Avec une forte hausse de la participation, le premier tour des législatives a provoqué de nombreuses triangulaires, tandis que le front républicain pourrait priver le Rassemblement national et ses alliés de la majorité absolue.
Le visage de la future Assemblée nationale n’est pas encore connu. Si 76 candidats ont été élus dès le premier tour, dimanche 30 juin, il reste 501 députés à élire au second, le dimanche 7 juillet. La campagne bat donc son plein alors que le Rassemblement national et ses alliés veulent obtenir une majorité absolue pour gouverner la France. Dans de nombreuses circonscriptions, l’issue du second tour s’annonce cependant imprédictible, tandis que des personnalités politiques de premier plan pourraient animer la prochaine législature.
Ministres en difficulté, dissidences à gauche, triangulaires indécises… Franceinfo revient sur dix circonscriptions à surveiller en vue du second tour, dimanche.
Chez les ministres et secrétaires d’Etat
• Gérald Darmanin, dans la 10e circonscription du Nord. Le ministre de l’Intérieur sera confronté à une triangulaire. Avec 36,03% des voix au premier tour, il a devancé très légèrement Bastien Verbrugghe (34,31%), le candidat du Rassemblement national, et Leslie Mortreux (24,83%), du Nouveau Front populaire, qui a annoncé son désistement. L’ancien maire de Tourcoing fait un peu moins bien qu’en 2022. A l’époque, il avait recueilli 39,08% des suffrages au premier tour.
« Le RN a obtenu un score élevé dans notre territoire », a-t-il écrit sur le réseau social X. « Nous appelons donc tous les électeurs à se mobiliser pour voter au second tour afin que l’emporte, au final, les valeurs du Nord : le respect, l’humanité et la République. » Gérald Darmanin est l’un des rares poids lourds du gouvernement qui figurent en bonne position lors de ces législatives. « Malgré des résultats nationaux dégueulasses, il a toujours gagné facilement à Tourcoing », s’amusait, mi-juin, un cadre de Renaissance.
• Marc Fesneau, dans la 1re circonscription du Loir-et-Cher. Député depuis 2017, le ministre de l’Agriculture s’est qualifié pour le second tour, mais rien n’est fait. Avec 34,56% des suffrages exprimés, Marc Fesneau est au coude-à-coude avec Marine Bardet (35,22%), la candidate RN. Cette dernière le devance de quelques centaines de voix seulement. Le représentant du Nouveau Front populaire, Reda Belkadi, a quant à lui été incapable de se qualifier, avec 15,35%. Comme le rappelle Ouest-France, ce dernier s’était vu retirer son investiture par La France insoumise pour des messages antisémites publiés en 2018.
Guillaume Kasbarian, dans la 1re circonscription de l’Eure-et-Loir. Ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian est arrivé deuxième (32,89%) derrière la candidate du Rassemblement national, Emma Minot (33,66%). Pour renverser la vapeur au second tour et rattraper ses 500 voix de retard, le candidat Renaissance pourra compter sur le désistement de l’écologiste Jean-François Bridet (24,05%), conformément aux consignes nationales du Nouveau Front populaire.
D’autres membres actuels ou passés du gouvernement devraient bénéficier du barrage à l’extrême droite pour conserver leur strapontin au Palais-Bourbon. Hervé Berville, secrétaire d’Etat à la Mer, est ainsi arrivé premier dans les Côtes-d’Armor (33,61%) et profitera du retrait de l’écologiste Jérémy Dauphin (25,71%) pour battre le RN Antoine Kieffer (30,96%) dimanche 7 juillet.
• Dominique Faure, dans la 10e circonscription de Haute-Garonne. La ministre des Collectivités territoriales fait partie de ces candidats de la coalition présidentielle qui ont décidé de ne pas se retirer pour faire barrage à l’extrême droite. Elle est arrivée troisième dans sa circonscription de Haute-Garonne (28,99%), derrière le NFP (36,24%) et le RN (30,37%). « J’ai 22 800 électeurs qui ont voté pour et je vois mal comment je leur donnerais comme seul choix de voter RN ou LFI », a-t-elle estimé auprès de l’AFP. Le candidat soutenu par le Nouveau Front populaire est pourtant socialiste, une situation pour laquelle le camp présidentiel a clairement appelé au désistement.
