Législatives allemandes : cinq choses à savoir sur Friedrich Merz, le chef des conservateurs arrivé en tête des élections
Législatives allemandes : cinq choses à savoir sur Friedrich Merz, le chef des conservateurs arrivé en tête des élections

Législatives allemandes : cinq choses à savoir sur Friedrich Merz, le chef des conservateurs arrivé en tête des élections

24.02.2025
6 min de lecture

Le conservateur, dont le parti est devenu majoritaire au Bundestag à l’issue des élections anticipées de dimanche, est pressenti pour succéder au chancelier sortant, le social-démocrate Olaf Scholz.

Un retour au pouvoir pour les conservateurs en Allemagne. Les élections législatives, organisées dimanche 23 février, ont vu triompher l’alliance de l’Union chrétienne-démocrate et de l’Union chrétienne-sociale (CDU/CSU), qui a obtenu 28,6% des voix. La formation d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) a réalisé une percée historique, avec un score de 20,8%, tandis que le Parti social-démocrate (SPD) du chancelier sortant Olaf Scholz a dégringolé (16,4%).

Le conservateur Friedrich Merz, tête de liste de la CDU/CSU, est donc pressenti pour accéder à la chancellerie – décision qui sera prise après la formation d’une coalition gouvernementale. Voici cinq choses à savoir sur cet homme de 69 ans qui se retrouve aux portes du pouvoir.

1Un parcours dans l’ombre d’Angela Merkel

Né en 1955 à Brilon, station thermale de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans l’ouest de l’Allemagne, Friedrich Merz grandit dans une famille de juristes. Il suit les traces de son père en optant pour des études de droit et en rejoignant la CDU à l’âge de 17 ans.

Il entre au Bundestag pour la première fois en 1994. « Friedrich Merz faisait partie des étoiles montantes de la CDU à la fin des années 1990 », rappelle Nathalie Le Bouëdec, professeure en civilisation allemande à l’université de Bourgogne. « Il croyait [pouvoir accéder] à la présidence du parti, sauf qu’il s’est heurté à Angela Merkel. » Avant de devenir chancelière en 2005, la conservatrice est élue à la tête du parti en 2000. Deux ans plus tard, elle revendique la présidence du groupe parlementaire, évinçant ainsi Friedrich Merz qui occupe le poste.

Angela Merkel, alors secrétaire générale de la CDU, et Friedrich Merz, député de la CDU, au Bundestag, à Berlin (Allemagne), le 17 février 2000. (WOLFGANG KUMM / DPA / AFP)
Angela Merkel, alors secrétaire générale de la CDU, et Friedrich Merz, député de la CDU, au Bundestag, à Berlin (Allemagne), le 17 février 2000. (WOLFGANG KUMM / DPA / AFP)

« Il y avait tout un courant qui prônait une modernisation du parti, dans lequel s’inscrivait Angela Merkel, relate la spécialiste. A l’inverse, Friedrich Merz incarnait la CDU traditionnelle, conservatrice sur le plan sociétal et libérale sur le plan économique. » Cette rivalité le pousse à quitter la politique en 2009, pour n’y revenir qu’en 2018… année où Angela Merkel annonce son retrait de la CDU. Réélu en 2021 au Bundestag, il remporte la même année la présidence du parti. 

2Un millionnaire passé par le milieu des affaires

Lorsqu’il quitte le monde politique, Friedrich Merz se tourne vers celui de la finance. Il évolue comme avocat d’affaires et accumule les sièges dans les conseils d’administration d’entreprises, grandes (la banque Commerzbank) et moins grandes (le fabricant de papier Wepa). Le financier s’enrichit jusqu’à rejoindre le cercle des millionnaires, comme il l’a confirmé au magazine Die Zeit(Nouvelle fenêtre) en 2018. Cette fortune ne l’a pas empêché d’assurer, dans le quotidien Bild(Nouvelle fenêtre), appartenir « à la classe moyenne supérieure », faisant bondir le grand public.

Friedrich Merz et son épouse Charlotte arrivent à Sylt, une île allemande au large du Danemark, à bord de leur avion privé, le 8 juillet 2022. (PICTURE ALLIANCE / PICTURE ALLIANCE / GETTY IMAGES)
Friedrich Merz et son épouse Charlotte arrivent à Sylt, une île allemande au large du Danemark, à bord de leur avion privé, le 8 juillet 2022. (PICTURE ALLIANCE / PICTURE ALLIANCE / GETTY IMAGES)

Le financier a surtout joué un rôle important au sein du fonds d’investissement américain BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, « qui détient des parts significatives dans toutes les entreprises du CAC 40 », illustre le site d’investigation Basta(Nouvelle fenêtre). « Cette expérience lui vaut des critiques de ses détracteurs », pointe Nathalie Le Bouëdec. En 2018, quand il signe son retour en politique, deux chercheurs allemands appellent à ne pas le laisser intégrer le gouvernement en raison de ses liens trop étroits avec BlackRock, rapporte le média allemand Deutsche Welle(Nouvelle fenêtre).

