Les négociations vont-elles aboutir à une ébauche de cessez-le-feu en Ukraine ? Dès dimanche 23 mars au soir, les discussions entre Ukrainiens et Américains ont débuté à Riyad, a annoncé le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumerov, à la veille d’une réunion américano-russe séparée, également en Arabie saoudite.
Ces négociations étaient initialement prévues de manière concomitante lundi, entre Ukrainiens et Américains d’un côté, et Russes et Américains de l’autre. Franceinfo liste quatre choses à savoir sur ces pourparlers.
1 Des points de vue divergents sur les objectifs
Le président russe Vladimir Poutine semble jouer la montre, tant que ses hommes n’ont pas expulsé les troupes ukrainiennes de la région russe de Koursk. Le porte-parole du Kremlin a d’ores et déjà tempéré les attentes autour de ces nouvelles discussions. « Il s’agit d’un sujet très complexe et il y a beaucoup de travail à faire », a fait valoir Dmitri Peskov à la télévision russe, estimant que ces négociations seraient « difficiles ».
Dmitri Peskov a également affirmé dimanche que « le principal » sujet de discussions entre Russes et Américains serait « la reprise » de l’accord céréalier en mer Noire, omettant complètement de mentionner un éventuel accord d’arrêt des combats, limité ou sans conditions. L’accord céréalier, en vigueur entre l’été 2022 et 2023, avait permis à l’Ukraine d’exporter ses céréales, vitales pour l’alimentation mondiale, malgré la présence de la flotte russe dans la zone.
La Russie s’en était retirée après un an, déplorant que les Occidentaux ne respectent pas à ses yeux leurs engagements censés assouplir les sanctions sur les exportations russes de produits agricoles et d’engrais. « Nos négociateurs seront prêts à discuter des nuances autour de ce problème », a-t-il souligné.
La proposition américaine d’une trêve de trente jours ne s’étant pas concrétisée, Washington et Kiev poussent pour leur part, au minimum, pour l’arrêt pendant un mois des frappes contre les sites énergétiques. Selon Roustem Oumerov, « l’ordre du jour comprend » ainsi « des propositions visant à protéger les installations énergétiques et essentielles ». Auparavant, l’Ukraine s’était en outre dite « prête » à un cessez-le-feu « général » et sans conditions.
2 Des négociateurs peu expérimentés côté russe
Symbole des divergences entre les deux camps, la délégation ukrainienne est menée par le ministre de la Défense Roustem Oumerov. Côté russe, Vladimir Poutine a décidé d’envoyer deux profils moins expérimentés : un sénateur ex-diplomate de carrière, Grigori Karassine, et un cadre des services de sécurité russes, le FSB, Sergueï Besseda. « L’état d’esprit de Sergueï Orestovitch [Besseda] et de moi-même est combatif et constructif », a assuré Grigori Karassine, à la chaîne de télévision publique, déclarant espérer « réaliser au moins quelques progrès ».
Le CV des envoyés russes tranche avec celui du chef de la diplomatie Sergueï Lavrov qui avait été envoyé lors des premières discussions russo-américaines en Arabie saoudite mi-février, menant d’une main de fer la délégation arrivant de Moscou.
3 Un émissaire américain qui s’attend « à de vrais progrès »
Steve Witkoff, l’émissaire de Donald Trump, s’est montré optimiste dimanche, disant s’attendre à « de vrais progrès » lors de ces pourparlers avec le duo de négociateurs envoyé par Vladimir Poutine. La veille, il a fait l’éloge du président russe dans un podcast. « Je ne [le] considère pas comme un mauvais type », a-t-il assuré au sujet du président russe qui a ordonné à son armée en 2022 d’attaquer l’Ukraine.
Steve Witkoff, qui a rencontré le président russe le 13 mars à Moscou, a rapporté que celui-ci lui avait remis un « magnifique portrait » du président américain. Vladimir Poutine lui aurait par ailleurs raconté être allé prier pour Donald Trump lorsque ce dernier avait échappé à une tentative d’assassinat lors de sa campagne électorale, en juillet.
Interrogé dimanche par Fox sur le risque de voir Vladimir Poutine lancer une offensive sur d’autres territoires, l’émissaire américain a répondu : « Je ne crois tout simplement pas qu’il veuille s’emparer de toute l’Europe. C’est une situation bien différente de celle lors de la Seconde Guerre mondiale », quand l’armée soviétique avait marché jusqu’à Berlin dans le conflit contre l’Allemagne nazie.
Il a en revanche jugé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, contre qui Donald Trump s’était emporté lors d’une récente rencontre à la Maison Blanche, « dans une situation très, très difficile ». « C’est le meilleur moment pour lui de conclure un accord », a-t-il prévenu.
Les Européens sont, eux, marginalisés dans ces discussions, malgré l’envie affichée notamment par le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron de faire entendre la voix du Vieux Continent. Un sommet est prévu jeudi à Paris, en présence de Volodymyr Zelensky et des alliés de Kiev.
4 Des attaques qui continuent en amont des négociations
En parallèle des discussions diplomatiques, la Russie continue de pilonner son voisin ukrainien. Quelques heures à peine après l’entretien entre Vladimir Poutine et Donald Trump mardi, la Russie a mené une série de frappes contre « des infrastructures civiles », notamment sur un hôpital à Soumy, dans le nord du pays.
La nuit de samedi à dimanche a encore été marquée par une attaque de drones russes sur Kiev qualifiée de « massive » par le maire Vitali Klitschko, et qui a provoqué des dégâts dans au moins cinq quartiers de la capitale et plusieurs localités de sa périphérie. Au moins trois personnes ont été tuées dans deux endroits distincts de Kiev, selon les services de secours. L’armée russe a déclaré de son côté avoir intercepté 59 drones ukrainiens au cours de la nuit dans plusieurs régions russes et en Crimée, péninsule ukrainienne annexée en 2014.