
Une récente étude menée par l’Inserm, diffusée le 16 septembre 2025, révèle une augmentation de la mortalité néonatale en France, particulièrement au sein des communes les plus défavorisées. Ce constat soulève des questions pertinentes non seulement sur les politiques sanitaires en place, mais également sur la viabilité économique d’un système qui peine à combler les disparités. Selon les chercheurs, environ un quart des décès précoces aurait pu être évité si les conditions de vie avaient été uniformes, rapporte TopTribune.
Des inégalités sanitaires aux impacts économiques
Les statistiques de l’Inserm sont frappantes : entre 2015 et 2020, les 20 % de communes les plus défavorisées ont enregistré un taux de 3,34 décès pour 1 000 naissances vivantes, tandis que ce chiffre n’était que de 1,95 pour 1 000 dans les zones développées. Cela représente environ 2 496 décès néonatals évitables en l’espace de cinq ans, selon l’épidémiologiste Victor Sartorius. Ces écarts ne révèlent pas seulement une perte humaine tragique, mais signalent également un coût économique indirect important lié à des hospitalisations prolongées et à des déséquilibres dans les infrastructures de santé.
La mortalité néonatale se pose désormais comme un indicateur clé, révélant non seulement la performance médicale, mais également la santé socio-économique du pays. Elle illustre l’incapacité à atténuer les fractures sociales, entraînant mécaniquement des dépenses accrues pour la Sécurité sociale et une pression sur les budgets des établissements de santé.
Les déterminants sociaux comme enjeux économiques
Les chercheurs soulignent que de nombreux déterminants de la santé relèvent de facteurs sociaux : pauvreté, taux de chômage élevé, monoparentalité, surpoids chez les mères et consommation de tabac. Ces éléments, plus répandus dans les territoires défavorisés, exacerbent le taux de mortalité néonatale et contribuent à l’augmentation des dépenses publiques. L’accès limité aux soins prénataux ou à des maternités de haut niveau dans certains secteurs accentue la question financière.
Au-delà des données sanitaires, l’augmentation de la mortalité néonatale met en lumière le poids des inégalités sociales sur l’ensemble de la société. Chaque décès évitable représente un drame personnel pour les familles et un signal d’alarme quant à notre capacité à offrir à chaque enfant des chances égales de survie et de développement. Cette réalité indique que la santé publique demeure un pilier fondamental de la cohésion nationale.
Un recul au niveau européen
Dans les années 1990, la France se distinguait parmi les pays les plus performants d’Europe en matière de mortalité infantile, mais elle a chuté au 23ᵉ rang aujourd’hui. En 2022, l’Ined a enregistré un taux de mortalité infantile de 4,5 ‰ chez les garçons et 3,7 ‰ chez les filles, dépassant la moyenne de l’Union européenne. Cette tendance questionne directement la capacité du pays à offrir une équité en matière de santé.
Ce déclin dans les classements internationaux ternit l’image de la France en matière de santé publique et souligne la nécessité d’investir dans des initiatives ciblées. Alors que les pays nordiques ont stabilisé leurs taux autour de 2 ‰, la France peine à freiner une dégradation qui alourdit ses charges sociales.
Le vécu de la grossesse dans un contexte de précarité
Au-delà des statistiques, l’étude de l’Inserm met en lumière des réalités quotidiennes. Dans les zones défavorisées, de nombreuses femmes enceintes se heurtent à des conditions de vie difficiles : logements insalubres, isolement social, précarité professionnelle. Ces facteurs engendrent du stress, une alimentation souvent déséquilibrée et un suivi médical irrégulier. Ces éléments favorisent les complications obstétriques et accroissent le risque de prématurité, principal facteur contribuant à la mortalité néonatale.
En outre, des obstacles pratiques subsistent. Certaines mères doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour accéder à une maternité appropriée, en raison d’un manque d’installations locales adéquates. Dans d’autres cas, les consultations prénatales sont rendues difficile par les horaires de travail précaires ou par l’absence de transport adapté. Cette accumulation d’obstacles entraîne un suivi médical incomplet, influençant ainsi la santé des nouveau-nés.
Prévention et soutien : un enjeu essentiel
Pour inverser cette tendance inquiétante, plusieurs solutions ont été proposées par des spécialistes. Renforcer la présence de sages-femmes dans les zones vulnérables pourrait permettre d’offrir un accompagnement de proximité, y compris à domicile. De même, des campagnes de sensibilisation concernant l’arrêt du tabac ou la nutrition durant la grossesse pourraient être orientées vers les familles les plus démunies afin de réduire le taux de mortalité néonatale.
Par ailleurs, certains experts plaident pour une meilleure coordination entre les services sociaux et le secteur de la santé. L’objectif serait de prendre en charge la femme enceinte de manière globale : logement, emploi, suivi médical et soutien psychologique. Dans ce contexte, la mortalité néonatale devient un indicateur clé témoignant du niveau de solidarité nationale. Réduire ces inégalités, c’est améliorer la qualité de vie des familles tout en renforçant l’équité au sein du système de santé.
Vers un rééquilibrage nécessaire
Les experts estiment que l’augmentation de la mortalité néonatale illustre une tendance plus vaste : l’accroissement des coûts liés aux inégalités. Investir dans la prévention, que ce soit à travers le suivi prénatal, des programmes anti-tabac ou de lutte contre l’obésité, pourrait à terme permettre de réduire les dépenses hospitalières et sociales. L’étude de l’Inserm sert ainsi d’alerte économique : ignorer la santé périnatale dans les zones défavorisées revient à transférer des coûts significatifs sur le système public.
Cette réalité renforce le lien crucial entre santé publique et économie. La mortalité néonatale ne constitue pas simplement un drame humain, mais devient également un marqueur de l’efficacité des politiques sociales et de leur influence sur les finances publiques.