaisons réduit les occasions de commander du matériel roulant spécifique, comme de nouvelles voitures couchettes. Elle affaiblit également les ambitions de coopération transfrontalière, au moment où l’Union européenne cherche à harmoniser ses infrastructures et à promouvoir des corridors à faibles émissions de carbone. En s’éloignant du marché ferroviaire international de nuit, la SNCF pourrait passer à côté d’un levier de croissance à long terme, laissant le terrain libre à des concurrents européens plus audacieux.
 
             
                     
                     
                     
                     
                     
                     
                     
                     
                     
                     
                     
                     
                    