Service national volontaire : la sociologue Anne Muxel analyse la "soif d'engagement" des jeunes Français

Service national volontaire : la sociologue Anne Muxel analyse la « soif d’engagement » des jeunes Français

29.11.2025 07:26
3 min de lecture

Un nouveau service national volontaire évoqué par Emmanuel Macron

Le jeudi 27 novembre, le président Emmanuel Macron a annoncé la création d’un nouveau service national volontaire militaire, exprimant la volonté d’une jeunesse désireuse de contribuer à la patrie. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une étude publiée en 2024 par la sociologue Anne Muxel, qui souligne la nécessité d’engagement chez les jeunes générations, rapporte TopTribune.

Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS, a mené une enquête auprès de 2 301 personnes âgées de 18 à 25 ans en 2023, révélant une génération préoccupée par son avenir et désireuse de repères. Selon ses analyses, l’armée conserve une image rassurante auprès de ces jeunes, en contraste avec la méfiance croissante envers d’autres institutions. Elle s’interroge sur la possibilité d’une mobilisation massive alors que ce service devrait concerner 3 000 jeunes majeurs en 2026.

Franceinfo : Quelles sont les motivations derrière ce besoin d’engagement chez les jeunes ?

Anne Muxel : Les jeunes d’aujourd’hui évoluent dans un environnement où les repères sont flous, exacerbés par la digitalisation. Ils ressentent un besoin de sens, aspirant à être perçus comme des acteurs utiles à la société. Une enquête récente montre une augmentation du bénévolat dans cette tranche d’âge, avec moins de 10% affirmant ne pas se sentir engagés.

Peut-on parler d’une « génération prête à se lever pour la patrie« , comme le dit Emmanuel Macron ?

La déclaration du président peut sembler excessive, mais les résultats de mes études montrent que 57% des jeunes Français envisagent de rejoindre l’armée, considérée comme un repère fiable en période de chaos.

« On observe un réel regain de patriotisme qui n’existait plus dans la génération de leurs parents. »

Anne Muxel, sociologue

à Franceinfo

Cette dynamique peut être attribuée à la diminution des sentiments antimilitaristes après la fin de la conscription, en réponse à des menaces contemporaines comme le terrorisme. L’armée se positionne comme un rempart visible de la sécurité / collective.

Comment se répartit ce besoin d’engagement au sein de la jeunesse ?

Les hommes semblent plus enclins que les femmes à envisager un engagement militaire, avec 70% des jeunes garçons contre 46% des jeunes filles. Cependant, les résultats montrent également un soutien croissant à gauche, avec 49% des jeunes de cette sensibilité prêts à s’engager.

Quelle image les jeunes ont-ils de l’armée française ?

Alors que la majorité des institutions souffrent d’une méfiance généralisée, l’image positive de l’armée contraste nettement, les jeunes la percevant comme un acteur capable de faire face à des crises multiples.

« L’image du militaire ‘couteau suisse’ est rassurante pour eux. »

Anne Muxel, sociologue

à Franceinfo

Les jeunes conçoivent également l’armée comme un acteur humanitaire, ayant vu son implication lors de crises, telles que des patrouilles dans des gares ou pendant la pandémie de Covid-19.

Le cinéma et les jeux vidéo influencent-ils cette perception ?

Oui, ces médias jouent un rôle important en représentant des figures héroïques et en suscitant un intérêt pour l’univers militaire. Cependant, lorsque ces jeunes envisagent l’avenir des conflits, leurs visions restent ancrées dans des représentations historiques.

Dans un contexte économique difficile, le service militaire peut-il devenir un moteur d’engagement ?

Les opportunités d’un logement et d’une rémunération peuvent attirer certains jeunes, mais ce besoin d’engagement traverse différents milieux sociaux, bien que ses motivations varient en fonction du parcours de chacun.

« Pour certains jeunes, l’armée représente un véritable levier de réussite sociale. »

Anne Muxel, sociologue

à Franceinfo

Ce dispositif peut ainsi séduire, notamment ceux en quête d’un développement professionnel ou d’une expérience enrichissante.

Le ciblage des jeunes de 18 à 19 ans est-il pertinent ?

Cette tranche d’âge représente une période clé où beaucoup cherchent à établir leur autonomie, et un séjour dans les forces armées peut être perçu comme une option attrayante durant cette transition.

Les jeunes sont-ils réceptifs à l’esprit de discipline proposé par Emmanuel Macron ?

Contrairement à une perception commune, les jeunes ne rejettent pas l’autorité, mais demandent un sens à celle-ci. Quand les règles sont clairement expliquées, l’obéissance est mieux acceptée.

« Dès qu’ils comprennent pourquoi un ordre est donné, leur rapport à la discipline change profondément. »

Anne Muxel, sociologue

à Franceinfo

Il existe une véritable demande de cadre chez les jeunes actuels, mais ils veulent comprendre les raisons derrière les règles.

Les annonces d’Emmanuel Macron peuvent-elles répondre à ce besoin d’engagement ?

Oui, elles répondent à des attentes telles que l’envie de servir, d’acquérir des compétences et de s’engager pour leur communauté. Mon enquête révèle que 60% des jeunes se considèrent comme des patriotes, susceptibles d’adhérer à ce projet.

Emmanuel Macron a évoqué une possible obligation de ce service en cas de crise majeure. Cela renforcerait-il l’engagement des jeunes ?

Une obligation pourrait en effet poser des obstacles, bien que l’histoire récente montre que les jeunes peuvent répondre à des appels à mobilisations exceptionnelles, comme vu en Ukraine. Dans un contexte de solidarité nationale, une obligation pourrait catalyser des comportements positifs, mais il n’y a aucune certitude quant à cette dynamique.

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