Lundi après-midi, plusieurs candidats du camp présidentiel arrivés troisièmes n’avaient pas encore annoncé leur désistement, alors que l’extrême droite est en mesure de l’emporter dans leur circonscription. En Charente-Maritime, Anne-Laure Babault (MoDem), arrivée troisième avec 25,33% des voix, a appelé son rival écologiste Benoît Biteau, deuxième avec 26,94%, à se retirer – ce que dernier a refusé de faire. La triangulaire pourrait arranger la candidate du Rassemblement national, Karen Bertholom, arrivée en tête avec 34,41% des suffrages.
Chez les anciens membres du gouvernement
• Elisabeth Borne, dans la 6e circonscription du Calvados. Elue députée en juin 2022 et Première ministre jusqu’en janvier dernier, Elisabeth Borne est en ballottage défavorable (28,93%) face au RN de Nicolas Calbrix (36,26%) dans la 6e circonscription du Calvados. Celui qu’elle affrontait en 2022, le LFI Noé Gauchard (23,16%), s’est désisté à son profit, « une décision extrêmement difficile ». Le candidat de gauche a pointé « la responsabilité » d’Elisabeth Borne et du gouvernement « qui a mis dos à dos l’extrême droite et la gauche humaniste et progressiste ». Un échec face au RN pourrait fortement limiter les ambitions politiques de l’ancienne dirigeante de la RATP, dont la cote de popularité était en hausse dans la majorité. « Elle pourrait diriger le parti Renaissance », imaginait ainsi une ministre, début juin.
• Olivier Véran, dans la 1re circonscription de l’Isère. On lui promettait un scrutin difficile. L’ancien ministre de la Santé se retrouve en ballottage défavorable avec 33,62% des voix contre 40,19% pour Hugo Prevost, le candidat insoumis du Nouveau Front populaire. Olivier Véran sera confronté à une triangulaire puisque le candidat LR-RN Alexandre Lacroix est parvenu à se qualifier pour le second tour avec 18,34% des suffrages exprimés. L’ancien porte-parole du gouvernement, qui avait un temps envisagé de se reconvertir dans la chirurgie esthétique, pourrait toutefois bénéficier des reports de voix de la candidate des Républicains, arrivée quatrième avec 6,98%.
• Aurélien Rousseau, dans la 7e circonscription des Yvelines. Candidat du Nouveau Front populaire, six mois après son départ du ministère de la Santé, Aurélien Rousseau est qualifié pour le second tour dans la 7e circonscription des Yvelines avec 34,68%. Pour autant, rien n’est fait pour lui : il va affronter la députée sortante, Nadia Hai (29,32%), ancienne ministre de la Ville de 2020 à 2022. Babette de Rozières, qui porte les couleurs des Républicains soutenus par le Rassemblement national, sera aussi au second tour, après avoir rassemblé 25,79% des suffrages.
A droite et à l’extrême droite
• Olivier Marleix, dans la 2e circonscription d’Eure-et-Loir. Les députés des Républicains devront-ils se trouver un nouveau président de groupe à l’Assemblée ? Elu depuis 2012, Olivier Marleix est arrivé en seconde position avec 25,93% des suffrages exprimés face au candidat du RN, Olivier Dubois (38,92%). Nadia Faveris, du Nouveau Front populaire, le talonne de 147 voix et pourrait se désister au second tour, ce qu’elle n’avait pas fait lundi après-midi. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a en effet appelé au désistement systématique des candidats de gauche « dès lors qu’il y a un risque de faire élire un candidat RN ».
• Marie-Caroline Le Pen, dans la 4e circonscription de la Sarthe. L’Assemblée nationale va-t-elle bientôt compter deux membres de la famille Le Pen, après la très forte progression du RN aux législatives ? Marie-Caroline Le Pen est arrivée en tête avec 39,29% des suffrages dans l’ancienne circonscription de François Fillon. La sœur aînée de Marine Le Pen devance assez largement les candidates du Nouveau Front populaire (25,94%) et du camp présidentiel (25,88%). La conseillère régionale d’Ile-de-France pourrait remporter dimanche 7 juillet sa première victoire à une élection législative, dans ce territoire gagné d’un cheveu par La France insoumise en 2022. Pour empêcher cette victoire, Sylvie Casenave-Péré, la candidate du camp présidentiel, a annoncé lundi qu’elle se désistait.
Nicolas Dupont-Aignan, dans la 8e circonscription de l’Essonne. Elu sans discontinuer depuis 1997, Nicolas Dupont-Aignan pourrait perdre son siège de député cette année. Plusieurs fois candidat à l’élection présidentielle, l’élu d’Yerres est en ballottage défavorable (32,96%) face à la candidature NFP de Bérenger Cernon, investi par La France insoumise (34,37%). Le candidat de droite François Durovray, arrivé troisième (27,38%) au premier tour, maintient sa candidature et pourrait empêcher la figure de Debout La France de rempiler à l’Assemblée nationale.
