Législatives 2024 : on a vérifié huit affirmations lors du débat entre Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure
Législatives 2024 : on a vérifié huit affirmations lors du débat entre Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure

Législatives 2024 : on a vérifié huit affirmations lors du débat entre Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure

28.06.2024
7 min de lecture

Le Premier ministre, le président du Rassemblement national et le premier secrétaire du Parti socialiste se sont affrontés sur France 2, à trois jours du premier tour.

Trois blocs pour trois projets de société. Sur France 2, jeudi 27 juin, les représentants des principales forces politiques nationales ont débattu une dernière fois avant le premier tour des législatives anticipées, dimanche. Olivier Faure (Nouveau Front populaire-Parti socialiste), Gabriel Attal (Ensemble-Renaissance) et Jordan Bardella (Rassemblement national) se sont livrés à de vifs échanges dans la dernière ligne droite de cette courte campagne.

Franceinfo a passé au crible huit affirmations avancées lors de ce débat souvent tendu, à l’image de la campagne.

Jordan Bardella revendique la « responsabilité de la défense nationale » s’il devient Premier ministre : c’est plus nuancé

« La Constitution stipule qu’évidemment celui qui a la responsabilité de la défense nationale, c’est le Premier ministre. »Jordan Bardella

sur France 2

Le président du RN et Gabriel Attal se sont écharpés sur la répartition des rôles entre Matignon et l’Elysée pour définir la politique de défense de la France, dans le cas d’une cohabitation. Dans Le Télégramme, mercredi matin, Marine Le Pen avait estimé qu’Emmanuel Macron serait ne serait chef des armées qu’« à titre honorifique » . 

Sans reprendre ce terme, Jordan Bardella a jugé l’interview « parfaite », et a développé une lecture similaire de la Constitution. « Je serai respectueux des institutions, de la fonction du président de la République, mais intransigeant sur la politique pour laquelle j’ai été élu », a-t-il martelé, promettant notamment qu’« il n’y aura pas de soldat français envoyés sur le sol ukrainien » s’il dirige le gouvernement.

« L’article 15 de la Constitution indique noir sur blanc que le président de la République est le chef des armées. De ce point de vue, ce n’est pas un titre honorifique. Par ailleurs, il préside le Conseil de défense qui est un important lieu de décisions » , précise le professeur de droit public Mathieu Carpentier auprès de Libération  .

En revanche, selon les articles 20 et 21 de la Constitution , « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » et « dispose de l’administration et de la force armée », tandis que le Premier ministre « est responsable de la défense nationale ». Pour les juristes, un bras de fer politique peut donc s’engager entre Emmanuel Macron et un Premier ministre de cohabitation en cas de désaccord.

Pour Olivier Faure, l’Ukraine ne veut pas que des troupes étrangères combattent au sol : c’est vrai

« L’envoi de troupes au sol, ce n’est absolument pas demandé, y compris par [Volodymyr] Zelensky ou par les Ukrainiens. Donc c’est absolument inutile. Et quand le président de la République l’a proposé, il a simplement réussi à diviser les Européens. »Olivier Faure

sur France 2

Lui-même opposé à l’envoi de troupes françaises sur le territoire de l’Ukraine, Olivier Faure a assuré qu’un tel engagement, envisagé à plusieurs reprises par Emmanuel Macron, « n’est absolument pas demandé » par Kiev.

Olivier Faure sur l’envoi de troupes françaises en Ukraine

C’était effectivement ce que rappelait le porte-parole de la Maison Blanche, le 5 mars dernier : Volodymyr Zelensky « n’a jamais demandé que des troupes étrangères combattent pour son pays. Il demande des outils et des capacités », rappelait John Kirby. Le président ukrainien l’assurait lui-même sur BFMTV le 11 mars : « Tant que l’Ukraine tient, l’armée française peut rester sur le territoire français ». Il ne refusait pas, en revanche, l’envoi de « personnels techniques », qui ne se rendraient pas en Ukraine pour combattre.

Jordan Bardella accuse le Nouveau Front populaire de vouloir « désarmer la police » : c’est faux

« Je ne dirai pas que, par principe, il y a des violences policières, que nos policiers sont coupables et qu’il faut désarmer la police, comme souhaite le faire le Nouveau Front populaire. »Jordan Bardella

sur France 2

Martelant sa volonté de « rétablir l’autorité de l’Etat », Jordan Bardella a accusé le Nouveau Front populaire, par contraste, de vouloir « désarmer la police ». Or, l’alliance de gauche se donne pour ambition, outre le rétablissement de la police de proximité, « d’interdire les LBD et les grenades mutilantes », comme elle l’écrit dans son programme. Il s’agit donc de retirer aux policiers deux armes dont ils disposent aujourd’hui, mais pas de les « désarmer » intégralement.

Jordan Bardella sur le programme du Nouveau Front populaire en matière de sécurité

Six femmes sur dix sont payées au smic, assure Olivier Faure : c’est faux

« Ce sont 60% des femmes qui sont au smic aujourd’hui, souvent des femmes qui élèvent seules leurs enfants »Olivier Faure

sur France 2

Lors d’un échange avec Gabriel Attal, Olivier Faure a affirmé que « ce sont 60% des femmes qui sont au smic aujourd’hui, souvent des femmes qui élèvent seules leurs enfants ». Mais le premier secrétaire du PS se mélange les pinceaux. En réalité, ce sont près de 60% des personnes au smic (un peu plus de 57% plus exactement) qui sont des femmes, d’après des statistiques du ministère du Travail (fichier PDF). Ce qui est loin de vouloir dire que 57% de toutes les femmes françaises sont payées au salaire minimum.

