La Française a décroché, dimanche, sa première médaille d’or internationale. Cavalière émérite, l’athlète de 33 ans a repris la course sur le tard, après des études d’ingénieur et un début de carrière dans l’automobile.
Alice Finot n’aura eu besoin que de trois ans. Trois ans pour changer de statut et confirmer que sa première incursion sur un podium européen en 2021 n’était pas qu’une divine surprise provoquant des suspicions. En décrochant l’or sur le 3000 mètres steeple des championnats d’Europe de Rome, dimanche 9 juin, la Française a validé un pas de plus dans une trajectoire quasi linéaire depuis son entrée fracassante sur la scène internationale.
A 33 ans, celle qui vit depuis huit ans à Vigo, en Espagne, dénote dans les rangs de l’équipe de France par un parcours atypique loin du circuit fédéral. Née en Franche-Comté, Alice Finot a grandi au milieu des chevaux avec l’exemple d’une mère cavalière. A 13 ans, la jeune Alice jongle entre l’athlétisme, le ski, le handball, le basket et surtout l’équitation. « Mon potentiel n’était pas exploité, même si j’étais une compétitrice », confiait-elle dans une interview à la Fédération française d’athlétisme (FFA) en 2021.
L’équitation comme premier amour
Cavalière de niveau national dès l’adolescence, Alice Finot abandonne le sport après le bac, pour se concentrer sur ses études d’ingénieur. La course à pied revient dans sa vie en 2015 par le défi lancé par son compagnon espagnol : courir un semi-marathon. Dans un temps modeste (1h41), elle gagne la course et reprend goût à la compétition, consciente de ses facilités.
Quand elle s’installe en Galice l’année suivante, elle rejoint un club d’athlétisme dans l’optique d’épingler des dossards de course sur route, en loisirs. « Puis on m’a demandé de participer à l’équivalent des interclubs en Espagne. C’est comme ça que je suis revenue sur la piste », retrace-t-elle auprès de la FFA. En parallèle, elle continue de monter à cheval. Alors qu’elle travaille à plein temps comme ingénieur automobile, Alice Finot décroche en 2018 ses premières breloques nationales. Elle délaisse alors l’année suivante l’équitation et consacre son temps libre à la course.
Une professionnalisation sur le tard
A 29 ans, à l’âge où beaucoup de sportifs de haut niveau empilent les sélections, elle décide de donner la priorité au sport en réduisant son temps de travail à 25 heures hebdomadaires. Résultat : elle devient, à la surprise générale, quelque mois plus tard vice-championne d’Europe en salle sur 3 000 mètres à Torun (Pologne), en 2021. Récoltant derrière un contrat d’équipementier lui permettant de prendre un congé sabbatique mais aussi des suspicions de la part d’observateurs étonnés de la voir débarquer de nulle part.
« Je pense que j’étais un peu naïve et pas consciente que c’était le revers de la médaille. (…) Je me suis dit : ‘Montre que tu es là tous les ans, que tu as ta place et que ce n’était que le début.’ Maintenant, avec le temps, on commence à me connaître, je n’entends plus du tout de rumeurs et ce pari que j’avais fait s’avère le bon », retraçait-elle auprès du média en ligne ABlock! en septembre 2023.
Une blessure au tendon tibial postérieur peu après sa médaille en Pologne la contraint de faire une croix sur les Jeux olympiques de Tokyo. Mais à force d’un solide entraînement croisé, avec beaucoup de kilomètres à vélo – une rareté dans le milieu –, Alice Finot revient en forme et s’adjuge le record de France dès sa reprise.
Suivent une 10e place encourageante aux Mondiaux d’Eugene en 2022, marquée par une spectaculaire chute en soleil dans la rivière, et surtout une 4e place à ceux de Budapest l’année suivante, avec un dernier tour de folie, synonyme d’un nouveau record de France et de minima olympiques.
Élever le niveau pour « jouer » face aux meilleures
A Rome, face à une concurrence à son niveau, Alice Finot est arrivée avec l’ambition de toucher l’or. « Le fait d’avoir fait les minima l’année dernière, ça m’a permis aussi de travailler. Cet hiver, j’ai fait beaucoup de volume, ce qui me permet maintenant de développer aussi ma vitesse et tout mon volume d’intensité », a-t-elle expliqué avant son entrée en lice, rassurée d’avoir battu récemment son record personnel sur 1 500 mètres. « Je saurai répondre à une course avec un gros rythme impulsé dès le début, comme je serais capable de répondre sur une course tactique. »
Si elle niait vouloir tester de nouvelles stratégies avant les JO, Alice Finot a finalement « joué » en finale, dimanche. En passant en tête à la cloche, elle a cherché à être chassée par la meute de concurrentes. « Je voulais voir jusqu’où ça allait m’emmener. J’ai joué, et ce n’est pas mon habitude. Je n’ai jamais eu cette opportunité. C’est un scénario que j’avais besoin de vivre avant les JO », a analysé la nouvelle championne d’Europe à l’issue de sa course.
Les Jeux olympiques, la dernière brique du puzzle que cette compétitrice n’avait au départ jamais envisagée. « Dans mon enfance, je ne rêvais pas des JO. Ils sont devenus un objectif atteignable au cours des années. Au début, je voulais être la meilleure de mon groupe d’entraînement, puis la meilleure du club, de la région, au national, européenne. Maintenant, j’ai envie d’aller aux JO avec les armes pour pouvoir jouer. » Plus qu’une étape à franchir.