A gauche et au sein du Nouveau Front populaire
• François Hollande, dans la 1re circonscription de Corrèze. Après avoir quitté l’Elysée en 2017, François Hollande pourrait revenir au Palais Bourbon, sept ans plus tard. Pour cela, le prédécesseur d’Emmanuel Macron doit bien négocier la triangulaire qui l’attend face à la candidate RN Maïtey Pouget (30,89%) et à celui des Républicains de Francis Dubois (28,64%). Dans cette 1re circonscription de Corrèze, l’ancien chef de l’Etat s’avance en favori (37,63%), alors que les réserves de voix sont quasiment inexistantes pour les trois finalistes.
• François Ruffin, dans la 1re circonscription de la Somme. Sa réélection s’annonçait difficile. Avec 33,92% des voix, François Ruffin, l’un des initiateurs du Nouveau Front Populaire, est devancé de sept points par la candidate du RN, Nathalie Ribeiro Billet (40,69%). Elu député depuis 2017, le réalisateur de Merci Patron ! a appelé ses sympathisants sur le réseau social X à ne pas perdre espoir et à se remobiliser pour le second tour. « On ira les chercher, avec les dents, dans la semaine qui vient. Au combat ! » a-t-il écrit.
Arrivée en troisième position avec 22,68% des voix, la candidate Ensemble Albane Branlant a rapidement annoncé son désistement dans la soirée. « Face au risque du RN, qui pourrait avoir une majorité absolue, je retire ma candidature. Je fais une différence entre des adversaires politiques et les ennemis de la République », a déclaré la candidate macroniste au micro de France Bleu.
• Alexis Corbière, dans la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis. Les habitants de la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis éliront un député de gauche après le second tour. S’agira-t-il du sortant Alexis Corbière, qui n’a pas été investi par La France insoumise, ou de Sabrina Ali-Benali, candidate du Nouveau Front populaire ? L’ancien proche de Jean-Luc Mélenchon est arrivé premier avec 40,19% des voix et devance l’infirmière, qui a rassemblé 36,39% des suffrages. Derrière, les électeurs des candidates Horizons (10,06%) et RN (9,68%) auront le rôle d’arbitres.
L’exemple d’Alexis Corbière illustre la singularité des dissidences menées par des députés LFI sortants qui n’ont pas été réinvestis par le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Dans les Bouches-du-Rhône, le sortant Hendrik Davi est arrivé en deuxième position (24,44%). L’écart est faible avec le candidat du RN Franck Liquori (25,77%) et celui du Nouveau Front populaire, Allan Popelard (23,32%), mais ce dernier a décidé de se désister après avoir lui-même appelé Hendrik Davi à se retirer.
• Valérie Rabault, dans la 1re circonscription du Tarn-et-Garonne. En Occitanie, la députée socialiste sortante Valérie Raubault, vice-présidente de l’Assemblée nationale, est en ballottage défavorable face à la maire des Républicains de Montauban, Brigitte Barèges, soutenue par le Rassemblement national. Cette dernière est arrivée en tête avec 43,9% des suffrages exprimés, soit 7 points de plus que la candidate du Nouveau Front populaire. Cet affrontement se fera sans la candidate du camp présidentiel. Avec 15,49% des voix, Catherine Simonin-Benazet n’est pas parvenue à se qualifier pour le second tour et a appelé ses électeurs à soutenir Valérie Rabault « car elle est la mieux placée pour rentrer dans une coalition républicaine », selon France Bleu.
• Raphaël Arnault, dans la 1re circonscription du Vaucluse. Il est l’un des candidats du Nouveau Front populaire qui a été le plus critiqué par ses opposants politiques. Raphaël Arnault, militant antifasciste lyonnais de 29 ans, s’est qualifié pour le second tour avec 24,76% des voix, contre près de dix points de plus pour son adversaire RN, Catherine Jaouen (34,62%). Dimanche 7 juillet, celui qui avait eu un échange très tendu avec Gabriel Attal avant le premier tour pourra cependant compter sur le soutien du dissident de gauche éliminé, Philippe Pascal (18,27%). Quatrième avec 16,13%, la candidate centriste Malika Di Fraja a annoncé à Europe 1 ne pas donner de consigne de vote.