Dans son programme, « il prévoit de baisser les impôts sur les bénéfices des sociétés et une relance économique qui passe par des politiques favorables aux entreprises », expose Nathalie Le Bouëdec. Surtout, « il met en évidence son expérience professionnelle pour se légitimer et se donner une stature », analyse-t-elle. Lorsqu’il est dépeint comme un homme déconnecté des réalités des Allemands, il répond au Süddeutsche Zeitung(Nouvelle fenêtre) : « Celui qui n’a jamais fait que de la politique manque de cette expérience de la vie. »

3Un Européen en faveur de l’aide à l’Ukraine

Avant de se lancer sur la scène politique nationale, Friedrich Merz a commencé par se faire élire au Parlement européen en 1989. L’ancien eurodéputé affiche encore aujourd’hui des positions largement pro-UE. Il compte ainsi « concrétiser la vision d’une Europe souveraine » avec Emmanuel Macron. L’europhile veut aussi redonner à Berlin son statut de leader parmi les Vingt-Sept, face à un Donald Trump imprévisible et agressif sur les droits de douane et les négociations de paix entre Kiev et Moscou. Il promet notamment de « rétablir la complète capacité d’agir de l’Allemagne en matière de politique étrangère, de sécurité et de politique européenne ».

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, aux côtés du chef de file de la CDU, Friedrich Merz, le 15 février 2025, à Munich (Allemagne). (UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP)
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, aux côtés du chef de file de la CDU, Friedrich Merz, le 15 février 2025, à Munich (Allemagne). (UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP)

Le conservateur est d’ailleurs un fervent partisan de l’aide à l’Ukraine, tant militaire que financière. Lors d’une visite à Kiev en décembre, Friedrich Merz a réaffirmé sa volonté de fournir au pays des Taurus, ces précieux missiles réclamés par le président ukrainien, Volodymyr Zenlensky, tout en fustigeant la frilosité du gouvernement allemand démissionnaire. « Avec le recul, nous nous reprocherons de ne pas avoir aidé l’Ukraine assez tôt et suffisamment », a-t-il à nouveau lancé face à son adversaire, le chancelier sortant, Olaf Scholz, lors d’un débat télévisé, même si Berlin peut se targuer d’être le troisième plus gros donateur à Kiev, selon les données de l’institut allemand Kiel(Nouvelle fenêtre).

4Un conservateur pur et dur sur les questions de société

Pendant la campagne, Friedrich Merz s’est illustré par une ligne très dure sur l’immigration, renforcée au fil des attaques meurtrières commises par des réfugiés ces derniers mois. Il plaide pour des contrôles durables aux frontières, le renvoi des étrangers sans papiers, y compris des demandeurs d’asile, et un délai de huit ans pour demander la citoyenneté allemande, passé à cinq sous Olaf Scholz. Déjà dans le passé, le chef de la CDU n’avait pas mâché ses mots concernant les immigrés, qualifiant leurs enfants de « petits pachas », rappelle le magazine Der Spiegel(Nouvelle fenêtre), ou accusant les réfugiés ukrainiens de « tourisme social », relève Bild(Nouvelle fenêtre).

Son conservatisme transparaît ailleurs, comme lorsqu’il promet de revenir sur la légalisation du cannabis par le gouvernement social-démocrate. Sur l’homosexualité, il s’est opposé en 2000 à la loi autorisant les unions civiles entre personnes de même sexe, comme le rapporte le média Taz(Nouvelle fenêtre). Vingt ans plus tard, interrogé sur l’éventualité d’un chancelier homosexuel, sa réponse – « pas de problème, tant que c’est légal et que ça n’affecte pas les enfants » – a provoqué un tollé, rappelle la Deutsche Welle(Nouvelle fenêtre). Enfin, sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, il s’est déjà prononcé contre la parité dans un gouvernement sous sa direction.

Pour autant, il est difficile de dépeindre une Allemagne gouvernée par Friedrich Merz, « car il n’a jamais occupé de poste décisionnel, que ce soit celui de ministre fédéral ou d’un Land », souligne Nathalie Le Bouëdec.

5L’homme qui a flirté avec l’extrême droite

Friedrich Merz est aussi celui qui a brisé le tabou sur l’alliance avec l’extrême droite. Le 29 janvier, la CDU et l’AfD ont allié leurs voix pour adopter une motion non contraignante visant à durcir la politique migratoire. Une première en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale. Deux jours après, ils ont tenté de récidiver en votant ensemble une proposition de loi sur l’immigration, rejetée de peu par le reste des députés. 

Des manifestants protestent, le 4 février 2025, contre Friedrich Merz, à Cologne (Allemagne). (OLIVER BERG / DPA / AFP)
Des manifestants protestent, le 4 février 2025, contre Friedrich Merz, à Cologne (Allemagne). (OLIVER BERG / DPA / AFP)

En réaction, des centaines de milliers de personnes ont manifesté les week-ends suivants pour dénoncer l’effilochement du cordon sanitaire, une politique qui consiste à faire barrage à l’extrême droite. « Ce n’est pas parce que les mauvaises personnes votent les textes que ces textes deviennent mauvais », s’est défendu Friedrich Merz, assurant cependant ne toujours pas envisager de gouverner avec l’AfD. Il a néanmoins provoqué l’indignation du reste de la classe politique. Au point que, prédit Nathalie Le Bouëdec, « les négociations sur un accord de coalition s’annoncent très difficiles ».

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