Les deux pays européens veulent approfondir leurs relations dans de nombreux domaines, sur fond de guerre en Ukraine. Paris et Varsovie se promettent notamment une assistance militaire mutuelle en cas de menace.
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Un lien renforcé. Le président de la République, Emmanuel Macron, et le Premier ministre polonais, Donald Tusk, ont signé vendredi 9 mai à Nancy (Meurthe-et-Moselle), un « traité d’amitié et de coopération » liant les deux pays à travers plusieurs volets. « L’objectif de ce traité, c’est de consacrer l’amitié franco-polonaise et de renforcer dans la sécurité, la défense, les infrastructures, l’énergie et toute une série d’autres domaines notre partenariat bilatéral », avait expliqué l’Elysée en amont de la signature de ce traité qualifié de « premium ».
Avant de s’envoler pour la France, vendredi matin, Donald Tusk avait, quant à lui, insisté sur la collaboration entre les armées des deux pays, évoquant même le « parapluie nucléaire » que la France pourrait tendre à son allié européen et de l’Otan. Voici les grandes lignes de ce traité historique.
Une coopération militaire encore renforcée
Comme l’a déclaré le chef du gouvernement polonais, ce traité est avant tout une réponse à un contexte régional dégradé, alors que la Russie poursuit sa guerre d’invasion à grande échelle en Ukraine lancée le 24 février 2022. La France et la Pologne se promettent ainsi une assistance mutuelle en cas d’attaque « utilisant des moyens militaires », a précisé Donald Tusk, cité par la chaîne publique Polskie Radio. Même si cette aide est déjà prévue dans le cadre de l’article 5 du traité de l’Otan, dont font partie les deux pays, mais aussi l’article 42 alinéa 7 du traité sur l’UE, comme le rappelle le site Vie Publique, l’accord signé vendredi vient renforcer la coopération militaire dont les contours seront précisés lors d’un « sommet bilatéral » chaque année.
« Cette clause de soutien mutuel en cas d’agression contre l’un de nos pays est l’essence même de ce traité », a répété le Premier ministre polonais, après avoir évoqué « la possibilité d’une coopération » dans le domaine de la dissuasion nucléaire – le fameux « parapluie » tricolore qui fait régulièrement débat. A son arrivée à Nancy, Emmanuel Macron a déclaré que « la diffusion nucléaire française a une composante européenne ». « Dans ce traité, c’est une solidarité encore plus forte que nous scellons, qui permet de rendre opérationnel ce qu’il y a déjà dans l’article 5 de l’Otan », a ajouté le chef de l’Etat.
Le texte prévoit par ailleurs « des exercices, des missions et des déploiements conjoints dans des régions stratégiques », des échanges d’officiers, ainsi que des projets communs d’armement. Les deux pays s’engagent aussi à financer « des infrastructures de transport à double usage, servant au secteur civil comme au secteur militaire », afin d’améliorer la mobilité des troupes en cas de conflit.
Pour Paris, la Pologne est « un partenaire que, pendant trop longtemps (…), on a un peu négligé », regrettait vendredi matin le ministre français chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, au micro de RTL. « C’est un pays en première ligne face à la menace de la Russie, un acteur majeur de l’Europe aujourd’hui en forte croissance », a fait remarquer le ministre français, soulignant aussi que la Pologne a récemment gonflé ses dépenses militaires.
Des engagements sur l’immigration et la protection des frontières européennes
L’autre grand volet de ce traité porte sur les frontières, alors que la Pologne compte déployer un « bouclier » fait de barrières et d’aménagements militaires face à ses voisins russe et biélorusse. L’accord bilatéral prévoit ainsi d’établir une meilleure coopération en matière d’immigration, un sujet sensible pour Varsovie, qui accuse la Biélorussie de mener une « guerre hybride » en facilitant l’arrivée de migrants venus d’Afrique ou du Moyen-Orient jusqu’à ses frontières.
Dans ce dossier, et face à la menace d’une invasion militaire russe, la Pologne estime défendre les frontières de toute l’Union européenne, et attend une assistance ainsi que des fonds venus des autres Etats membres de l’UE. Vendredi matin, Donald Tusk a déclaré pouvoir compter sur l’appui politique de la France au niveau européen concernant cette problématique, et notamment le soutien d’Emmanuel Macron. Le traité de coopération doit permettre à la France et la Pologne de juguler l’immigration illégale, les « menaces hybrides » et « la traite des êtres humains » sur cette bordure de l’Europe, détaille le texte.
Une collaboration accrue sur le nucléaire civil
Outre la coopération autour du numérique, de la recherche scientifique ou de l’écologie, la France et la Pologne ont signé un « plan de coopération sur l’énergie nucléaire civile », qui décrit cette ressource « comme un pilier du futur bouquet énergétique des deux pays ». Dans le détail, Paris et Varsovie veulent s’associer pour construire et entretenir « la future flotte nucléaire moderne », un pacte qui devrait surtout permettre de développer des centrales nucléaires en Pologne, qui n’en dispose d’aucune, et reste très dépendante du charbon pour sa production d’électricité.
« Pour atteindre cet objectif, EDF est prête à proposer le réacteur à eau sous pression européen (EPR) », précise le plan lié au traité d’amitié, alors que l’électricien français vient enfin de mettre sa dernière technologie en service à Flamanville (Manche). Des échanges techniques plus approfondis sont prévus par cet accord, qui vise à renforcer les « dialogues commerciaux » entre les entreprises des deux pays. Toute la chaîne du nucléaire est ainsi concernée, de l’approvisionnement en combustible aux divers services pour les centrales nucléaires, qu’elles se trouvent en Pologne ou en France. Pour mettre en œuvre ce plan, un « comité bilatéral de coopération sur l’énergie nucléaire » sera créé d’ici au mois de juillet.