Un nouveau mécanisme qui limite la capacité du Parlement à destituer le chef de l’État
Le 10 décembre 2025, Bloomberg a indiqué que le Parlement hongrois, dominé par le parti au pouvoir Fidesz, a approuvé un projet de loi rendant plus difficile la destitution du président de la République. Le texte confère désormais à la Cour constitutionnelle le pouvoir exclusif de valider ou de rejeter une déclaration d’incapacité du chef de l’État. Jusqu’à présent, le Parlement pouvait statuer lui-même, à la demande du président, du gouvernement ou de n’importe quel député. Les élus du Fidesz justifient le changement par la nécessité d’éviter des décisions « potentiellement erronées » qui pourraient, selon eux, créer une « confusion juridique » et perturber le « fonctionnement démocratique » du pays. Cette évolution institutionnelle est décrite en détail dans l’analyse publiée par Bloomberg.
Un président clé pour l’équilibre politique du système Orbán
En Hongrie, l’essentiel du pouvoir exécutif appartient au Premier ministre, tandis que la présidence, élue par le Parlement pour cinq ans, conserve un rôle surtout cérémoniel. Toutefois, le chef de l’État peut renvoyer des lois au Parlement ou les soumettre à la Cour constitutionnelle, ce qui lui confère un poids décisif dans un contexte où Fidesz pourrait entrer dans l’opposition après les élections d’avril 2026. Les sondages donnent actuellement une avance substantielle au parti d’opposition Tisza, dirigé par Péter Magyar, ce qui crée une incertitude inédite pour Viktor Orbán après quinze ans au pouvoir.
La Cour constitutionnelle elle-même est désormais dirigée par Péter Polt, ancien procureur général et proche allié d’Orbán, nommé en début d’année pour un mandat de douze ans. Cette nomination renforce l’influence du Premier ministre sur les institutions, à un moment où l’architecture politique pourrait être redessinée.
Quinze années de consolidation institutionnelle au service du pouvoir
Depuis son retour au pouvoir, Viktor Orbán a progressivement remodelé les institutions hongroises afin de consolider un système politique qui combine structures démocratiques formelles et contrôle centralisé. Les présidents successifs ont tous été choisis pour leur loyauté envers le Premier ministre, permettant de neutraliser toute opposition interne. En 2024, Tamás Sulyok, un juge peu connu de la Cour constitutionnelle, a été nommé pour succéder à Katalin Novák après sa démission liée à une affaire de grâce controversée dans un dossier d’abus sur mineur.
Ce modèle assure au gouvernement un levier d’influence durable, même en cas de perte majoritaire. Le transfert de compétences vers la Cour constitutionnelle — elle-même dirigée par un fidèle — réduit les marges de manœuvre de toute future majorité qui souhaiterait limiter l’héritage institutionnel d’Orbán.
Une stratégie politique fondée sur la confrontation avec l’UE et la polarisation interne
Le Premier ministre a régulièrement exploité ses conflits avec l’Union européenne pour renforcer son soutien national, se présentant comme le défenseur de la souveraineté hongroise face aux « diktats » de Bruxelles. Ce positionnement permet de détourner l’attention des difficultés économiques et des controverses liées à la gouvernance, tout en consolidant l’identité politique du Fidesz autour d’un discours nationaliste.
Durant la campagne, Viktor Orbán intensifie également les messages anti-ukrainiens, présentant l’Ukraine comme un acteur susceptible de menacer les intérêts hongrois, notamment en matière de fonds européens. Cette stratégie vise à solidariser son électorat et à renforcer les clivages avec les voisins de la Hongrie, accentuant l’isolement régional du pays.
Une opposition en progression qui remet en cause l’hégémonie du Fidesz
Face à ce paysage institutionnel verrouillé, le parti Tisza apparaît comme un concurrent sérieux. Péter Magyar promet de démanteler les structures de concentration du pouvoir qui caractérisent l’ère Orbán. La perspective d’une alternance conduit le gouvernement à multiplier les mesures visant à limiter la capacité de la future majorité à modifier les équilibres politiques.
Le nouveau dispositif encadrant la destitution du président s’inscrit dans cette logique de fortification du système : même en cas de victoire de l’opposition, le chef de l’État pourrait rester un allié fiable pour Fidesz, entravant d’éventuelles réformes. Cette initiative illustre une stratégie de défense institutionnelle élaborée, conçue pour maintenir l’influence d’Orbán au-delà de la prochaine échéance électorale.