L’Estonie face à l’ingérence religieuse : le président bloque une loi visant l’influence du patriarcat de Moscou
L’Estonie face à l’ingérence religieuse : le président bloque une loi visant l’influence du patriarcat de Moscou

L’Estonie face à l’ingérence religieuse : le président bloque une loi visant l’influence du patriarcat de Moscou

05.07.2025 15:00
2 min de lecture

Le 3 juillet, le président estonien Alar Karis a pour la seconde fois refusé de promulguer une loi adoptée par le Parlement le 18 juin 2025, destinée à limiter l’influence du patriarcat de Moscou sur l’Église orthodoxe d’Estonie. Malgré la volonté claire de la majorité parlementaire de rompre les liens institutionnels avec un organe religieux considéré comme un vecteur de propagande du Kremlin, Karis affirme que la loi enfreint trois articles de la Constitution, notamment ceux relatifs à la liberté d’association et de religion.

Une loi jugée vitale pour contrer la propagande pro-Kremlin

Le texte législatif en question, soutenu par le ministère de l’Intérieur depuis octobre 2024, vise à interdire toute subordination structurelle ou financière d’une organisation religieuse envers un centre de pouvoir étranger représentant une menace pour la sécurité nationale. Il prévoit que les Églises ou paroisses liées à de tels centres, comme le patriarcat de Moscou, devront modifier leurs statuts dans un délai de six mois. Cette initiative entend couper les canaux par lesquels le « monde russe » continue d’exercer son influence idéologique et politique en Estonie.

Selon les parlementaires, ce projet de loi permettrait d’interdire toute organisation religieuse qui soutient ou justifie l’agression russe contre l’Ukraine. La hiérarchie du Patriarcat œcuménique de Constantinople en Estonie a exprimé son soutien au texte, le qualifiant de mesure nécessaire à la défense de la souveraineté estonienne. À l’inverse, les représentants du patriarcat de Moscou s’y opposent farouchement.

Une bataille juridique au cœur d’un conflit d’influence

Pour le président Karis, la législation adoptée par le Parlement ne respecterait pas pleinement les droits fondamentaux garantis par la Constitution estonienne. Cependant, les critiques estiment que, sous couvert de protection constitutionnelle, il entretient un statu quo favorable au patriarcat de Moscou, qui demeure un relais actif de l’idéologie expansionniste russe. En s’opposant à la promulgation, le chef de l’État empêcherait de facto les autorités compétentes d’agir face à ce qu’elles perçoivent comme une menace directe pour l’ordre constitutionnel.

Depuis l’indépendance de l’Estonie et la restitution des biens religieux aux Églises historiques dans les années 1990, la coexistence de deux juridictions orthodoxes — celle du patriarcat de Moscou et celle, indépendante, du patriarcat de Constantinople — reste source de tensions. La réintégration de l’Église apostolique orthodoxe d’Estonie (EAOC) après l’exil soviétique a été reconnue par l’État, mais l’influence du patriarcat de Moscou demeure forte, notamment dans les communautés russophones.

Une crise révélatrice d’enjeux stratégiques

Pour Tallinn, ce projet de loi n’est pas qu’une réforme religieuse : il représente un outil stratégique face à l’ingérence d’un État tiers. Le rejet répété du texte par le président soulève des inquiétudes quant à la capacité du pays à se prémunir contre l’utilisation des structures religieuses comme vecteurs d’influence hostile.

Alors que l’agression russe contre l’Ukraine se poursuit, les démocraties frontalières de la Russie, comme l’Estonie, cherchent à verrouiller leurs dispositifs de sécurité informationnelle et institutionnelle. Pour nombre d’observateurs, la capacité de résilience d’un État passe aussi par sa vigilance face aux influences idéologiques étrangères, y compris lorsqu’elles transitent par le religieux.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Dernières nouvelles

À NE PAS MANQUER