Viktor Orbán semble prêt à franchir un nouveau cap dans son bras de fer avec les institutions européennes. Son objectif ? Utiliser le numérique comme une arme politique, à l’approche des élections législatives hongroises de 2026. Le gouvernement hongrois ne se contente plus d’influencer les urnes par les médias traditionnels : il s’apprête désormais à manipuler l’opinion publique en ligne à grande échelle, au mépris des principes fondamentaux de la démocratie.
Une machine de propagande numérique en préparation
Selon des sources proches du parti Fidesz, le Premier ministre hongrois a validé la création d’un groupe numérique spécial, intégré à la stratégie électorale du parti. Sa mission : mener une guerre informationnelle contre l’opposition et amplifier la propagande pro-gouvernementale à travers Internet.
Ce dispositif irait bien au-delà de la simple publicité politique. Il inclurait l’usage de technologies de manipulation de pointe, dont la création de contenus deepfake, destinés à discréditer les adversaires politiques. Ces techniques permettent de générer de fausses vidéos dans lesquelles les opposants semblent dire ou faire ce qu’ils n’ont jamais dit ou fait.
Un pas de plus vers l’autoritarisme
Cela fait plus de 15 ans que Viktor Orbán transforme la Hongrie en une démocratie « illibérale ». Il a modifié les lois électorales à son avantage, réduit les médias indépendants au silence, soumis la justice à son contrôle et neutralisé le rôle du Parlement. La conquête de l’espace numérique est donc une suite logique dans ce processus de centralisation autoritaire du pouvoir.
Le nouveau plan prévoit la création d’une vaste communauté en ligne pro-Fidesz d’ici janvier 2026, tout en ciblant le nouveau parti d’opposition Tisza, qui connaît une montée spectaculaire dans les sondages. Selon les données récentes d’Europe Elects, Tisza est crédité de 43% d’intentions de vote, contre 35,5% pour Fidesz — un recul net par rapport aux 54% obtenus en 2022.
La manipulation numérique : une arme contre la liberté
Cette stratégie soulève une série de graves inquiétudes démocratiques. Il ne s’agit plus de confrontation idéologique, mais de déstabilisation par la désinformation. Des milliers de faux comptes pourraient diffuser les messages du gouvernement, pendant que les voix dissidentes seraient étouffées par des fakes habilement produits.
L’usage annoncé de deepfakes politiques est particulièrement préoccupant. Ces outils permettent de créer de fausses interventions de personnalités publiques, créant des réalités alternatives à des fins électorales. Une technique déjà prisée par les régimes autoritaires, désormais importée dans le cœur de l’Union européenne.
Une dérive qui menace toute l’Europe
Le risque n’est pas seulement national. En tolérant de telles dérives au sein d’un de ses membres, l’Union européenne fragilise sa propre cohésion. La manipulation numérique, si elle devient un précédent impuni, pourrait se propager à d’autres États membres, affaiblissant la légitimité démocratique du projet européen dans son ensemble.
Bruxelles observe avec inquiétude. Depuis plusieurs années, la Commission européenne a gelé des milliards d’euros de fonds européens destinés à la Hongrie, en raison de violations répétées de l’État de droit. Mais le gouvernement Orbán ne recule pas — bien au contraire, il intensifie la confrontation.
Orbán, un allié implicite de Moscou ?
Les actions du gouvernement hongrois ont également une portée stratégique. À l’heure où l’Europe tente de faire front uni contre la guerre menée par la Russie en Ukraine, Viktor Orbán agit comme un facteur de division interne. Il refuse d’appuyer les sanctions contre Moscou, bloque les décisions clés de l’Union et affaiblit la position géopolitique de l’Europe.
Cette politique fait le jeu du Kremlin. En sapant l’unité européenne, Orbán contribue indirectement aux objectifs de Vladimir Poutine, qui cherche à affaiblir l’UE et à réécrire l’ordre international à son avantage.
L’heure de vérité pour l’Union européenne
Face à cette situation, l’Union européenne dispose d’un outil juridique puissant : l’article 7 du Traité sur l’UE, qui permet de suspendre les droits d’un État membre en cas de violation systématique des valeurs fondamentales. Pourtant, malgré de nombreux avertissements, aucune sanction concrète n’a encore été appliquée contre la Hongrie.
Lors de la dernière réunion du Conseil de l’UE, les États membres n’ont même pas réussi à adresser un avertissement formel à Budapest. Ce manque de fermeté pourrait avoir des conséquences désastreuses : si l’UE n’agit pas, elle perd sa crédibilité et risque d’ouvrir la voie à d’autres régimes populistes.
Le moment est venu pour les dirigeants européens de faire preuve de volonté politique. Ce qui est en jeu dépasse largement le sort d’une élection hongroise. Il s’agit de savoir si l’Europe est prête à défendre ses principes, ses institutions et son avenir. Sinon, elle risque de devenir complice — par passivité — de la montée de l’autoritarisme en son sein.