La Chine et l’Union européenne ont brandi la menace de représailles, quand d’autres Etats espèrent encore convaincre Donald Trump de faire machine arrière.
Action, réaction. L’annonce de nouveaux droits de douane faramineuxsur les importations américaines formulée par Donald Trump, mercredi 2 avril, a provoqué une onde de choc dans le monde. Tous les produits exportés vers les Etats-Unis seront soumis à un tarif plancher de 10% à partir du 5 avril et certains pays, dont la politique commerciale est jugée hostile par Washington, seront pénalisées par des surtaxes pouvant atteindre 50%.
Face à l’instauration de ces droits de douane qualifiés de « réciproques »par la Maison Blanche, les partenaires des Etats-Unis n’ont pas mâché leurs mots, jeudi 4 avril, en réaction à cet acte de guerre économique. Emmanuel Macron a dénoncé une « décision brutale et infondée », tandis que le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a fustigé un retour « au protectionnisme du XIXe siècle, ce qui (…) n’est pas une manière intelligente de relever les défis du XXIe siècle ». Si certaines nations ont brandi la menace de représailles, toutes n’ont pas décidé d’adopter la même stratégie. Voici comment les pays se positionnent face aux nouveaux tarifs douaniers américains.
Prévoir des mesures de rétorsion
La Chine, premier pays dans le viseur de Donald Trump, a exhorté les Etats-Unis à « annuler immédiatement » les nouveaux droits de douane, particulièrement lourds pour ses produits, promettant de riposter pour défendre ses « droits et intérêts ». Ces représailles pourraient se traduire par une augmentation des tarifs douaniers déjà imposés en réponse à des mesures antérieures. Le mois dernier, la Chine avait annoncé des droits de douane de 15% sur les importations de charbon et de gaz naturel liquéfié en provenance des Etats-Unis.
Si l’Union européenne estime de son côté qu’il n’est pas trop tard pour négocier, elle se prépare à prendre des mesures de rétorsion. « Nous sommes déjà en train de finaliser un premier paquet de contre-mesures en réponse aux droits de douane sur l’acier. Et nous nous préparons maintenant à d’autres contre-mesures, afin de protéger nos intérêts et nos entreprises si les négociations échouent », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Certains Etats membres soutiennent l’option d’une réaction forte, à commencer par la France. « On va riposter sur un ensemble de produits sur lesquels on ne risque pas de désorganiser l’échelle de valeur en Europe, a assuré vendredi le ministre de l’Economie, Eric Lombard, sur BFMTV/RMC. La riposte peut être très vigoureuse. »
Le Canada, l’une des cibles favorites de Donald Trump, n’a pas subi de nouveaux droits de douane mercredi. Mais le voisin des Etats-Unis paie tout de même un tribut de plus en plus important dans la guerre commerciale enclenchée par Washington, avec des surtaxes qui touchent déjà une partie de ses exportations. Ottawa a déjà annoncé taxer certaines voitures américaines face aux 25% de taxes additionnelles annoncées par Washington sur les voitures fabriquées à l’étranger, entrées en vigueur jeudi matin.
Miser sur la négociation
Plusieurs Etats espèrent convaincre Donald Trump de revenir sur sa décision. Le Lesotho, petit royaume enclavé d’Afrique sévèrement taxé (50%), a annoncé jeudi qu’il allait envoyer une délégation gouvernementale aux Etats-Unis pour plaider sa cause. La Suisse, visée par des droits de douane de 31%, s’est également prononcée contre une escalade. L’objectif est de « poursuivre le dialogue avec nos homologues américains », a plutôt défendu le ministre de l’Economie suisse, qui se rendra « très prochainement » sur le sol américain avec la présidente du pays.
Parmi les Vingt-Sept, plusieurs Etats ont appelé à la retenue. L’Allemagne, par exemple, a dit soutenir l’UE dans sa recherche d’une « solution négociée » avec Washington, tandis que l’Italie veut « ouvrir une discussion franche sur le fond avec les Américains » pour « supprimer les droits de douane, pas les multiplier », a déclaré sa dirigeante, Giorgia Meloni.
Du côté de l’Asie, frappée de plein fouet par les nouveaux tarifs douaniers, le Cambodge espère négocier avec Washington, via les mécanismes existants, au sein d’instances comme l’ASEAN (qui regroupe dix pays d’Asie du Sud-Est) ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC), selon le porte-parole du ministère du Commerce cambodgien. Et si la Thaïlande dit avoir un « plan solide » pour répondre aux droits de douane de 36% la visant, elle compte d’abord négocier une réduction de ceux-ci, a affirmé la Première ministre du pays.
Brandir les principes du multilatéralisme
Certains pays ont brandi leur attachement à l’ordre mondial actuel. « Nous défendons le multilatéralisme et le libre-échange, et nous répondrons à toute tentative d’imposer un protectionnisme qui n’a plus sa place dans le monde », a déclaré le dirigeant brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva. Les ministères des Affaires étrangères et de l’Industrie du pays ont par ailleurs assuré évaluer « toutes les possibilités d’action pour assurer la réciprocité dans le commerce bilatéral, y compris le recours à l’OMC ».
Même son de cloche du côté du Japon, où le porte-parole du gouvernement a réitéré vendredi que les nouvelles taxes douanières américaines étaient « extrêmement regrettables » et que Tokyo« s’inquiétait sérieusement » de leur conformité avec les règles de l’OMC et avec l’accord commercial bilatéral américano-japonais.