Une nouvelle crise se profile pour le gouvernement à l’approche de la rentrée. Lors de la présentation de sa feuille de route budgétaire pour 2026, François Bayrou a suscité des réactions violentes parmi tous les partis politiques. En plus de la proposition de supprimer deux jours fériés, une autre idée a soulevé une vive opposition : celle permettant aux salariés volontaires de convertir leur cinquième semaine de congés payés en argent, à l’instar des RTT. Cette initiative est largement dénoncée par les syndicats et la gauche, rapporte TopTribune.
Ces congés, durant lesquels les salariés continuent de toucher leur salaire, sont un acquis essentiel de la gauche française, ancré dans une histoire de lutte sociale. Selon Jean Garrigues, historien et président du Comité d’histoire parlementaire et politique, « cette conquête fait partie de la doxa de la gauche française ».
Un véritable tabou à gauche
La cinquième semaine de congés a été instaurée en 1982 par le gouvernement de Pierre Mauroy, plus d’un demi-siècle après que la CGT a réussi à obtenir deux semaines de congés payés pour les travailleurs. Remettre en question « ce tabou associé à l’histoire de la gauche et du syndicalisme » serait « politiquement suicidaire, surtout en vue d’une possible motion de censure », avertit Jean Garrigues.
François Bayrou a besoin du soutien du Parti socialiste et du Rassemblement national afin d’éviter un destin similaire à celui de son prédécesseur. Cependant, sa proposition semble aller à l’encontre de ses intérêts. Cette initiative « s’ajoute à une longue liste » de motifs pour voter la censure, s’emporte le député PS Mickaël Bouloux. Marine Le Pen pourrait également s’y opposer pour protéger son électorat ouvrier.
Cette proposition du chef du gouvernement est « difficile à comprendre » sauf si elle vise à faire machine arrière ultérieurement pour résoudre un problème qu’il aurait engendré, selon un élu socialiste d’Ille-et-Vilaine. De leur côté, les syndicats réagissent énergiquement, exprimant leur indignation par la voix de Nathalie Bazire, dirigeante de la CGT, qui critique « ce recul des acquis sociaux ». « Ce qui est proposé est grave », déclare-t-elle, tandis que Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, qualifie la situation de « musée des horreurs » sur France Inter.
Compensations insuffisantes
Alors que la question du pouvoir d’achat est considérée comme « le sujet primordial », il est inacceptable que ce soient les salariés qui soient mis à contribution pour améliorer leur marge de manœuvre financière en rendant leurs congés moins avantageux, souligne Marylise Léon. En effet, l’éventuel gain financier d’environ 300 euros par an semble dérisoire et ne constitue pas une réelle réponse à la crise du pouvoir d’achat, selon la politologue Virginie Martin.
« Cela pourrait engendrer une pression implicite sur les employés et créer une compétition entre eux », redoute-t-elle. L’alternative pourrait également remplacer des augmentations salariales potentielles et réduire le pouvoir de négociation des travailleurs, prévient Damien Sauze, chercheur en économie au Centre d’études d’emploi et de travail.
Augmenter la pression sur les travailleurs
« Le risque est d’inhiber les recrutements, car cette mesure pourrait être utilisée pour éviter de remplacer des départs », poursuit le chercheur. Pourquoi alourdir la charge de travail pour ceux qui sont déjà en emploi, alors qu’il serait plus judicieux de créer des postes pour réduire le chômage ? « La croissance grâce au travail repose sur un nombre restreint de personnes, et cela n’augmente que la pression qui pèse sur celles-ci », s’interroge Virginie Martin.
D’autre part, l’État n’a pas fourni d’informations sur le nombre de travailleurs et les secteurs concernés qui seraient prêts à participer à cette démarche. Il en résulte des difficultés à évaluer les bénéfices potentiels. Cependant, selon Jean Garrigues, une majorité de Français reste « hostile à toute régression de leurs droits sociaux ».