Larbi Benboudaoud, champion du monde et vice-champion olympique à Sydney, a entraîné la Française entre 2012 et 2021. La championne olympique veut conserver son titre aux JO de Paris 2024.
Quand Clarisse Agbégnénou tournera la tête vers sa chaise, mardi 30 juillet, pour son entrée en lice aux Jeux olympiques de Paris, la judokate inscrite en moins de 63 kg trouvera le regard de son nouveau coach depuis deux ans, Ludovic Delacotte, une première aux Jeux. Car pendant presque dix ans, entre 2012 et 2021, c’est Larbi Benboudaoud qui a cornaqué la native de Rennes pour atteindre le sommet du judo mondial et construire un palmarès éblouissant avec, au compteur en individuel, six titres de championne du monde, un titre olympique et cinq couronnes européennes.
Et pour comprendre à quoi carbure l’impitoyable chasseuse de médailles, il faut plonger dans la relation qui unit les deux compères et débute bien avant l’équipe de France. Il y a eu cette rencontre, dans un stage privé à Clermont-Ferrand. Clarisse n’a que 16 ans, mais déjà, le vice-champion olympique de Sydney en moins de 66 kg détecte le potentiel de la Francilienne. « J’ai dit à cette petite qu’elle avait de fortes chances qu’on la retrouve au très haut niveau. Un an après, elle rentrait à l’Insep. On voyait déjà qu’elle était déterminée », détaille celui qui est désormais directeur des relations sportives et institutionnelles au sein de la Fédération.
La tête et les épaules
Au sein du Judo Club Escales à Argenteuil, avec Ahcène Goudjil, le coach qui a révélé Clarisse Agbégnénou, l’ex-directeur du haut niveau en France polit sa pépite. « On l’a accompagnée pour qu’elle prenne conscience des exigences. Avec Clarisse et son caractère de cochon, il y avait des ‘non’ qui ne passaient pas, mais ils étaient importants dans sa construction. Parfois, j’étais même très dur ! »
Cette exigence, elle apparaît dès la pesée. Dans le judo, comme dans l’ensemble des sports de combat, le poids est un ennemi qu’il faut savoir apprivoiser. Alors âgée de 19 ans, Clarisse Agbégnénou en fait l’amère expérience. Pour 300 grammes, elle manque la pesée lors du Masters d’Almaty en 2012, sa dernière chance pour espérer déloger Gévrise Emane en vue des JO à Londres. « Quand t’es jeune, c’est récurrent, c’est le poids qui va demander le plus d’autonomie, explique Larbi Benboudaoud. Quand je suis avec elle, je peux lui dire quoi faire, mais à la maison quand elle va ouvrir les placards et qu’elle mange des Kinder Bueno, ça ne peut pas marcher.«
« Clarisse est puissante et elle possède un gros cardio à l’image de sa finale mondiale en 2019. La fille, elle tient onze minutes de combat et elle ne craque pas. Son moteur c’est sa tête, son corps c’est sa carrosserie. Et c’est de la folie. »Larbi Benboudaoud, ex-coach de Clarisse Agbegnenou
La jeune Française encaisse et apprend. « Elle a gagné en autonomie avec le temps. Une fois qu’elle a compris les bienfaits, elle n’avait plus besoin de nos conseils. Aujourd’hui, c’est elle qui va t’apprendre à bien manger », en rigole son ex-coach. Car la force de la championne olympique en titre, c’est sa capacité de résilience.
Le prix de l’or
Et comme toute championne de sa stature, la Française a besoin de se jauger. Malgré les réticences de son entraîneur, elle s’entraîne régulièrement avec des hommes pour mieux se défier. Des titres mondiaux à la pelle, une suprématie sur l’Europe… Il ne manque à Clarisse que le sommet de l’Olympe.
La médaille d’argent de Rio laisse une première cicatrice. Et alors qu’elle domine la planète judo et arrive en favorite à Tokyo, le Covid en décide autrement. « Dans le groupe, c’est elle qui a le plus morflé, je trouve. Elle avait fait ses plans de vie. Elle voulait faire les Jeux et ensuite faire un enfant et là, ça a tout chamboulé. J’ai dû la porter à bout de bras », explique Larbi Benboudaoud.
Mais les lauriers sont à ce prix. Un voyage à La Réunion, une de ses destinations fétiches depuis qu’elle a découvert l’île en 2014 avec son club d’Argenteuil et elle revient « plus affûtée que lorsqu’elle est partie ». Quelques mois plus tard, elle décroche enfin son graal dans le temple du judo. « Quand on a été au bout, ça a été un putain de soulagement. Après tout ça, c’est ce qui a fait que ce titre a une saveur particulière », sourit malicieusement l’ex-judoka de 50 ans.
Démissionnaire en fin d’année 2021, Larbi Benboudaoud a désormais un regard extérieur sur la Française même si le contact n’est pas rompu. Maman d’une petite Athéna, la judokate de 31 ans a mis sa carrière entre parenthèses un an durant, avant de dominer à nouveau sa catégorie. Son ancien coach reste cependant prudent sur son évolution depuis 2021. « De l’extérieur, je trouve qu’elle n’a plus le même impact physique. Attention, elle n’est pas non plus larguée... » Malgré un sixième titre planétaire en 2023, elle a laissé sa couronne en route il y a quelques mois, battue en quart de finale à Abou Dabi.
Un mal pour un bien selon le natif de Dugny en vue des Jeux olympiques à Paris. « La Clarisse que je connais, tu lui mets une tarte, elle ne tend pas l’autre joue. » Avant de conclure, définitif. « Une fille de sa trempe, avec le palmarès qu’elle a, peu importe où tu en es, si elle ne ramène pas l’or des JO, c’est un échec. »