Rénovation énergétique : comment les tâtonnements du gouvernement ont fait chuter le nombre de chantiers
Rénovation énergétique : comment les tâtonnements du gouvernement ont fait chuter le nombre de chantiers

Rénovation énergétique : comment les tâtonnements du gouvernement ont fait chuter le nombre de chantiers

26.04.2024
5 min de lecture

Depuis le début de l’année, les règles d’obtention de MaPrimeRénov’ ont déjà été modifiées deux fois par le gouvernement. Une instabilité qui n’incite pas les ménages à se lancer dans des travaux de rénovation et met un coup de frein aux chantiers.

Opération communication pour la rénovation. L’Etat a lancé vendredi 19 avril sa « tournée France Rénov » à Chartres pour promouvoir les dispositifs d’aide à la rénovation des logements. « L’objectif est d’inciter les Français à faire leurs travaux de rénovation, en leur montrant qu’à travers ces démarches, on va vers eux pour leur expliquer les matériaux, les procédures, les étapes pour rénover son logement, et qu’aujourd’hui, rénover son logement, c’est plus simple », a déclaré le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian.

Parallèlement, l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui est à l’initiative de la « tournée France Rénov' », a publié le même jour ses chiffres du premier trimestre 2024. Et l’ambiance n’est pas à la fête puisque moins de 80 000 logements ont été rénovés, soit une chute de 43% par rapport au premier trimestre de l’année dernière (lien PDF). Un chiffre très éloigné des projections du gouvernement qui annonçait, en octobre, l’objectif des 200 000 rénovations thermiques dès cette année. Pour y parvenir, les ministères de la Transition écologique, de la Transition énergétique et du Logement misaient sur une modification, devenue officielle au 1er janvier, des règles d’obtention de MaPrimeRénov’, la principale aide de l’Etat à la rénovation énergétique des logements.

Des conditions plus strictes depuis janvier

A cette date, le dispositif MaPrimeRénov’, lancé en 2020 et dont ont déjà bénéficié 1,5 million de Français, se recentrait sur les rénovations d’ampleur, principalement pour les passoires thermiques (logements classés F et G). Pour en bénéficier, il fallait gagner au moins deux classes énergétiques sur le diagnostic de performance énergétique, et réaliser au moins deux gestes d’isolation et un de ventilation. L’aide à l’installation de pompes à chaleur air-eau ou géothermiques, ou le raccordement à un réseau de chaleur urbain, passait de 1 000 à 2 000 euros pour les ménages modestes et intermédiaires.

L’Anah, qui pilote ce dispositif, proposait aux propriétaires de passoires énergétiques souhaitant mener une rénovation d’ampleur impliquant plusieurs chantiers (isolation des murs, changement des fenêtres et du mode de chauffage par exemple) un taux de prise en charge pouvant atteindre « 90% pour les ménages aux revenus très modestes », avec un plafond de 70 000 euros contre 35 000 euros auparavant. Sur le papier, ces modifications avaient un double objectif, détaillait à France 2 Audrey Zermati, directrice stratégie chez Effy, entreprise spécialisée dans la rénovation énergétique.

« Inciter les gens à faire des travaux plus ambitieux, avec de la rénovation globale, et inciter les gens à changer leur système de chauffage, notamment s’ils ont un système de chauffage aux énergies fossiles, donc au gaz ou au fioul. »Audrey Zermati, directrice stratégie chez Effy

à France 2

Ces ménages entamant ces gros travaux de rénovation devaient « systématiquement [être] accompagnés par un tiers de confiance indépendant et agréé par l’Etat ». Mais ces décisions n’ont pas eu l’effet escompté et le nombre de chantiers a chuté.

Retour en arrière en février

Cette nouvelle mouture excluait donc les rénovations dites « mono-gestes » de MaPrimeRénov’. « Ces dernières consistent à remplacer ou rénover un seul poste, que ce soit le système de chauffage, la ventilation, l’isolation des parois… », explique à franceinfo Carine Sebi, professeure d’économie à Grenoble Ecole de Management. « Sous la pression des artisans et des chiffres de l’Anah, on est revenu en arrière », ajoute-t-elle.

Mi-février, une rencontre entre Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, Guillaume Kasbarian, ministre du Logement, Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), et Jean-Christophe Repon, à la tête de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), a eu lieu. Ils « ont unanimement alerté sur un processus de rénovation énergétique comportant désormais trop de lourdeurs administratives », a rapporté le ministère de la Transition écologique.

Pour y remédier, trois évolutions ont été ciblées : limiter « aux subventions les plus élevées » les « obligations de recourir à un accompagnateur agréé »« simplifier le label ‘reconnu garant de l’environnement’ (que les professionnels doivent obtenir pour intervenir sur des chantiers financés par MaPrimeRénov’), notamment pour les petites et moyennes entreprises », et « lever les restrictions de financement concernant les gestes de rénovation simples et efficaces ».

« Mieux vaut une rénovation globale à un mono-geste, mais mieux vaut un mono-geste que pas de rénovation du tout. »Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique

en conférence de presse, le 8 mars

Le premier axe vise à « fluidifier les dossiers ». Le deuxième doit permettre à davantage d’entreprises de s’impliquer dans les travaux de rénovation et le troisième de faire redémarrer les travaux des ‘mono-gestes’.

Des changements de règles qui effraient

Dans la foulée de ces modifications, le gouvernement a annoncé, début mars, reporter au 1er janvier 2025 le recentrage de MaPrimeRénov’ vers les rénovations lourdes. Si Carine Sebi salue le fait que les aides restent profitables aux ménages les plus précaires, elle s’inquiète de ces « politiques publiques par petits pas »« Cela risque de compromettre l’atteinte de la neutralité carbone du parc immobilier d’ici 2050. Il est donc crucial que le dispositif continue à encourager et à accompagner activement les ménages les plus précaires dans leurs rénovations profondes, tout en n’excluant pas les ménages les plus aisés, qui jouent un rôle essentiel dans la dynamique des actions de rénovation », explique la professeure d’économie.

En outre, ces tâtonnements brouillent le message envoyé. « Le manque de stabilité est un problème à la fois pour les ménages et les artisans. Si un ménage engage des travaux auprès d’un artisan, et que celui-ci lui indique quelques mois plus tard que les règles ont changé et qu’il n’est plus éligible à la prime, cela crée de la frustration, et, au pire, un frein au passage à l’acte », illustre-t-elle.

« Ce manque de continuité et cette instabilité envoient des signaux qui font peur, alors que ce n’est pas forcément un investissement attrayant pour les foyers. »Carine Sebi, professeure d’économie à Grenoble Ecole de Management

à franceinfo

Le coup de rabot annoncé par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, n’envoie pas forcément un bon signal non plus. Initialement doté de près de 2,5 milliards d’euros et devant même s’élever à 4 milliards d’euros en 2024, le budget alloué à MaPrimeRénov’ a été drastiquement réduit. « On avait annoncé une enveloppe supplémentaire de 1,6 milliard de 2023 à 2024 » et « il y aura toujours une augmentation de 600 millions, mais nous récupérons 1 milliard », a noté le ministre. Un coup de rabot qui intègre les 10 milliards d’euros d’économies voulus par le gouvernement, afin de respecter son engagement budgétaire et justifié par une croissance moins vigoureuse attendue en 2024.

Source: franceinfo

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