Cette mesure, déjà débattue à l’Assemblée nationale en 2022, fait partie des recommandations du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance.
La proposition de loi socialiste examinée le 11 décembre à l’Assemblée nationale vise à garantir la présence d’un avocat pour tous les jeunes en situation de placement sous mesure d’assistance éducative. La députée Ayda Hadizadeh, rapporteuse du texte, souligne qu’il est crucial d’offrir aux 380 000 mineurs concernés « un gardien de [leurs] droits, une mémoire de [leur] dossier juridique », rapporte TopTribune.
1 Que propose le PS pour défendre les enfants placés ?
Le texte stipule la nécessité d’un avocat pour chaque enfant soumis à une mesure d’assistance éducative, indépendamment de son âge et de son niveau de discernement. Ces jeunes, placés par décision judiciaire dans des familles d’accueil ou des foyers, bénéficieront de l’assistance d’un avocat dès le début de la procédure pour les aider dans leurs entretiens et audiences, afin que leur parole s’exprime pleinement, comme l’a expliqué Ayda Hadizadeh le 3 décembre devant la commission des lois de l’Assemblée.
Elle a ajouté que l’avocat jouerait également un rôle essentiel dans la compréhension des décisions judiciaires, anticipant ainsi les lacunes qui pourraient affecter leur dossier. « Les états généraux de la justice ont souligné que l’avocat est, plus que jamais, le gardien des droits pour les enfants placés, » a-t-elle insisté.
« Les anciens enfants placés le disent, le dossier est la seule mémoire de leur enfance. »
Ayda Hadizadeh, députée PSdevant la commission des lois
L’avocat interviendra également en cas de dysfonctionnements au sein de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui sont fréquents. La proposition est particulièrement pertinente à la lumière d’un récent scandale dans un foyer parisien où des éducateurs ont été filmés en train de raser la tête d’un enfant de 8 ans comme punition.
Au nom de l’enfant, l’avocat pourra contester les décisions judiciaires ou exiger le respect des droits tels que le maintien des liens familiaux, droits souvent bafoués en raison de manque de place ou de personnel. Il interviendra également si un enfant rapporte des violences ou des abus, ou si une décision de justice n’est pas respectée.
« Nous sommes convaincus que garantir un avocat pour chaque enfant pourrait modifier en profondeur leurs conditions et corriger les injustices qu’ils subissent, » a commenté Lyes Louffok, militant des droits de l’enfant et ancien enfant placé, sur France Inter.
2 Comment les enfants sont-ils défendus jusqu’à présent ?
Les procédures d’assistance éducative ne suivent pas les mêmes règles que les procédures pénales où le droit à un avocat est établi. Bien que l’assistance par un avocat soit permise pour les mineurs dans le cadre des procédures d’assistance éducative, elle n’est pas obligatoire, comme l’a noté Ayda Hadizadeh dans son rapport sur cette proposition de loi.
De plus, depuis 2022, un magistrat peut demander la désignation d’un avocat pour le mineur considéré comme « capable de discernement ». Cependant, cette notion reste floue et est laissée à l’appréciation des juridictions.
3 Comment financer cette mesure ?
Le coût de l’avocat, fixé à 576 euros par audience, sera pris en charge par l’aide juridictionnelle, sans condition de ressources, garantissant ainsi que la défense de l’enfant ne soit pas influencée par des considérations financières.
Cependant, l’Assemblée des départements a exprimé des réserves concernant le coût global, estimé à environ 230 millions d’euros par an dans un contexte où les départements investissent déjà neuf milliards d’euros dans l’aide sociale à l’enfance. Ayda Hadizadeh a reconnu que cette évolution législative aurait un impact sur les finances publiques, mais a souligné qu’ignorer l’investissement dans la protection de l’enfance pourrait coûter cher à l’avenir.
Le texte prévoit également de compenser ces coûts par une nouvelle « taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs ».
4 Cette proposition a-t-elle des chances d’être adoptée ?
Cette idée n’est pas nouvelle au sein de l’Assemblée, ayant déjà été soumise aux débats en 2022 sans succès. Cependant, elle intègre désormais les recommandations d’un rapport de la commission d’enquête sur les manquements dans la protection de l’enfance. Une forte mobilisation a eu lieu pour sensibiliser le public à cette question.
Ayda Hadizadeh est optimiste quant au soutien politique croissant, notamment du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, et des retours d’expérimentation positifs constatés dans certaines régions. La proposition de loi a donc des chances réelles d’être adoptée, marquant un tournant potentiel dans le système de protection de l’enfance en France.