Au lendemain de la démission surprise de Sébastien Lecornu et de la faillite de son gouvernement, la crise politique française demeure aiguë. Emmanuel Macron a chargé le Premier ministre démissionnaire de mener des négociations cruciales jusqu’à mercredi 8 octobre au soir, alors que les appels à une élection présidentielle anticipée commencent à émerger, notamment de la part d’Edouard Philippe, ancien Premier ministre, rapporte TopTribune.
Appel à la démission
« Il me semble qu’il s’honorerait s’il nommait un Premier ministre avec pour fonction d’exécuter les affaires courantes et de construire un budget et de le faire adopter », a déclaré Edouard Philippe concernant Emmanuel Macron.
Il a ajouté : « il (Emmanuel Macron) annonce qu’il organise une élection présidentielle anticipée. C’est-à-dire qu’il part immédiatement après que le budget a été adopté », a-t-il soutenu sur RTL.
Si Emmanuel Macron devait quitter ses fonctions, l’organisation d’une nouvelle élection se poserait, surtout avec les élections municipales prévues les 15 et 22 mars 2026. Quelle serait alors la date retenue pour cette éventuelle élection présidentielle anticipée ?
Entre 20 et 35 jours
La possibilité d’une élection présidentielle anticipée peut survenir dans plusieurs scénarios : démission, destitution, décès ou empêchement du Président. Selon Mathilde Philip-Gay, professeure de droit constitutionnel à l’université Lyon Jean Moulin, « la première possibilité pour qu’une élection anticipée survienne, c’est la démission d’Emmanuel Macron. Dans ce cas, il y a d’abord l’intérim qui est effectué par le président du Sénat ». Ensuite, les électeurs sont convoqués sans délai par décret, conformément à l’article 1 bis de la loi n°62 relative à l’élection du président de la République au suffrage universel.
L’article 7 de la Constitution impose un délai pour organiser une nouvelle élection : entre 20 et 35 jours.
En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau Président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement.
« Dans le contexte actuel, cela serait plutôt 40 jours, le temps qu’Emmanuel Macron annonce sa démission. Ce qui nous emmène, si jamais le Président indique sa décision dans la semaine, à un premier tour vers la mi-novembre », estime la constitutionnaliste.
Le troisième mardi précédant le premier tour
Dans les deux cas d’élection présidentielle anticipée sous la Ve République (démission de Charles de Gaulle et décès de Georges Pompidou), il a été convenu que le décret de convocation aux élections précisait le jour de dépôt des candidatures.
Les 500 parrainages nécessaires à la validation d’une candidature doivent être soumis au plus tard le troisième mardi précédant le premier tour à dix-huit heures, impliquant ainsi une campagne électorale accélérée pour les candidats.
Calendrier électoral bouleversé
Une élection présidentielle anticipée ne signifie pas nécessairement des élections législatives, qui ne sont pas obligatoires. « Il est évident que le nouveau chef d’État fraîchement élu provoquerait une dissolution, car gouverner avec une telle majorité serait impossible. Cela impliquerait des élections législatives, suivies des élections municipales en mars prochain », analyse la spécialiste, signalant un calendrier oisif pour toutes ces campagnes politiques.
Une option pourrait consister en une annonce d’une démission différée d’Emmanuel Macron, selon Mathilde Philip-Gay :
Il pourrait dire : je démissionnerai fin janvier pour permettre la bonne tenue des élections municipales, cela serait possible. Une démission différée pour avoir le statut d’un François Hollande en fin de mandat, en somme, qui avait annoncé bien avant la fin de son mandat qu’il ne se représenterait pas.
Un référendum ?
Autre possibilité pour le Président : nommer un Premier ministre relativement inconnu, à l’image de Jean Castex en 2020. « Mais il pourrait faire voter un budget de consensus », précise-t-elle. Cependant, elle anticipe une stratégie de communication proactive de la part du chef de l’Etat, par exemple par le biais d’un référendum, afin de gagner du temps sur une loi. Le risque d’un « non » est toutefois présent. « Il pourrait démissionner après l’échec de ce référendum, comme l’avait fait Charles de Gaulle en 1969. Mais rien ne l’oblige dans la Constitution, et l’époque n’est plus la même », conclut la professeure de droit constitutionnel, notant que la situation politique actuelle est difficile à prévoir.