Pasqal, la startup française spécialisée dans l’informatique quantique, étend son influence sur le marché américain

Pasqal, la startup française spécialisée dans l’informatique quantique, étend son influence sur le marché américain

13.10.2025 18:53
4 min de lecture

Pasqal représente un exemple de réussite française remarquable. Spécialisée dans le domaine du quantique, l’entreprise prévoit d’implanter son siège social américain à Chicago. Bien que encore relativement méconnue du grand public, cette firme mérite une attention particulière, rapporte TopTribune.

Une pépite française issue de la recherche fondamentale

Établie en 2019 grâce aux travaux du physicien Alain Aspect, lauréat du prix Nobel de physique, Pasqal démontre comment la recherche française peut produire des entreprises technologiques de classe mondiale. Née au sein de l’écosystème du Campus de Paris-Saclay, cette société est spécialisée dans les ordinateurs quantiques à atomes neutres, une technologie qui tire profit d’atomes piégés par laser pour réaliser des calculs à une vitesse inégalée par les ordinateurs traditionnels. Dès le départ, Pasqal a su se démarquer par une approche complète, développant tant le matériel quantique que les algorithmes et les outils logiciels nécessaires pour permettre aux entreprises de tirer parti de ces avancées. Cette stratégie « intégrée » lui a permis de rivaliser rapidement avec des géants tels qu’IBM, IonQ, ou Rigetti, en offrant des solutions accrues en termes de stabilité et d’efficacité énergétique. Soutenue par le Plan Quantique initialisé par le gouvernement français en 2021, la société a profité d’un cadre favorable grâce à des financements publics, des collaborations académiques, et du capital-risque. Pasqal a levé plusieurs dizaines de millions d’euros et emploie aujourd’hui plus de 300 ingénieurs et chercheurs répartis sur huit pays. Parmi ses clients figurent des entreprises prestigieuses telles que BMW, LG, EDF, Thales, et Siemens, qui cherchent à anticiper les bouleversements entraînés par la révolution du calcul quantique.

Un investissement stratégique aux États-Unis

En octobre 2025, Pasqal a réalisé un pas déterminant en annonçant l’ouverture de son siège américain à Chicago, au sein de l’Illinois Quantum and Microelectronics Park (IQMP). Cet investissement de 65 millions de dollars devrait permettre la création d’au moins 50 emplois hautement qualifiés. Ce site accueillera l’un de ses futurs ordinateurs quantiques de production, qualifié par l’entreprise de « plus puissant au monde » lors de son inauguration. Ce choix témoigne de l’engagement de Pasqal au sein de la dynamique industrielle américaine autour du quantique. Le gouverneur de l’Illinois JB Pritzker, à l’origine de la création de ce parc, a salué cette initiative comme un avancement stratégique dans son objectif faire de l’État un « centre névralgique du développement quantique aux États-Unis ». Le projet bénéficie de divers soutiens publics, notamment un crédit d’impôt MICRO (Manufacturing Illinois Chips for Real Opportunity) et un prêt de 15 millions de dollars accordé par l’Illinois Finance Authority. Le parc se trouve sur l’ancien site siderurgique U.S. Steel South Works, désaffecté depuis plus de trente ans, illustrant la transformation industrielle de Chicago en faveur des technologies avancées. D’autres grandes entreprises du secteur quantique, telles qu’IBM, Diraq, Infleqtion, Fermilab, et Argonne National Laboratory, y ont également établi leur présence. Pour Pasqal, cette décision assure une meilleure visibilité, un accès direct aux talents américains et une intégration dans un écosystème scientifique et industriel de premier ordre.

La montée en puissance du quantique comme actif économique

Le projet américain de Pasqal survient dans un contexte de concurrence accrue à l’échelle mondiale pour la suprématie quantique. D’après McKinsey & Company, le marché mondial des technologies quantiques pourrait atteindre 90 milliards de dollars d’ici 2040, dont presque la moitié concernera le calcul et les services y afférents. Dans cette compétition, les États-Unis et la Chine détiennent une grande part des financements publics, tandis que l’Europe tente de réduire son retard grâce à des initiatives coordonnées, telles que le Quantum Flagship européen ainsi que les plans nationaux mis en place par la France et l’Allemagne. Dans ce contexte, la présence d’une entreprise française au sein du cluster américain revêt une signification forte. Elle illustre la capacité de la France à exporter non seulement des produits, mais également une expertise scientifique avancée, dérivée directement de la recherche fondamentale. Pasqal vise à évoluer ses systèmes existants, dotés d’environ 200 qubits, vers des architectures de 10 000 qubits au cours de la prochaine décennie, un développement technologique significatif qui pourrait transformer les méthodes de calcul en finance, logistique, énergie ou cybersécurité. Ce type d’implantation génère des effets structurants au niveau macroéconomique, en attirant des investissements croisés, en forgeant des filières locales, et en plaçant la France comme un partenaire fiable dans l’innovation américaine. Le modèle proposé par Pasqal peut inciter d’autres entreprises françaises de la deep-tech, souvent freinées par la taille de leur marché local, à pénétrer directement les grands pôles technologiques étrangers.

Le modèle Pasqal : science, industrie et stratégie

Le succès de Pasqal repose sur un modèle unique en Europe, celui d’une entreprise fondée au sein d’un laboratoire, capable de convertir une découverte scientifique en produit commercial tout en maintenant une forte indépendance technologique. Pasqal a opté pour une croissance maîtrisée, préférant la recherche appliquée et la coopération industrielle à la spéculation financière. La société investit dans ses propres infrastructures, comme son usine de processeurs quantiques à Sherbrooke (Québec), inaugurée en juin 2025, et établit de nombreux partenariats technologiques pour créer une chaîne de valeur cohérente et souveraine. L’expansion aux États-Unis ne constitue donc pas une simple annonce ; elle fait partie d’une stratégie globale visant à équilibrer les activités en Europe et en Amérique du Nord, avec un positionnement clairement transatlantique. Dans un contexte où les États-Unis investissent massivement dans les technologies critiques, la présence d’une société française dans l’écosystème quantique américain représente une nouvelle forme d’influence économique tournée vers l’innovation scientifique.

Un signal pour la French Tech et l’économie de la connaissance

Au-delà de sa propre réussite, Pasqal symbolise une évolution plus large : celle d’une économie française capable d’exploiter la science comme un atout stratégique. Son implantation aux États-Unis est un indicateur de maturité pour la French Tech et renforce une idée centrale : pour exceller dans les technologies de rupture sur le plan mondial, le savoir l’emporte sur le capital. En transmettant son expertise, Pasqal participe à redéfinir la perception de la technologie européenne — souvent jugée comme suiveuse — et s’affirme comme un acteur de premier plan sur la scène internationale. Ainsi, l’entreprise devient le symbole d’un nouveau modèle industriel : une synergie entre science publique, entrepreneuriat privé et stratégie internationale, dans laquelle la recherche joue un rôle clé dans l’essor économique.

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