Alors qu’Elisabeth Borne effectue une visite de deux jours sur l’archipel pour faire le point sur la situation des écoles, plus d’un millier de professeurs ont défilé jeudi à Mamoudzou.
En déplacement à Mayotte pour la deuxième fois depuis le passage du cyclone Chido mi-décembre, Elisabeth Borne fait face à la fronde des enseignants. Alors que la ministre de l’Education nationale est en visite sur l’archipel durant deux jours pour faire le point sur la situation des écoles, plus d’un millier de professeurs ont défilé jeudi 30 janvier à Mamoudzou, selon les syndicats et la police, entre le rectorat et le lycée des Lumières où elle était présente, rapporte Mayotte la 1ère(Nouvelle fenêtre). Lundi, avant son arrivée, ils étaient aussi plusieurs centaines à manifester contre une rentrée scolaire qu’ils jugent « bâclée ». Pour tenter d’éteindre la colère, Elisabeth Borne doit s’entretenir vendredi après-midi avec les organisations syndicales, puis les associations de parents d’élèves.
La sécurité des bâtiments mise en cause
Concrètement, les professeurs estiment que le retour en classe des élèves s’est effectué dans la précipitation et dans des conditions dégradées étant donné les dégâts causés par Chido. Une partie des établissements scolaires n’ont toujours pas pu rouvrir en raison de dommages trop importants. D’autres ont pu accueillir les élèves, mais sans garantie sur la sûreté des lieux, selon une partie des enseignants. « Les locaux sont trop abîmés, il n’y a plus de clôture, la sécurité ne peut pas être assurée et on n’a pas d’eau potable pour les élèves », a énuméré auprès de l’AFP Fatima Inoussa Soumaila, directrice d’une école à Iloni qui a dû rester fermée lundi en raison d’une grève.
Auprès de franceinfo, Rivo Rakotondravelo, co-secrétaire départemental du syndicat FSU-Snuipp et directeur d’une école à Cavani, juge que cette rentrée est uniquement une campagne « de communication pour dire que les cours ont repris ». Il ajoute que « Chido a ajouté une catastrophe à la situation désastreuse dans laquelle était déjà l’école à Mayotte ». En 2022, un rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) décrivait déjà des établissements « saturés » et un bâti « dégradé requérant des travaux de rénovation importants ».
Depuis plusieurs années, les syndicats enseignants alertent par ailleurs sur les classes surchargées. En septembre 2022, l’ancien recteur de Mayotte Gilles Halbout avait estimé auprès de Ouest-France(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre) à « 800, voire 900 » le nombre de salles manquantes. C’est la raison pour laquelle les rotations, qui consistent à utiliser la même classe pour faire cours à certains élèves le matin et à d’autres l’après-midi, sont fréquentes à Mayotte. Un système qui est généralisé depuis lundi, en raison des dégradations causées par le cyclone.
Du côté des parents, on déplore aussi une rentrée pas assez préparée. « On veut une reconstruction de qualité, respectant les normes », a déclaré le co-président de la FCPE de Mayotte, Haïdar Attoumani Said, interrogé lundi par Mayotte la 1ère(Nouvelle fenêtre). Comme Rivo Rakotondravelo, il estime que le cyclone a mis en lumière « toutes les failles » de l’Education nationale.
Des compensations financières exigées
Les revendications des syndicats enseignants sont également de nature financière. Ils exigent une augmentation du taux d’indexation de leurs salaires de 40% à 75%, une demande qui n’est pas nouvelle, comme le rappelle Mayotte Hebdo(Nouvelle fenêtre) dans un article daté de novembre 2023. Dans les départements d’outre-mer, cette sur-rémunération est versée aux fonctionnaires pour compenser la vie chère.
Certains professeurs souhaitent aussi qu’une prime de dédommagement de 2 000 euros soit versée à tous les agents. La ministre de l’Education nationale a en effet fait savoir que seuls ceux situés en dessous du point d’indice 448 la toucheraient automatiquement. « Le cyclone, tout le monde l’a subi. Cette annonce de la ministre [Elisabeth Borne] a créé une division entre collègues et beaucoup de frustration », déplorait lundi Rivo Rakotondravelo, dans notre article faisant le bilan du retour en classes à Mayotte.
Lors du premier passage d’Elisabeth Borne à Mayotte en décembre, les syndicats avaient déjà critiqué son attitude, lui reprochant d’avoir manqué d’écoute face à la situation des professeurs. L’ex-Première ministre avait été filmée en train de tourner le dos à deux professeurs qui l’interpellaient sur les difficultés d’accès à l’aide de l’Etat dans l’archipel sinistré. Elle avait, quelques jours plus tard, admis une maladresse.
La ministre admet une situation « pas satisfaisante »
« On a une situation qui n’est pas satisfaisante », a admis jeudi soir Elisabeth Borne auprès de nos confrères de Mayotte la 1ère(Nouvelle fenêtre). La ministre a ainsi dressé le bilan de cette rentrée : « On est à 50% de la capacité qui existait avant le passage du cyclone dans le premier degré, on est plutôt à 75% dans le second degré. Il y a un travail qui va se poursuivre pour retrouver la capacité et accompagner la reprise. » Elle a également assuré que « d’autres livraisons » de fournitures scolaires étaient en train d’être préparées, alors que 80 tonnes de stylos et cahiers sont déjà arrivées sur l’archipel.
« Ce n’est pas la scolarité qu’on souhaite leur proposer, mais on va monter en puissance. »Elisabeth Borne, ministre de l’Education nationale
à Mayotte la 1ère
Concernant la prime de 2 000 euros, Elisabeth Borne a expliqué qu’une procédure de demande « simplifiée » existait pour les fonctionnaires qui n’en bénéficient pas mécaniquement. Sur le réseau social X(Nouvelle fenêtre), elle a aussi fait savoir que les professeurs pourraient « prendre une semaine de congés supplémentaire pour les prochaines vacances ».