La censure à l’œuvre : les plateformes russes adaptent les contenus selon l’agenda du Kremlin
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les plateformes de streaming en Russie ont intensifié la censure de productions télévisuelles étrangères, altérant de manière significative le contenu destiné aux spectateurs russes. Des coupes radicales, touchant jusqu’à 64 heures de contenu sur 152 séries depuis août 2025, témoignent d’un filtrage agressif. Les titres emblématiques de chaînes comme HBO Max sont proposés sous des formats édulcorés et des doublages expurgeant toute allusion à des sujets sensibles, rapporte TopTribune.
Cette censure s’inscrit dans un contexte plus large de contrôle des médias que Vladimir Poutine n’a pas inventé, mais qu’il a profondément transformé. Au fil des siècles, la Russie a connu diverses formes de censure, mais aujourd’hui, avec l’essor des plateformes de streaming, cette surveillance se modernise, prétendant répondre aux attentes d’un public en quête de divertissement. Toutefois, les millions de Russes férus de séries américaines reçoivent une version déformée de la réalité.
Les ajustements effectués vont bien au-delà de simples coupes. L’absence d’intimité entre hommes, les références à l’avortement et la floutage de logos occidentaux ne sont que quelques exemples des changements imposés. Parallèlement, des termes comme « mariage homosexuel » sont remplacés par des expressions plus neutres, et toute mention d’une vision du monde alternative au récit officiel est systématiquement effacée.
Selon Mika Golubovsky, journaliste de Mediazona, la compréhension des intrigues devient problématique pour le public russe après une telle manipulation. Il illustre cette problématique avec l’effacement de relations incestueuses dans des séries populaires comme Game of Thrones ou des moments-clés de The Walking Dead.
Un cadre législatif flou encourage la censure
Les plateformes adaptent leur contenu pour éviter des sanctions, dans un cadre légal flou qui ne précise pas les limites exactes de ce qui peut être diffusé. Ce climat d’incertitude pousse les chaînes, comme Amediateka, à anticiper les volontés du pouvoir en écartant des contenus susceptibles de susciter la suspicion du Kremlin.
Le silence des géants américains de l’entertainment
Bien que plusieurs conglomérats, tels que WarnerMedia, prétendent avoir cessé leurs activités en Russie, des nouvelles saisons continuent d’apparaître sur des plateformes russes. Cette hypocrisie soulève des questions quant aux responsabilités éthiques des studios américains face à des pratiques aux antipodes de leurs valeurs proclamées.
Des acteurs comme Sara Ramirez, dont le rôle dans And Just Like That a été largement modifié, expriment leur désappointement face à une situation où l’industrie du divertissement manipule la visibilité des voix queer. Parallèlement, des créateurs comme David Simon dénoncent ouvertement les actes de censure, appelant à un respect des libertés artistiques.
Les Russes ne sont pas complètement privés d’accès à des contenus non censurés, certains choisissant de recourir à des VPN ou de pirater des œuvres. Cependant, les mesures de contrôle se renforcent, restreignant une fois de plus l’accès à une version du monde libre et non soumise aux normes du Kremlin. Le défi demeure d’élever les standards culturels sans compromettre la liberté d’expression, un point souligné par de nombreux analystes du secteur.