Le rapport de décembre 2025 de la Cour des comptes, intitulé « CORRIGER LES PRINCIPALES DISTORSIONS DE L’IMPOSITION DU PATRIMOINE », soulève des interrogations sur le fonctionnement du Livret A, notamment en ce qui concerne son plafond, son éventuelle fiscalisation et son rôle. Ce projet de réforme pourrait entraîner un changement significatif dans les comportements d’épargne de nombreux Français, rapporte TopTribune.
Le Livret A, une utilisation détournée
Depuis plusieurs décennies, le Livret A s’est imposé comme une référence pour l’épargne. Avec sa garantie d’État et son statut de produit défiscalisé, il attire un large éventail de personnes, des jeunes actifs aux retraités. Cependant, la Cour des comptes remet en question cette utilisation qui ne correspond plus à l’idée originale de ce dispositif. Dans son rapport du 1er décembre 2025, il est noté que la mission d’assurance de sécurité financière qu’était censé remplir le Livret A n’est plus tout à fait respectée.
Selon ce rapport, l’épargne réglementée reste très prisée. En effet, le taux d’épargne financière a atteint un niveau exceptionnel de 9,0% du revenu disponible brut en 2024, bien plus élevé qu’avant 2019. Cette dynamique d’épargne, alliée à la montée des taux d’intérêt depuis 2021, a assimilé une augmentation significative des montants épargnés. Néanmoins, le dit rendement du Livret A demeure inférieur à des produits financiers tels que l’assurance-vie ou certains investissements en actions sur une période prolongée.
La Cour souligne également que l’exonération fiscale représentait un coût de 5,6 milliards d’euros en 2025. Bien que ce montant soit justifié pour les livrets modestes, en revanche, il semble moins pertinent pour ceux qui dépassent les plafonds et fonctionnent comme de véritables placements.
Le problème essentiel réside dans le fait que le Livret A est principalement utilisé pour accumuler des fonds, et non simplement comme un outil de sécurisation. En effet, le rapport illustre ce point à travers un exemple concret : un couple avec trois enfants peut accumuler jusqu’à 143.550 € sur divers livrets, une somme correspondant à 2,3 années de revenus moyens pour ce type de foyer. Cela démontre un usage qui dépasse largement son rôle de « coussin de sécurité ».
De plus, environ 15% des livrets dépassent le plafond autorisé, un chiffre qui grimpe à 63% pour le LDDS. Cette situation traduit un usage qui, selon la Cour, justifie une révision des règles afin de restaurer l’esprit d’origine de cette initiative.
Proposition d’un plafond unique : 19 125 €
Dans ce contexte, la recommandation la plus commentée du rapport émerge, qui suggère d’établir un plafond unique de 19 125 € pour le Livret A et le LDDS. Contrairement à une fusion des livrets, qui serait compliquée à réaliser, cette mesure semble plus réalisable.
Le rapport indique : « Le CPO préconise d’harmoniser les plafonds du livret A et du LDDS à 19 125 € et de soumettre à l’imposition de droit commun les dépôts excédant ce plafond. » Cette déclaration établit clairement les propos tenus par la Cour.
En pratique, cette mesure implique :
- une réduction du plafond du Livret A de 22.950 € à 19.125 €,
- une augmentation du plafond du LDDS de 12.000 € à 19.125 €,
- un imposition sur tout montant déposé au-delà de ce plafond, considérés comme des placements financiers classiques.
Selon les prévisions de la direction générale du Trésor, il serait possible de générer un gain potentiel de 150 millions d’euros dans le cadre d’une harmonisation et fiscalisation, et de 80 millions d’euros en cas de simple fiscalisation au-delà des montants actuels.
Pour les épargnants, la grande majorité ne sera pas affectée, car seuls les livrets approchant ou dépassant les plafonds seraient concernés. Actuellement, l’encours moyen est de 7.482 € selon le rapport, ce qui ne compromettra pas la nombreuses familles françaises. Toutefois, ceux qui considèrent le Livret A comme une forme de placement patrimonial devront envisager une réallocation de leur épargne.
Un enjeu de fond : redéfinir l’épargne réglementée
Derrière cette mesure administrative, la Cour des comptes promeut une idée fondamentale : l’épargne réglementée doit servir d’appui au financement des politiques publiques, plutôt que de devenir un abri fiscal. Le rapport aborde différents secteurs concernés, tels que le logement social, la transition écologique et le soutien aux PME innovantes.
Les analyses menées dans ce document insistent sur le fait que le financement public devant s’appuyer sur ces livrets ne peut être évalué simplement à travers les dépenses fiscales. Il est essentiel de le relier à des besoins de financement sur plusieurs années. Pour soutenir cette idée, les travaux de la Banque des Territoires et du rapport Pisani-Ferry sont mis en avant comme illustrations de ces projections à long terme.
En conclusion, si l’épargne réglementée se dirige vers des montants considérables détenus par des ménages dotés de meilleures ressources, elle ne répond plus aux objectifs initiaux et coûte plus qu’elle ne sert l’intérêt général. Ainsi, la volonté de redéfinir le périmètre de ces livrets se fait ressentir. Cependant, ce dispositif doit encore être soumis à l’examen du Parlement, et pour l’heure, les plafonds officiels restent maintenus à leur niveau ancien : 22.950 € pour le Livret A et 12.000 € pour le LDDS, et la défiscalisation intégrale des intérêts demeure inchangée.