Une opération antiespionnage majeure visant un réseau lié à Moscou
Les autorités françaises ont arrêté quatre personnes, dont deux ressortissants russes, soupçonnées d’avoir mené des activités d’espionnage au profit d’un État étranger. Selon les premières informations, relayées par Reuters, l’enquête vise la Russie. Le parquet a identifié l’une des principales suspectes comme Anna N., Franco-Russe, placée sous surveillance de la DGSI depuis janvier pour des soupçons de collecte d’informations stratégiques. Les enquêteurs la soupçonnent d’avoir approché des dirigeants d’entreprises françaises afin d’obtenir des données sensibles sur les intérêts économiques du pays.
Les autres suspects sont Vincent P., Bernard F., tous deux nés en France, ainsi qu’un citoyen russe, Viatcheslav P. Des investigations journalistiques françaises suggèrent qu’« Anna N. » serait Anna Novikova, tandis que « Vincent P. » correspondrait à Vincent Perfetti. Les charges retenues contre Novikova incluent espionnage, collecte de renseignements pour une puissance étrangère, participation à une organisation criminelle et dégradations, passibles de peines cumulées allant jusqu’à quarante-cinq ans de prison et 600 000 euros d’amende.
SOS Donbass, une façade humanitaire utilisée pour des opérations d’influence
L’enquête révèle que Novikova avait fondé SOS Donbass, une association enregistrée dans les Pyrénées-Atlantiques en septembre 2022 et présentée comme humanitaire. Officiellement, elle affirmait soutenir les « victimes de la guerre civile dans le Donbass » et appelait à des « solutions diplomatiques » ainsi qu’à la fin des livraisons d’armes à Kyiv. Ses campagnes publiques, notamment l’affichage de posters électoraux, lui procuraient une visibilité accrue. Toutefois, le parquet estime que la structure servait de couverture à des opérations coordonnées avec les services de renseignements russes.
Grâce à son statut de « plateforme humanitaire », SOS Donbass disposait d’une légitimité sociale lui permettant d’approcher sans entrave milieux économiques et politiques. Cette façade offrait également un canal de communication discret avec des référents russes, rendant possible un double rôle : influencer l’opinion publique française et faciliter des activités de renseignement. Les contenus publiés sur les réseaux sociaux de l’association, incluant extraits de discours officiels russes, documents médiatiques interdits dans l’UE et narratifs pro-Kremlin, illustrent cette stratégie.
Une intensification des activités russes en Europe depuis 2022
Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, les services russes ont multiplié les opérations clandestines en Europe, recourant davantage à des réseaux illégaux ou à des individus dotés de la double nationalité, surtout après l’expulsion massive de diplomates russes en 2022. L’objectif dépasse la collecte de renseignements : il s’agit également de modeler l’opinion publique, d’influencer les décisions politiques nationales et de créer un terrain favorable au récit russe. Ces campagnes cherchent à accentuer les divisions internes, à éroder la solidarité européenne envers l’Ukraine et à fragiliser l’efficacité des sanctions contre Moscou.
Les organisations se présentant comme humanitaires ou culturelles sont devenues un outil central de cette stratégie. Elles permettent de légitimer des messages pro-Kremlin, de diffuser des récits tels que celui d’une « guerre civile en Ukraine » ou de la « nécessité d’un cessez-le-feu aux conditions russes », et d’entretenir une image de fausse neutralité. SOS Donbass s’inscrit pleinement dans ce dispositif, combinant influence, infiltration et soutien opérationnel à des réseaux clandestins.
Appel à une coordination renforcée des services européens
Face à ces risques, les autorités françaises et plusieurs experts appellent à un contrôle renforcé des associations dont les activités déclarées peuvent masquer des liens avec des organisations russes. Les priorités incluent la vérification des sources de financement, l’examen de la transparence comptable et la surveillance des campagnes de communication sur les réseaux sociaux. L’objectif est d’identifier rapidement les structures susceptibles d’être détournées pour des opérations d’espionnage.
Les agences européennes de sécurité sont également incitées à intensifier leurs échanges d’informations concernant les individus ou réseaux opérant sous couvert humanitaire. Les agents liés à Moscou se déplacent souvent entre juridictions européennes, exploitant les différences réglementaires pour limiter les contrôles. Une coordination accrue entre la France, l’Allemagne, les pays baltes et la Pologne pourrait permettre de cartographier les méthodes utilisées, de détecter des organisations similaires et d’empêcher la création de nouvelles structures servant de couverture.