« Drag Race France » : « Cette victoire a transformé des années de manque d’amour-propre », confie Le Filip

21.07.2024
4 min de lecture

La drag-queen Le Filip a remporté la saison 3 de « Drag Race France » dont la finale a été diffusée vendredi sur France 2. Au lendemain de son couronnement, l’artiste a répondu aux questions de « 20 Minutes »

«Vive la nonchalance, vive la France et vive les femmes trans ! » Tels ont été les premiers mots de Le Filip lors de son sacre en finale de la saison 3 de « Drag Race France » diffusée vendredi sur France 2… Une déclaration qui illustre bien l’esprit fantasque, décalé et engagé de la drag-queen de 29 ans qui, lors de l’ultime épreuve, un play-back sur I’m Alive de Céline Dion, s’est imposée devant Ruby On The Nail. Avec cette victoire, c’est l’alliance du glamour et de l’humour camp, comme si des numéros de Vogue vintages avaient fusionné avec Absolutely Fabulous, qui est couronnée. 20 Minutes s’est entretenu avec Le Filip par téléphone ce samedi, quelques heures après son triomphe.

La finale a été tournée le 12 juillet au Grand Rex. Deux couronnements ont été mis en boîte, le vôtre et celui de Ruby On The Nail, afin de garder jusqu’à la diffusion de ce vendredi le suspense sur celle qui serait désignée comme la gagnante. Comment avez-vous vécu cette semaine d’attente ?

Bien, je pense (elle rit). Et avec beaucoup d’impatience. J’essayais de ne pas trop y penser mais, forcément, à chaque fois que je parlais à un proche, la première question c’était : « Alors, tu penses que ça va être toi la gagnante ? ». Tu as juste envie de crier. Cette attente, c’était un moment de film un peu, donc j’ai essayé d’être le personnage et de le jouer bien.

Est-ce que vous vous êtes dit : « Ça va être moi, je vais gagner » ?

Je ne suis pas très réseaux sociaux, j’évite de me googler et de faire des pronostics mais mon mec et mon entourage, c’est l’inverse (rires). Donc ils me tenaient au courant du fait que les gens étaient plutôt derrière moi, que l’opinion générale m’était favorable. Mais je restais dans mon calcul très mathématique : Ruby a gagné des challenges, moi pas. Alors, la victoire, je ne m’y attendais pas du tout. J’étais très sereine à l’idée d’être deuxième. Et le plus incroyable s’est produit.

De toutes les franchises « Drag Race » vous êtes, avec l’Italienne Elecktra Bionic, la seule à être couronnée sans avoir remporté aucun challenge au cours de la saison…

J’ai appris ça aujourd’hui.

C’est la touche Le Filip de créer la surprise ?

Ce doit être la touche Le Filip de ne pas faire les choses comme tout le monde, oui (rires). Un petit peu bras cassé, mais un bras cassé strassé.

Pourquoi, selon vous, le public a-t-il accroché à votre personnage ?

Bonne question… Je pense que Daphné Bürki [membre du jury] m’a aidée quand elle a parlé de ma nonchalance. Elle s’adressait à moi mais peut-être que, plus largement, elle a fait ça pour que le public me saisisse et me comprenne. C’est vrai que je ne suis pas la plus facile, la plus compréhensible. Je vois très bien pourquoi je pourrais ne pas plaire à certaines personnes. Que ma nonchalance soit soulignée a fait basculer l’opinion en ma faveur. Après, je suis drôle, donc les gens aiment rire, I guess.

Remporter « Drag Race France », ça représente quoi pour vous ?

Une validation. Je ne savais pas que j’en avais besoin. Je n’ai jamais remporté beaucoup de choses. Je n’ai pas l’esprit de compétition. A chaque fois que j’ai été dans des moments de vie où je devais exceller, je n’ai jamais excellé ou du moins je ne me suis pas permis d’exceller. Et là, le fait que, malgré le manque de challenges gagnés, les gens, la production et mes sœurs drags voient quelque chose en moi, suffisamment pour que je porte cette couronne, c’est extraordinaire. C’est touchant. En une nuit, cette victoire a transformé des années de manque d’amour-propre.

Un bout de cette couronne va-t-il vers la Croatie, d’où vous êtes originaire ?

Je pense oui, sans doute. Peut-être le sceptre, parce qu’il est très lourd. Les Croates sont assez forts des bras.

Quel regard portez-vous sur votre parcours dans « Drag Race France » ?

Un regard qui louche (rires). Mon passage à la télé synthétise ma vie : des hauts très hauts et des bas très bas.

Avec ce titre vous incombe la responsabilité d’être une porte-parole de la scène drag française pendant un an. Vous y êtes prête ?

Oui, complètement. C’est la meilleure des choses. J’ai bossé pour. C’est la seule chose que je sais faire. Avec beaucoup de modestie (rires), je suis bien positionnée pour en parler. J’ai un amour profond pour le drag, qu’il soit cheap, trash, hypersoigné, mode, drôle, tragique… J’en raffole. Autant en faire raffoler d’autres gens aussi, les embarquer avec moi.

Vous êtes l’une des signataires de la tribune rédigée par des artistes drag déclarant « nous incarnons une rébellion nécessaire face au fascisme » et publiée ce samedi dans « Libération ». Pourquoi ?

J’ai connu l’extrême droite en Croatie. Aujourd’hui, pour moi, la France est davantage mon pays parce que c’est ici que j’ai passé le plus de temps de ma vie, que j’ai rencontré mes meilleurs amis, l’amour de ma vie, que j’ai fait carrière… Voir des choses que j’ai fuies commencer à germer en France me peine beaucoup, parce qu’il n’y a pas à essayer ce genre de choses. L’Europe l’a déjà essayé il y a plusieurs décennies. Il ne faut pas jouer avec le feu.

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