Le 24 octobre 2025, JD.com a lancé JoyBuy, un site e-commerce européen. À première vue, ce lancement peut sembler banal, mais il représente une stratégie économique majeure : le groupe chinois vise à établir une partie de sa puissance logistique en Europe, tout en séduisant une clientèle déjà fatiguée par des plateformes américaines et locales. JoyBuy symbolise donc une nouvelle étape de l’internationalisation du commerce électronique chinois, dans un contexte où les prix, les chaînes d’approvisionnement et la souveraineté numérique sont au cœur des préoccupations économiques, rapporte TopTribune.
Une stratégie industrielle autant que commerciale
Le lancement de JoyBuy ne se limite pas à un simple essai de marché. Il fait partie d’une initiative industrielle plus large de rééquilibrage des chaînes de valeur entre la Chine et l’Europe. Selon RetailDetail EU, JD.com a opté pour la France et l’Allemagne comme premières bases de son projet JoyBuy, utilisant son réseau logistique déjà établi sur le continent. Cette décision s’inscrit dans la transformation de sa filiale Ochama, qui est active depuis 2022 aux Pays-Bas, en une infrastructure dédiée spécifiquement à JoyBuy.
Le site JoyBuy n’est donc pas un acteur numérique de plus : il repose sur des entrepôts automatisés, des centres logistiques régionaux ainsi qu’une gestion intégrée, inspirée du modèle chinois de JD.com. Cette intégration verticale, caractéristique des grandes entreprises chinoises en ligne, permet de contrôler à la fois les stocks, la distribution et les données. Cela accorde à JD.com un avantage structurel par rapport à des plateformes plus « légères » telles que Temu, qui dépendent de fournisseurs externes.
D’après PPC Land, JoyBuy a déjà lancé des services de livraison « le jour même » pour les commandes passées avant 11 h, et « le lendemain » pour les commandes passées avant 23 h dans certaines villes allemandes.
Une entrée qui rebat les cartes du commerce numérique européen
Le lancement de JoyBuy met en lumière deux dynamiques principales : l’essor des plateformes chinoises et l’accroissement de la dépendance de l’Europe à leur égard pour les infrastructures. D’une part, la Chine ne se contente plus d’exporter des produits, mais propose également des modèles logistiques, tandis que le marché européen devient un laboratoire d’expérimentation pour ces innovations.
Comme le souligne GLP Insights, « l’Europe demeure une région stable et attractive pour les entreprises de e-commerce chinoises, mais elle impose une complexité réglementaire et fiscale qui requiert des investissements conséquents ». En misant sur JoyBuy, JD.com accepte cette barrière d’entrée pour s’établir solidement face à la concurrence.
La société pourrait également tirer parti d’une conjoncture économique favorable : la stagnation de la consommation intérieure en Chine pousse les géants numériques à se tourner vers l’international, alors que la croissance modérée en Europe incite les distributeurs à chercher des partenaires capables de stimuler la demande.
Une offensive qui interroge la souveraineté et la compétitivité
Le lancement de JoyBuy soulève d’importantes questions structurelles : comment l’Europe régulera-t-elle l’ascension des acteurs chinois du e-commerce ? Avec plus de 580 millions d’utilisateurs actifs et un réseau s’étendant sur 300 villes en Chine, JD.com possède un savoir-faire logistique presque inégalé. En exportant ce savoir-faire en Europe, il redéfinit les rapports de force avec les acteurs locaux.
À court terme, l’impact principal sera concurrentiel : JoyBuy va influencer les prix et les délais de livraison. À moyen terme, cet arrivé pourrait transformer la structure du marché lui-même, en s’imposant comme un nouvel étalon d’efficacité. Les acteurs européens, déjà sous pression à cause de la guerre des coûts provoquée par des entreprises comme Temu et Shein, devront s’adapter ou se spécialiser pour rester compétitifs.
