Vous piquez plus du nez devant un match des Bleus que devant une étape de plaine du Tour de France ? C’est normal. La preuve en infographies.
« C’est chiant à regarder. Très chiant à regarder. » Antoine Griezmann ne parlait pas de l’Euro 2024 de foot dans son ensemble, mais juste du jeu défensif de l’équipe de France à la veille de démarrer la compétition. Le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, préfère le qualificatif « efficace » pour qualifier le la feuille de route de son équipe. Et vu qu’elle se retrouve en quarts de finale de la compétition, face au Portugal, vendredi 5 juillet, en n’ayant toujours pas marqué un but dans le jeu, difficile de lui donner vraiment tort.
Malheureusement, beaucoup d’équipes pratiquent un jeu « efficace » dans ce tournoi. « On s’emmerde un peu », synthétise le nouvel entraîneur de Lens, Will Still. Même le sélectionneur de l’Autriche, Ralph Rangnick, n’a pas mâché ses mots sur les tactiques de certains confrères : « J’ai vu des matchs où il était difficile de rester éveillé. » Fermez le ban ? « Le niveau général est quand même très préoccupant pour le football de sélection », appuie Cyril Linette, ancien patron de Canal+ et de L’Equipe, sur le réseau social X. Ce sentiment de lassitude est-il justifié par les chiffres ?
Le nombre de buts marqués est l’indicateur le plus évident pour tenter d’objectiver l’ennui mortel qui vous a fait piquer du nez devant Angleterre-Slovénie (0-0) au premier tour (et on vous comprend). Après 44 matchs disputés sur un total de 51, cet Euro 2024 se situe, avec 2,27 buts par match, dans une moyenne basse depuis 1996. Mais pas si calamiteuse à ce stade, l’Euro 2016 s’étant achevé avec une famélique moyenne de 2,12 buts par match. Juste devant les tristes Euros 1992 et 1996. La présence d’équipes solides ou « efficaces » parmi les qualifiés en quart de finale (la France, le Portugal, l’Angleterre…) peut cependant faire craindre le pire pour la suite de la compétition.
L’Euro a connu un certain âge d’or du point de vue du spectacle dans les années 2000… Avant la décision de l’élargir à 24 équipes au lieu de 16 en 2016, l’année où le Portugal l’emporte avec un jeu restrictif et sans avoir gagné le moindre match de poule. Le mode de qualification mis en place cette année-là ouvre les portes des huitièmes de finale aux meilleurs troisièmes, rendant la phase de poules assez peu compétitive (seules 8 équipes sur 24 rentrent à la maison). Le niveau général se retrouve dilué quand l’Euro dans sa formule à 16 équipes offrait une concentration de talents incomparables, même par rapport à la Coupe du monde. Mais la tendance est à l’élargissement des compétitions.
Et mine de rien, depuis 2016, on a encore rajouté une semaine et un match en plus à des stars qui cumulent plus de 50 matchs par saison (57 pour Kylian Mbappé, 52 pour Harry Kane et 55 pour Toni Kroos 55 en 2024, selon le site spécialisé Transfermarkt). Le commentateur polonais Darius Spakowzki a résumé sur son podcast le sentiment général des suiveurs de cet Euro peu emballant : « C’est un tournoi d’équipes fatiguées, de stars fatiguées. Je commence à penser que l’UEFA (et la Fifa dans deux ans) presse un citron dans lequel il n’y a presque plus de jus. »
Un sentiment confirmé par les chiffres
Dans le détail, s’il existe de « bons 0-0 », force est de constater que le Pays-Bas-France, l’Ukraine-Belgique et tous les matchs de l’Angleterre figurent plutôt dans la catégorie des matchs à oublier ou à regarder en avance rapide. Le nombre moyen de buts par match oscillant entre 2 et 3 buts dans les grandes compétitions, le nombre de matchs à deux buts ou moins constitue un autre bon indicateur du manque de spectacle. Après les huitièmes de finale, l’Euro 2024, avec ses 53% de matchs à moins de deux buts, se rapproche là encore de la période du règne de l’Espagne (2008-2012). La « Roja », double championne d’Europe et championne du monde était passée maîtresse dans l’art du 1-0 à base de ballon confisqué lors d’interminables séquences de possession. Ce qui s’en ressentait sur le spectacle : 58% de matchs offraient deux buts ou moins en 2008 et 2010, 61% en 2012, un record sur les trente dernières années.
Cette année, une des grandes responsables de ce sentiment d’ennui, ce sont les Bleus de Didier Deschamps, avec trois matchs soporifiques au possible. Selon le classement du site The Athletic, la France concentre trois de ses quatre rencontres dans les pires de cet Euro jusqu’à présent (la première place étant occupée par l’emballant Turquie-Géorgie achevé sur le score de 3-1). Autriche-France, par exemple, classé 39e sur 44, est décrit comme « un match que bien peu voudront revoir ». France-Pologne, à la 32e place, n’est de son côté « pas un chef-d’œuvre, mais pas un tunnel d’ennui ».
Des Bleus qui pourraient faire mieux
Si certains Français ne suivent cet Euro que par le prisme des matchs des Bleus, ils risquent d’être déçus en termes d’émotions fortes. Avec seulement 16 tirs cadrés sur 69 tentés, la France se montre particulièrement maladroite face aux buts adverses. Ce taux de 23% de frappes cadrées demeure particulièrement bas, comparé aux dernières compétitions des hommes de Deschamps, où Mbappé, Giroud et consorts atteignaient les 40% lors de l’épopée russe victorieuse de 2018 et encore 35% lors du Mondial au Qatar.
Autre preuve que les Bleus pourraient vraiment faire mieux, le fameux indicateur des « expected goals ». Ce chiffre, qui agrège chaque probabilité de marquer selon l’endroit d’où est déclenché le tir, montre que la France accuse un retard de 4 buts par rapport à ce qu’on aurait pu attendre d’elle. Reste à Kylian Mbappé, Antoine Griezmann ou Marcus Thuram à régler la mire pour redonner du baume au cœur à leurs supporters. Au moins, aucun membre des Irrésistibles Français, qui se déplacent en masse pour encourager les Bleus, n’a connu la mésaventure de ce fan anglais qui s’est endormi au stade lors d’Angleterre-Slovénie et ne s’est réveillé qu’à 4 heures du matin dans l’enceinte désertée.