Ce lundi, le chancelier allemand Merz a indiqué que les alliés occidentaux de l’Ukraine n’avaient « plus de limitation de portée » des armes livrées à Kiev. Une annonce que le Kremlin redoute particulièrement.
Ce qu’il faut retenir
- Berlin et ses alliés (Paris, Londres, Washington) ne limitent plus la portée des armes livrées à l’Ukraine, ouvrant la voie à des frappes sur le sol russe, selon Friedrich Merz.
- Moscou juge cette évolution « dangereuse » et contraire à toute solution politique ; Merz reste flou sur l’impact sur les futures livraisons allemandes, notamment des missiles Taurus.
- Malgré des efforts diplomatiques, dont une médiation proposée par le Vatican, les négociations de paix piétinent ; l’Allemagne se prépare à une guerre longue.
Les principaux alliés occidentaux de l’Ukraine, dont Berlin, ne fixent plus de restrictions à la portée des armes fournies à Kiev, a affirmé lundi le chancelier allemand, sans toutefois dire si cela aurait ou non un impact sur les futures livraisons.
« Si ces décisions ont vraiment eu lieu, elles vont absolument à l’encontre de nos aspirations à entrer dans un règlement politique. Et donc c’est une décision assez dangereuse », a rapidement réagi Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe.
« Il n’y a plus de limites de portée pour les armes qui ont été livrées à l’Ukraine. Ni par les Britanniques, ni par les Français, ni par nous. Ni par les Américains », a quant à lui déclaré Friedrich Merz, au cours d’un entretien avec la télévision publique WDR à Berlin.
« Cela signifie que l’Ukraine peut désormais se défendre, par exemple en attaquant des positions militaires en Russie, ce qu’elle ne faisait pas il y a quelque temps, à quelques exceptions près. Elle peut le faire maintenant », a noté le dirigeant conservateur allemand.
« Dangereux »
M. Merz n’a pas précisé à quel moment chaque pays, y compris le sien, avait décidé ces changements, ce qui a semé la confusion sur la nouveauté ou pas de ses propos.
Car l’ancien président américain Joe Biden avait déjà, dès novembre 2024, donné son feu vert à l’usage par Kiev de missiles tactiques de longue portée (ATACMS) contre des cibles situées en Russie.
L’Ukraine avait aussi tiré en novembre pour la première fois des missiles Storm Shadow fournis par le Royaume-Uni sur la Russie, après avoir reçu le feu vert de Londres, selon les médias britanniques.
Et le président français Emmanuel Macron avait affirmé dès mai 2024 que des frappes en Russie étaient possibles. La France a livré des missiles Scalp.
Le nouveau chef du gouvernement allemand n’a pas non plus dit si ces propos auraient ou non une incidence sur les armes livrées à l’avenir par Berlin à l’Ukraine, en particulier concernant les missiles de longue portée Taurus.
Sous le précédent gouvernement du social-démocrate Olaf Scholz, l’Allemagne, le deuxième fournisseur d’aide militaire à l’Ukraine, avait refusé de lui fournir ces missiles Taurus, craignant une aggravation des tensions avec la Russie.
Ambiguïté « stratégique »
Début mai, lorsqu’il a pris ses fonctions à la tête du gouvernement, Friedrich Merz s’était dit favorable à la livraison de ces missiles d’une portée de plus de 500 km, permettant d’atteindre le territoire russe en profondeur.
Mais, depuis, il s’est montré plus ambigu, soulignant qu’il ne donnerait plus le détail des armes qu’il enverrait à l’Ukraine, pour des raisons stratégiques, afin de ne pas en informer Moscou.
Jusqu’à présent, l’Allemagne n’a pas fourni à l’Ukraine d’armes d’une portée supérieure à 70 kilomètres environ.
Les alliés européens feront encore « tout ce qui est en (leur) pouvoir pour continuer à soutenir militairement l’Ukraine », a assuré de manière générale Friedrich Merz.
Après l’échec de récents pourparlers pour aboutir à un cessez-le feu en Ukraine, le chancelier allemand a par ailleurs jugé que le président russe Vladimir Poutine considérait les offres de discussions comme une « faiblesse ».
« Si même une proposition de réunion au Vatican ne rencontre pas » l’approbation de la Russie, « nous devons nous préparer à ce que cette guerre dure plus longtemps que nous ne le souhaitons ou ne pouvons l’imaginer », a-t-il ajouté.
L’idée d’une rencontre au Vatican a fait son chemin depuis que le pape Léon XIV a proposé sa médiation aux belligérants du monde entier.
Le chef de l’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky, le président américain Donald Trump, ainsi que les alliés européens de Kiev s’y sont dits favorables.
« Après ces trois dernières semaines, personne ne peut sérieusement nous accuser de ne pas avoir épuisé tous les moyens diplomatiques disponibles », a lancé M. Merz.
Des pourparlers ce mois-ci à Istanbul entre Ukrainiens et Russes, les premiers depuis 2022, n’ont pas abouti à un cessez-le-feu, les bombardements meurtriers se poursuivant sur le terrain.
L’Ukraine a subi une attaque impliquant le nombre record de 355 drones dans la nuit de dimanche à lundi, après un weekend de frappes massives au cours duquel Donald Trump a accusé Vladimir Poutine d’être devenu « complètement fou ».