Olivier Faure sur le nombre de femmes au smic

Environ 900 000 clandestins sont présents sur le sol français, selon Jordan Bardella : c’est exagéré

« Nous avons aujourd’hui 900 000 clandestins sur le territoire français ».Jordan Bardella

sur France 2

En évoquant les « 900 000 clandestins » sur le territoire français, l’eurodéputé RN prend la fourchette haute d’une estimation de Gérald Darmanin avancée à l’automne 2022. « Le ministre de l’Intérieur a estimé ‘entre 600 000 et 900 000’ le nombre de personnes présentes irrégulièrement sur le territoire national au cours de son audition au Sénat », expliquaient les sénateurs Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, dans un rapport de novembre 2022.

Un quart des adhérents de la CPME disent qu’ils licencieraient en cas de hausse du smic à 1 600 euros : c’est vrai

« Quand on dit qu’on relève le smic [à] 1 600 euros, la CPME, qui représente les patrons de PME, a fait un sondage parmi ses adhérents. Un sur quatre a déclaré qu’il sera obligé de licencier si on augmentait ces charges »Gabriel Attal

sur France 2

Pour critiquer la promesse du Nouveau Front populaire de rehausser le smic à 1 600 euros net mensuels, Gabriel Attal a mis en avant un sondage publié par la Confédération des petites et moyennes entreprises. Un quart des patrons interrogés « a déclaré qu’il sera obligé de licencier » si la mesure est appliqué, avance le Premier ministre. « C’est faux », a rétorqué Olivier Faure.

Gabriel Attal et Olivier Faure sur la hausse du smic

C’est pourtant bien le résultat du sondage mené par la CPME auprès d’un millier de ses adhérents, des patrons de TPE et PME. « L’idée du Nouveau Front populaire de porter le salaire minimum à 1 600 euros nets par mois est mal perçue par les dirigeants, dont 41% prendraient des mesures drastiques », écrit la CPME dans sa synthèse des résultats. « Près de trois sur dix (27%) licencieraient une partie de leur personnel pour sauver leur entreprise ». « C’est la CPME qui a fait un sondage », a insisté Gabriel Attal sur le plateau de France 2. « C’est faux quand même », a insisté Olivier Faure, laissant entendre qu’il ne croyait pas à la concrétisation de cette menace si le smic augmentait réellement.

Jordan Bardella assure que l’énergie des éoliennes ne se stocke pas : c’est faux

« Les éoliennes, un quart du temps, tournent à vide. Et l’énergie, par définition, ne se stocke pas. »Jordan Bardella

sur France 2

Attaqué sur son rejet des éoliennes, Jordan Bardella, qui souhaite « un moratoire sur toute nouvelle construction », a avancé plusieurs arguments pour contester l’utilité de cette source d’électricité. Selon lui, « les éoliennes tournent à vide un quart du temps » et « l’énergie par définition ne se stocke pas ».

Jordan Bardella sur les éoliennes

C’est faux. En réalité, l’énergie produite par les éoliennes est utilisée, stockée ou vendue sur les marchés. Selon l’expert des énergies Nicolas Goldberg, « les éoliennes ne tournent pas à vide », et affirmer le contraire est « un abus de langage ». Il explique notamment que des usines savent aujourd’hui « décaler leur production pour utiliser cette énergie ». Par ailleurs, d’après Cédric Philibert, ancien analyste à l’Agence internationale de l’énergie, l’énergie éolienne « peut être stockée, dans des batteries par exemple ».

A Paris, 75% des violences envers les femmes dans la rue sont le fait d’étrangers, affirme Jordan Bardella : c’est trompeur

« A Paris, 75% des violences qui sont commises contre les femmes dans la rue sont le fait d’étrangers »Jordan Bardella

sur France 2

Interrogé sur les droits des femmes, Jordan Bardella a martelé l’idée d’un lien entre la lutte contre les violences et contre l’immigration, avançant à nouveau un chiffre évoqué lors de son débat seul face à Gabriel Attal, fin mai.

Il provient d’un article publié en avril par Europe 1, qui s’appuie sur des statistiques de la préfecture de police de Paris. Selon la radio, sur 97 viols commis dans les rues de la capitale recensés par la police en 2023, 30 ont été élucidés. Et parmi les 36 personnes interpellées dans ce cadre, 28 sont de nationalité étrangère, ce qui équivaut bien à 77% des mis en cause.

Une précision est cependant importante : les viols commis dans les rues le sont souvent par des personnes sans abri ou sans papiers, des catégories de la population dans lesquelles les étrangers sont surreprésentés par rapport à leur part dans la population française. De plus, les viols commis dans la rue, a fortiori ceux dont les auteurs sont identifiés et arrêtés, ne représentent qu’une faible minorité de la totalité des viols commis dans la capitale et en France plus généralement. Les chiffres rapportés par Europe 1 ne permettent donc pas de tirer des conclusions générales sur les violences sexuelles en France.

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